L'Institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence "Ebuteli" (« escalier » en lingala) recommande aux parties prenantes de la Semaine minière (DRC Mining Week), qui se tient du 11 au 13 juin 2025 à Lubumbashi - rendez-vous devenu incontournable dans le secteur minier africain - de saisir cette occasion pour faire des minerais congolais un puissant levier de développement pour la RDC.
"Or, zinc, étain, coltan, diamant, cuivre – et surtout cobalt et lithium, minerais au cœur des enjeux géopolitiques et de la transition énergétique – sont au centre des échanges (lors de cette Semaine minière : ndlr). Sur le papier, cette richesse devrait être un puissant levier de développement pour la RDC. Pourtant, le même paradoxe demeure : en 2023, le secteur minier congolais représentait plus de 80 % des recettes budgétaires, près de 50 % des revenus publics, 99 % des exportations et 55 % du produit intérieur brut (PIB), selon un rapport de l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). Dans le même temps, plus de 70 % des Congolais vivaient avec moins de 2,15 dollars par jour. Ce contraste est très visible à Lubumbashi et à Kolwezi, villes vitrines du secteur minier congolais : l'électricité et l'eau potable restent rares ; et, en dehors des routes d'exportation, celles de desserte agricole sont insuffisantes, impraticables ou inexistantes", peut-on lire dans le blog de l'Institut Ebuteli.
"Il faut une planification industrielle rigoureuse, des institutions stables, et surtout une volonté politique inscrite dans la durée", poursuit l'institut de recherches.
"Transformer le secteur minier en un véritable moteur de développement reste possible. Il faut pour cela une planification industrielle rigoureuse, des institutions stables, et surtout une volonté politique inscrite dans la durée", a recommandé Ebuteli.
Dans son analyse, l'institut identifie quatre facteurs qui "empêchent la richesse minière de la RDC de se convertir en levier de développement" :
"les lacunes géologiques, l'artisanat minier désorganisé et non encadré, le défi d'industrialisation et la gouvernance politique".
Pour Ebuteli, "au-delà de toutes ces limites techniques, le nœud du problème est surtout politique".
Il souligne :
"la RDC ne manque ni de lois ni de plans stratégiques ; c'est leur application qui fait défaut. Le code minier révisé en 2018 promettait de renforcer et rétablir sa souveraineté sur ses ressources : rapatriement de 60 % des ventes à l'exportation, la participation requise d'au moins 10 % des personnes physiques de nationalité congolaise dans le capital social des sociétés minières ou le relèvement de la quotité de la participation de l'État dans le capital social des sociétés minières".
Pourtant, déplore Ebuteli, sur le terrain, "la RDC est toujours dépendante de capitaux et d'expertise extérieurs. Selon cet institut, l'Entreprise générale du cobalt (EGC), conçue pour centraliser l'achat de la production artisanale, a notamment bénéficié d'un préfinancement de la firme Trafigura pour le démarrage de ses activités. Cet accord a suscité des critiques, notamment de l'ancienne ministre des Mines, qui y voyait un transfert de fait de son rôle à un opérateur privé".
Le blog fait remarquer que les deux plans stratégiques de développement du secteur minier suivent la même trajectoire. Le premier (2016-2021) est resté au stade technique faute de validation politique. Quant au second (2021-2026), bien que présenté officiellement, sa mise en œuvre concrète reste un défi majeur alors que son calendrier touche à sa fin.
DRC Mining Week : occasion de mettre en lumière le potentiel inestimable de la RDC
Dans ses analyses, l'institut poursuit :
"Au même moment, la « présidentialisation » du secteur continue. Comme avec le contrat sino-congolais négocié et géré depuis la présidence sous le régime précédent, les nouveaux accords miniers se discuteront encore dans un cercle restreint. Les communautés vivant au pied des gisements n'en découvriront l'existence qu'une fois les engins déployés ; elles subiront alors les décisions prises au sommet sans avoir jamais été consultées".
L'Institut constate un fait :
"aujourd'hui, la valeur stratégique d'un minerai comme le cobalt est avant tout déterminée par les pays qui le transforment en produits finis, et non par la simple détention des réserves. Tant que les États-Unis, l'Union européenne ou la Chine le jugent indispensable à leurs secteurs stratégiques et restent vulnérables face à une offre mondiale concentrée majoritairement en RDC, le cobalt conservera son importance économique et géopolitique". Cependant, nuance l'Institut Ebuteli, "l'apparition de substituts, la diversification des sources d'approvisionnement, ou l'émergence de nouvelles technologies moins exigeantes en cobalt, pourraient très rapidement faire disparaître cette centralité".
D'où son avertissement : "Ce 20e anniversaire de la DRC Mining Week est donc une occasion de mettre en lumière le potentiel inestimable de la RDC, mais surtout de rappeler qu'une fenêtre de rentabilité peut se refermer".
Bienvenu Ipan