RDC : des ressortissants chinois et leurs partenaires congolais à la tête d'une ruée vers l’or illégale dans le Haut-Uélé (enquête)

Vue aérienne sur la cité minière de Durba en province du Haut-uele, dans l'Est de la RDC
Vue aérienne sur la cité minière de Durba en province du Haut-uele, dans l'Est de la RDC
PAR Deskeco - 19 sep 2025 16:58, Dans Mines

Dans son rapport rendu public récemment, l'ONG PAX accuse des ressortissants chinois et leurs partenaires congolais d'être à la tête d'une ruée vers l’or illégale dans la province du Haut-Uélé, dévastant des rivières et nuisant aux populations.

"Ce sont des ressortissants chinois et leurs partenaires congolais qui ont été à la tête de cette ruée vers l’or, avec la protection de membres de l’armée et de la police congolaises", dénonce l'ONG dans sa nouvelle enquête de l'ONG PAX.

Dans ce document, l'ONG renseigne que depuis fin 2020, la province du Haut-Uélé, dans le nord-est de la République démocratique du Congo, est le théâtre d’une explosion de l’exploitation illégale de l’or à l’aide d’engins lourds. 

À en croire cette organisation non gouvernementale, ces mineurs ont ciblé les cours d’eau et leurs berges, qu’ils ont exploités de manière semi-industrielle, jour et nuit. PAX, qui cite une nouvelle analyse d’images satellites, révèle que ces opérations ont gravement endommagé plus de 250 kilomètres de rivières et de ruisseaux dans le Haut-Uélé.

"Les mineurs ont creusé sur des étendues de 50 à 400 mètres de large, souvent le long de dizaines de kilomètres de cours d’eau. Dans certains cas, ils ont même déplacé entièrement le lit de la rivière. Cela a donné lieu à des chaînes de fosses minières, aujourd’hui inondées, qui s’étendent sur de nombreux kilomètres. Ces opérations ont également entraîné la déforestation, notamment en raison de la construction de grandes routes menant aux sites miniers", a-t-on lu.

L'ONG poursuit que " Les exploitants de mines semi-industrielles ont abandonné de manière irresponsable d’innombrables sites miniers dans le Haut-Uélé, créant ainsi un risque important de noyade pour les communautés voisines. Sur la base de données incomplètes fournies par des autorités locales et un activiste de la société civile, PAX craint que des dizaines de personnes, dont des enfants, se soient noyées dans ces mines".

Mettre fin de manière effective à l’exploitation aurifère semi-industrielle illégale dans le Haut-Uélé et dans les autres provinces touchées

C'est dans ce contexte que PAX formule une série de recommandations :

Le gouvernement de la République démocratique du Congo devra mettre fin de manière effective à l’exploitation aurifère semi-industrielle illégale dans le Haut-Uélé et dans les autres provinces touchées ;

Les autorités congolaises devraient prendre des mesures urgentes pour sécuriser les sites miniers abandonnés afin d’empêcher l’accès du public, notamment en installant des panneaux d’avertissement, et sensibiliser la population aux risques de noyade ;

Les autorités congolaises devraient mener une étude sur l’impact de l’exploitation semi-industrielle de l’or dans le Haut-Uélé sur l’environnement et la santé humaine, en sollicitant l’aide de partenaires internationaux si nécessaire, puis prendre les mesures appropriées pour protéger l’environnement et la santé publique ;

Le pouvoir judiciaire congolais devrait mener des enquêtes et poursuivre de manière appropriée toutes les personnes impliquées dans ces activités illicites, quel que soit leur rang ou leurs relations, et veiller à ce que les personnes affectées par ces activités obtiennent réparation ;

Le Congo devrait mettre fin au déploiement illégal de ses forces militaires et policières pour protéger des exploitations minières illégales, et sanctionner les personnes qui enfreignent ces réglementations ;

La Chine devrait enquêter sur cette affaire et demander des comptes à ses ressortissants impliqués dans l’exploitation illégale de l’or dans le Haut-Uélé et dans d’autres régions de l’est du Congo ;

Les gouvernements étrangers devraient exhorter le président Tshisekedi et son administration à sévir contre l’exploitation aurifère semi-industrielle illégale.

Un pillage sous la protection de militaires et de policiers

Il est important de noter ici que les zones du Haut-Uélé où l’exploitation minière semi-industrielle a été menée depuis 2020 sont sous le contrôle du gouvernement congolais. "Cependant, au lieu de réprimer ces activités illicites, les forces de sécurité de l’État les ont illégalement protégées. On estime que des centaines de militaires et de policiers congolais ont été déployés pour assurer la protection de ces activités minières dans le Haut-Uélé depuis 2020. Les forces de sécurité ont souvent refusé l’accès aux sites miniers aux fonctionnaires locaux chargés de surveiller les mines. Ces derniers ont donc eu du mal à contrôler l’exploitation aurifère semi-industrielle", apprend-on.

De même, un responsable local des mines, également à Watsa, a déclaré à PAX qu’il n’avait « absolument aucune information » sur les exploitants semi-industriels. Il soupçonnait ces derniers d’avoir conclu un accord avec les autorités provinciales ou nationales, dénonçant « beaucoup trop de trafic [d’influence ». « Ils appelaient la hiérarchie [en cas de problème] », a-t-il déclaré. 

Un chercheur de PAX a été témoin de la manière dont les forces de sécurité congolaises protégeaient des opérations minières illégales. Il a été bloqué à une barrière sur un site minier exploité par des ressortissants chinois, dans le territoire de Faradje, par un agent de sécurité congolais qui s’est présenté comme membre de l’Unité de protection des institutions et des hautes personnalités (UPI/HP). Celui-ci a déclaré avoir été envoyé depuis Kinshasa, la capitale, et a refusé à PAX l’accès à la rivière voisine, qui faisait l’objet d’une exploitation minière.

D’autres provinces de l’Est touchées

L’analyse des images satellites réalisée par IPIS a également révélé au moins 250 kilomètres supplémentaires de cours d’eau endommagés dans la province de l’Ituri, qui semblent avoir été causés par l’exploitation aurifère semi-industrielle depuis 2020.

Selon les informations recueillies par PAX, des ressortissants chinois ont également souvent été impliqués dans ces activités en Ituri, une province partiellement contrôlée par des groupes armés non étatiques. Si certaines de ces opérations ont pu être menées par des entreprises ayant obtenu les autorisations nécessaires, d’autres semblent avoir été réalisées en dehors de tout cadre légal.

Des exploitations minières aurifères similaires, qui seraient en grande partie illégales et impliqueraient des ressortissants chinois, ont été signalées dans d’autres provinces de l’est du Congo ces dernières années, en particulier dans le Sud–Kivu, également en partie contrôlé par des groupes armés non étatiques, et dans la province de la Tshopo.

Bienvenu Ipan

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