RDC-Elections 2023 : besoin de changement plutôt que d’alternance (Tribune de Jo Sekimonyo)

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PAR Deskeco - 23 aoû 2022 09:24, Dans Analyses

Le leadership fait référence à une forme individuelle de détention du, tandis que les élites sont une forme collective de détention du pouvoir. Néanmoins, une élite accepterait de souffrir collectivement de vivre un réalignement du leadership qui se traduit par juste une alternance pour éviter un changement, une rupture de succession qui pousse la société vers autre chose.

Les modifications successives de la loi électorale en RDC en sont une bonne illustration. La nation est malade de son élite (politique, religieux, social, économique, etc.) ; le leadership déploré, l’un après l’autre, n’est qu’un des symptômes.

La loi qui est censée permettre à tous les citoyens d’exprimer légalement leurs amnisties politiques conformément aux exigences des articles 11, 12 et 13 de la constitution du 18/02/2006 telle que révisée à ce jour, contient plusieurs dispositions discriminatoires fondées sur la fortune ou la richesse.

Il en est ainsi des articles 22,104,118 et 121 de la loi précitée qui instituent des montants de cautionnement prohibitifs qui exclut ignoblement la plupart des Congolais de la candidature à la présidence, un seuil de recevabilité qui coûte également trop chers ainsi qu’un seuil de 1% de suffrages exprimés sur le plan national, ce qui exclue les indépendants de l’attribution des sièges à la députation nationale.

C’est pourquoi j’ai mandaté mes avocats pour rédiger et déposer ce lundi 20 août 2022 une requête en mon nom auprès de la Cour constitutionnelle à ce sujet.

Le Congrès a renforcé ce qu’il ne fallait pas. Le président Tshisekedi n’a corrigé la situation. Il appartient maintenant à la Cour constitutionnelle d’avorter cette défiguration électorale avant qu’elle ne prenne une forme monstrueuse comme jamais auparavant.

A quoi sert une élection ?

Les campagnes électorales sont des occasions pour les candidats d’exprimer des visions pour nos vies collectives. En tant qu’électeurs, nous pouvons les interviewer, exprimer nos propres réflexions sur la politique du jour et éventuellement sélectionner qui nous voulons représenter pour aller de l’avant.

Cependant, la question en soi oppose dans la plupart de cas la notion de crédibilité à celle de pertinence.

Aux États-Unis, en outre, les efforts de suppression vont de ce qui semble non obstructif, comme des lois strictes sur l’identification des électeurs, Donald Trump affirme toujours avoir remporté l’élection présidentielle de 2020, remettant en cause la crédibilité des élections américaines même après deux siècles de pratique.

Là encore, plonger la RDC dans le même objectif attendu, c’est ignorer le fait du système électoral américain ; la pertinence est une vertu ancrée dans cet exercice.

En RDC, la crédibilité est une obsession pour les élections. La pertinence est largement exclue de la liste des cibles. C’est ainsi que même si les Congolais en RDC aspirent aux mêmes conséquences positives des élections sur leur vie que les démocraties de longue date pour finir déçus. Pourtant, il devrait être de nos jours parfaitement clair que la pertinence importe bien plus que la crédibilité lorsqu’il s’agit d’élections. Au-delà des naïfs, les voix qui crient ou tentent de maintenir la notion de crédibilité sur le devant de la scène électorale cherchent à leur profit la continuité du misérable statu quo.

Bonnet blanc et blanc bonnet

Une clique croissante d’anti-kablila d’hier et d’anti-fatshi d’aujourd’hui, tout en dénonçant la montée de la kleptocratie, un système dans lequel des politiciens corrompus s’enrichissent secrètement par des pots-de-vin et des faveurs spéciales, ou simplement en redirigeant des fonds publics vers eux-mêmes et leurs associés, alertent ou murmurent déjà qu’ils se présenterait à la présidence en 2023. Étrangement, ce sont aussi eux qui ont largement profité du système perverti.

Aucun d’entre eux ne lève le petit doigt sur la façon dont la nation glisse cycle après cycle électoral dans une ploutocratie, dirigée ou contrôlée par des personnes très riches, dans le contexte de la RDC, qui ont amassé leurs richesses dans la kleptocratie.

Mais le véritable danger est que la nation se transforme en une kakistocratie à part entière, dirigée par les citoyens les moins capables ou les moins compétents d’un État. La piètre qualité de l’élite et les motivations primitives des gouvernants l’empêchent de devenir plutôt une oligarchie, ce qui n’est pas tout à fait une bonne nouvelle pour les Congolais.

En dehors des aspects physiques et des appétits, dans l’espace idéologique, motivationnel ou politique économique, y a-t-il des différences entre le président Tshisekedi, sénateur à vie Kabila ou son épouse, Bemba, Fayulu, Katumbi, Matata, Kamerhe et Kabund ?

Comme toujours, les uns sont hostiles au pouvoir pour différentes raisons ou par des motivations élémentaires mais pas idéologiquement opposés à celui-ci. Lorsqu’ils arrêtent d’aboyer, l’absence de contraste est plus évidente dans l’essence des politiques qu’ils chuchotent ou dans leur sens du rôle de l’État.

Ils sont tous les gardiens de l’alternance du statu quo et des « conservateurs » à la congolaise.

Quelle devrait être la prémisse des élections de 2023 en rdc ?

La démocratie est bien un marché concurrentiel d’idées pour répondre aux besoins, particulièrement de développement social et économique, de la nation.

Il existe deux écoles de pensée en RDC, les conservateurs du statu quo, quasi-dominants et maîtres des rêves et aspirations archaïques des Congolais en RDC, et les libéraux, une minorité qui pousse au changement. Les deux doivent s’affronter en 2023 pour faire mûrir notre démocratie ou élever la pertinence des élections.

La jeune génération de Congolais en RDC commence à avoir un appétit pour le libéralisme congolais et la contre-élite sans en saisir pleinement ni la différence : 

Vues politiques, les conservateurs congolais sont obsédés par plus de réglementation et de services comme les soins de santé à fournir par le gouvernement à tous les citoyens. Cela ne fait qu’alourdir les institutions de l’État, notamment la fonction publique. Les libéraux congolais préconisent un gouvernement plus petit, moins de réglementation, la plupart des services devant être fournis par le secteur privé dans un marché libre.

D’un point de vue économique, les conservateurs visent à augmenter les revenus de l’État par tous les moyens et que l’équilibre budgétaire doit être la priorité. Alors que les libéraux ciblent la croissance du revenu individuel et que le gouvernement devrait imposer moins et dépenser moins. Pour eux, les banques privées devraient être obligées de créer de l’argent (ex nihilo) pour stimuler l’économie.

Responsabilité personnelle ? pour les conservateurs, le peuple devrait se tourner vers le gouvernement pour fournir une structure, parfois au détriment d’une liberté économique indispensable. Mais pour les libéraux, les individus doivent exercer leur responsabilité personnelle et c’est le rôle des gouvernements de les tenir responsables même avec des sanctions sévères.

En ce qui concerne l’unité nationale, les conservateurs voient la nation comme un collage de tribus. Les libéraux voient le pays comme un pacte entre individus.

Maintenant, c’est à chacun de voir si son credo individuel s’aligne avec les conservateurs, l’élite, ou les libéraux, la contre-élite, dans le contexte congolais en RDC.

Je suis excessivement libéral, en ces termes.

Bataille d’idées plutôt que d’argent

Un candidat doit tenir compte de nombreux facteurs pour une fonction publique Bien qu’il soit raisonnable de fixer des lignes directrices pour s’assurer que le scrutin n’est pas surpeuplé de candidats pas « compétitifs », les arguments et des politiques convaincants devraient être le défi, pas l’argent pour être sur le bulletin de vote.

100.000 $ U.S pour se présenter à la présidence ?? à la lumière de la réalité en RDC, seuls les brigands peuvent se permettre de ce luxe. Il exclut la plupart des Congolais d’âge votant et élu puisque le salaire mensuel moyen varie entre 100 et 300 dollars. Ces exigences découragent ou empêchent les candidats qualifiés de se présenter.

Les partis politiques et groupements politiques se sont également attribué l’exercice du pouvoir du congrès. En plus du fait qu’il est impossible d’envisager qu’un candidat indépendant obtienne un score de 1% des suffrages exprimés au niveau national, le cautionnement pour atteindre  un seuil de 60% peut s’élever à plus de 240.000$ U.S, somme exorbitante qui n’est qu’à la portée des brigands politiques qui ont amassé leurs richesses dans la kleptocratie.

En outre, les candidats ayant obtenu de bons scores dans leurs circonscriptions sont également exclus de l’attribution des sièges lorsque leur parti politique ou groupement politique n’a pas atteint 1 % des suffrages exprimés au niveau national et que le candidat qui attribuera le siège n’est pas nécessairement celui que les gens ont choisi.

Cet article de la loi électorale devrait simplement être supprimé.

Par-dessus tout, les candidats devraient plutôt être tenus de recueillir un certain nombre de signatures de pétitions pour leur nomination. Le nombre de signatures devrait varier selon le poste. Cela créera des conditions équitables pour tous les genres et tous les milieux culturels, sociaux et économiques.

Pour la présidence ? pourquoi pas 100 000 signatures ?

Au cœur de la requête

Pour faire de la RDC une expérience agréable pour tous, les congolais doivent adopter l’état d’esprit « pour nous par nous ou par nous pour nous ». Ceux qui prétendent que la solution est en quelque sorte « pour nous par les autres ou par les autres pour nous » sont soit naïfs, soit simplement profondément anti-nous.

La question de me présenter à la présidence en 2023 hante mes amis et mes collaborateurs à l’intérieur et à l’extérieur de la RDC. Je dis oui !

Le pourquoi doit être clair, la nation a besoin de changement et non d’une autre alternance. Et je crois fermement que cela ne viendra que des principes libéraux congolais.

En condensée, la feuille de route serait de réévaluer ce que c’est d’être congolais, ce que ça vaut d’être congolais, ce qu’est notre union et enfin quel est le rôle de l’Etat.

Ces fondamentaux doivent être actualisés pour rénover notre parcours social et essor économique, les deux aspects que je trouve essentiels à une telle nation dans laquelle la pauvreté et l’accumulation des richesses sont mises à mal et primitives plus d’un demi-siècle après les indépendances.

Pourquoi s’en prendre également au volet électoral des membres du Congrès de la loi dans la requête ? Au-delà du fait qu’au centre de cette loi il y a une motivation écœurante, le droit de se réunir avec qui on veut signifier aussi le droit de ne se réunir avec personne.

En plus d’un président muni des idéaux et d’une motivation moderne, une majorité libre et raisonnée est cruciale pour enrichir la qualité du dialogue et des solutions nationales. C’est un trait des Congolais qui ne voient pas l’intérêt d’adhérer à un parti politique, qui dans la plupart des cas n’est qu’un outil au service d’un individu (autorité morale) pour accéder aux caisses de l’État. Pour cette raison, ils peuvent apporter tellement plus au cœur de notre démocratie que beaucoup de ceux qui s’y glissent par des moyens répugnants.

Cette croisade, c’est un mouvement, pas une danse solo narcissique ; une correction à établir non seulement pour le présent mais pour les générations à venir.

Jo M. Sekimonyo

Auteur, théoricien, militant des droits de l’homme et économiste politique

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