RDC : qui se cache derrière Congo King Baisheng?

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PAR Deskeco - 17 mai 2023 08:05, Dans Analyses

ACTUALITE.CD a enquêté sur la société d’exploitation forestière la plus décriée de Mongala. Son nom, c’est Congo King Baisheng Forestry Development (COKIBAFODE). Sa propriétaire, Madame Lu Yunying, est inconnue des Congolais, mais elle semble avoir d’importantes connexions politiques des deux côtés du fleuve.

Des recherches menées par ACTUALITE.CD et ses partenaires montrent que Congo King Baisheng Forestry Development (COKIBAFODE) appartient à Madame Lu Yunying ou  Yunying Lu Yunying, selon les documents, née à Zhejiang dans une province de l’est de la Chine le 19 octobre 1973. Elle a créé la société en septembre 2019 avec un apport d’à peine 10 000 dollars, précise les statuts de cette société. Elle est aussi citée comme l’unique propriétaire de Congo Sunflower Forestry Development, une autre société controversée, basée à Matadi.

Cette ressortissante chinoise est inconnue en République démocratique du Congo, mais est l’associée d’une figure plus connue au Congo-Brazzaville voisin, Kelly Christelle Sassou Nguesso, la fille du président, au sein de la société d’exploitation forestière Entreprise Christelle.

Madame Lu Yunying habite au siège même de la société domiciliée au 1 avenue Mboto, Quartier Kinkole Pêcheur, Commune de Nsele. Mais dans ce quartier, personne ne connaît le nom de cette entreprise ou sa propriétaire. C’est un nouvel acteur sur le marché congolais, selon un rapport sur les risques liés à l’exploitation du bois par pays réalisé par l’ONG Forest Trends en 2021 pour le compte du département d’Etat américain. Elle a repris neuf concessions d’une surface totale de près de 1572 ha appartenant toutes à la controversée Maniema Union, aujourd’hui disparu à travers ses deux sociétés au Congo, Congo King Baisheng et Congo Sunflower Forestry Development. Maniema Union appartenait à la famille du général Gabriel Amisi dit Tango four, actuel inspecteur général des FARDC. ACTUALITE.CD et ses partenaires n’ont pas été en mesure de joindre Madame Lu Yunying et ses sociétés qui n’ont pas non plus de siège identifié à Lisala et à Boyangi.

Toutefois, selon un rapport daté de mai 2020, l’Inspection générale des finances a réussi quelques réponses de sa part, puisque Congo King Baisheng Forestry Development et Congo Sunflower Forestry Development font partie de quatre sociétés sur 45 à lui avoir apporté les éléments demandés sur les droits dus à l'Etat. Malgré cela, les inspecteurs ont établi que, Congo King Baisheng Forestry Development doit à l’Etat congolais 266 366$ de redevance sur la superficie et 412 827$ au titre de droits non perçus sur les concessions forestières allouées ou cédées. Pour Congo Sunflower, le montant dû est de 314 101$ de redevance et de 530 564$ au titre de droits non perçus.  Au total, Madame Lu Yunying devait déjà à l’Etat en 2020 plus d’1,5 million.

L’entreprise dont elle semble être l’héritière, Maniema Union, avait, elle, laissé une ardoise avant de disparaître près de 6 millions de dollars, tout compris. Dans son rapport, l’IGF dit sans détour soupçonner une complicité entre l’administration forestière du pays et ces exploitants, ce qui explique la quasi-absence des recettes publiques provenant de l'exploitation forestière.

On en apprend plus encore en épluchant le rapport préliminaire de la revisitation de tous les titres forestiers d'exploitation et de conservation sur les pratiques contestables de Madame Lu Yunying. Cette commission mise en place par le ministère de l’environnement recommande la résiliation de cinq de ses contrats de concessions obtenus en 2020 dans les provinces de l’Equateur et de Mongala et des poursuites judiciaires à l'encontre des autorités politiques et administratives impliquées. À quatre reprises, cette entreprise est même accusée d’avoir opéré un trafic d'influence.

Selon le même rapport, ce n’est pas beaucoup mieux pour la deuxième société de Lu Yunying. Congo Sunflower a illégalement obtenu en 2020 quatre contrats de concessions, deux dans le Bas-Uélé et deux dans la Tshuapa. Pour trois de ces contrats, la commission recommande là aussi  “des poursuites judiciaires à l'encontre des autorités politiques et administratives impliquées”. Elle suggère de résilier deux de ces contrats et d’en suspendre deux autres à titre conservatoire pendant 3 à 6 mois.

En 2020, le ministre de l’environnement n’est autre que Claude Nyamugabo, déjà cité dans le scandale de Tradelink. Cette société avait obtenu sous son administration en septembre 2020 des contrats portant sur six concessions dites de conservation, couvrant une zone grande comme la moitié de la Belgique. Mais sur tous ces dossiers, le désormais ancien ministre n’a jamais été inquiété, au grand dam de la société civile.

Face à cette situation, des ONG de protection de la nature avaient manifesté leur indignation. Notamment le Conseil pour la Défense environnementale par la Légalité et la Traçabilité (Codelt) qui avait exigé à l'époque le retrait des concessions  forestières illégalement  attribuées aux exploitants tels que Congo King Baisheng. Un appel que l’ONG réitère à ce jour à Actualite.cd 

“Il faut plus d’actions de la part du gouvernement pour mettre de l’ordre dans ce secteur. Plusieurs concessions ont été attribuées sans respect du code forestier”, a commenté Augustin Mpoyi, membre de Codelt. 

Au cœur de cette polémique d'attribution illégale des concessions forestières, l'ancien ministre de l'environnement Claude Nyamugabo n’a pas été joignable malgré des tentatives d'établir un contact afin d’un entretien autour de ce sujet. 

Quant à Congo King Baisheng, l'exploitation du bois continue dans des concessions que la société possède notamment dans la province de Mongala, malgré le fait de figurer dans différents rapports officiels sur le non respect des lois qui régissent cette activité. Sollicités par ACTUALITE.CD et ses partenaires à plusieurs reprises par e-mail et par téléphone par répondre aux différentes allégations, Congo Sunflower Forestry Development, Congo Sunflower Forestry Development et Lu Yunying sont restés injoignables.

Cet article fait partie d’une série d'enquêtes réalisée avec l’appui de Rainforest Journalism Fund, en partenariat avec Pulitzer Center.

Will Cleas Nlemvo et Alexandre Mawelu

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