La mesure prise par le gouvernement congolais en février dernier concernant la suspension du cobalt sur le marché mondial est supposée être levée d’ici le 22 juin 2025. Suspendu pendant quatre mois par l’ARECOMS afin de maîtriser son offre sur le marché, le cobalt a vu son cours grimper, se vendant jusqu’à 33 000 dollars américains la tonne.
Si le gouvernement envisage la levée de cette mesure, quelles pourraient être les actions à prendre à court, moyen et long terme pour éviter une chute du cours de ce minerai stratégique ? Dans une interview accordée à notre confrère José Mukendi, Jimmy Munguriek, directeur pays de l’ONG internationale Resource Matters, recommande au gouvernement de définir un quota très clair pour les entreprises exploitantes, accompagné de critères bien précis.
« Nous estimons que si la mesure doit être levée, l’État doit fixer un quota d’exportation par entreprise, car il ne s’agit pas d’inonder le marché après cette suspension. D’autant que, pendant ces quatre mois, les entreprises auront accumulé d’importants stocks. Il faut également établir des critères transparents pour attribuer ces quotas », explique-t-il.
Il propose qu’à long terme, le gouvernement « conditionne l’exportation de cobalt à une transformation locale préalable. Seules les entreprises capables de transformer le minerai sur place devraient avoir la priorité pour l’exporter ». Une mesure qui, selon lui, stimulerait l’industrialisation locale.
Par ailleurs, le gouvernement devrait n’accorder des licences d’exportation qu’aux entreprises respectant les normes minimales, notamment environnementales et sociales. Munguriek insiste aussi sur la nécessité de renforcer la gouvernance du secteur minier et d’adopter des mesures pour soutenir les prix.
De son côté, le Centre Carter a récemment tiré la sonnette d’alarme sur la faible participation des citoyens congolais dans le secteur extractif. Son représentant pays, Romain Ravet, a déploré leur méconnaissance de leurs droits et de la valeur générée par ces ressources.
« Aujourd’hui, la gouvernance du secteur extractif est l’affaire d’élites techniques et politiques. Les Congolais, pourtant propriétaires de ces ressources minières et hydrocarbures, y participent peu. Ils ignorent leurs droits et la richesse créée par les ressources de la RDC », a-t-il regretté.
Il recommande donc un meilleur équilibre dans la diffusion d’informations entre le gouvernement et la population, « détentrice légitime de ces ressources ».
Pour Patrick Luabeya, président du conseil d’administration de l’ARECOMS, la mesure de régulation visait à « remettre les choses en perspective : maîtriser l’offre mondiale tout en garantissant une rémunération équitable pour les artisans, l’État et les investisseurs ».
« Il s’agit de rétablir un partage juste de la valeur », a-t-il conclu.
Cette suspension a paralysé l’exploitation artisanale du cobalt, contraignant certains acteurs à se reconvertir vers d’autres minerais comme le cuivre. C’est le cas au Lualaba, province abritant les plus grandes réserves de cobalt de RDC, où l’entreprise Congo Dongfang International Mining (CDM) a suspendu ses activités en raison de la chute des prix. Une situation confirmée par Aimé Césaire Banza, acteur local interrogé par José Mukendi.
Jean-Baptiste Leni