Alors que les ONG environnementales, tant au niveau national qu'international, alertent sur la suspension de 52 nouveaux blocs pétroliers annoncés le 2 mai dernier par le gouvernement congolais dans la cuvette centrale, certains scientifiques congolais soutiennent néanmoins le projet. C'est le cas du professeur Wetshondo Osomba Dominique, spécialiste en pétrole et gaz à l'Université de Kinshasa.
Pour ce professeur ordinaire, on ne peut refuser à un État de reconnaître ce qu'il y a sous son sol, alors que des dispositions sont prises pour en assurer le processus. Dans le cas précis, il salue le fait que le ministre des Hydrocarbures actuel ait accepté d'associer les experts environnementaux dans la réalisation des études amorcées.
« Le projet est bon, il n'est pas tellement mauvais, d'autant plus que le ministère de l'Environnement a réussi à intégrer les composantes de spécialité environnementale, donc les experts des ministères de l'Environnement. Et dans ces nouveaux découpages, où ils vont essayer certainement d'enlever tous les empiètements liés aux parcs, tout ce que l'on a sur les tourbières, et le couloir du ministère de l'Environnement », déclare-t-il.
Il ajoute :
« Avant, les deux ministres ne parlaient pas le même langage ; maintenant le ministre actuel a pu intégrer les experts des ministères de l'Environnement. Parce qu'après tout, on ne peut pas refuser à un État de reconnaître ce qu'il y a sous son sous-sol. »
L'intégration des experts environnementaux permettra de réaliser une étude à la hauteur, afin que les nouveaux blocs ne détruisent pas l'environnement, notamment les aires protégées. Il illustre son propos par une exploitation pétrolière qui s'est déroulée dans un parc en Ouganda, où les activités touristiques ont été maintenues simultanément. Cet aspect, souligne-t-il, ne peut fonctionner qu'avec une dimension professionnelle.
« Même s'il y a impact, il y a possibilité de faire cohabiter les deux activités, c'est-à-dire le pétrole et l'environnement. Là, il faut une dimension plus professionnelle. Il y a des exemples à travers le monde : en Ouganda, dans le parc Murchison, où il y a eu des activités pétrolières et touristiques ; au Gabon également », indique-t-il.
L'intégration des experts du ministère de l'Environnement reste un argument qui n'a pas convaincu les ONG. Dans un communiqué, la coalition « Notre terre sans pétrole », regroupant 176 organisations nationales et internationales, l'a rejeté, appelant le gouvernement à développer plutôt une politique de protection de l'environnement, mais aussi à respecter les engagements nationaux et internationaux du pays, notamment l'Accord de Paris sur le climat.
De son côté, la coalition « Le Congo n'est pas à vendre » (CNPAV) a également interpellé le gouvernement pour suspendre la distribution de ces blocs en attendant une étude environnementale préalable. Le CNPAV met aussi en garde le gouvernement contre les risques financiers et environnementaux, en raison du contexte de transition énergétique où la demande en pétrole risque de diminuer dans les cinq prochaines années.
Pour rappel, lors de la 42e réunion du Conseil des ministres tenue vendredi 3 mai 2025, le ministre des Hydrocarbures a informé le gouvernement du découpage complet du bassin sédimentaire de la cuvette centrale en blocs pétroliers ouverts à l'exploration. Aimé Molendo Sakombi a précisé qu'en plus des trois blocs déjà attribués (Mbandaka, Lokoro et Busira) à la société COMICO, 52 nouveaux blocs pétroliers venaient d'être ouverts à l'exploration.
Jean-Baptiste Leni