Zone de libre-échange continentale africaine : effets économiques et redistributifs

ZLECAF
PAR Deskeco - 09 déc 2020 07:37, Dans Analyses
  • La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) pourrait permettre aux pays africains de faire sortir de l'extrême pauvreté 30 millions d’habitants et d'accroître le revenu de 68 millions d'autres personnes qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour.
  • Sur les 450 milliards de dollars de gains potentiels, environ 300 milliards proviendraient des mesures de facilitation du commerce visant à lever les freins bureaucratiques et à simplifier les procédures douanières.
  • La mise en œuvre de la ZLECAf permettrait de mener à bien les réformes de fond nécessaires pour stimuler la croissance à long terme dans les pays africains.

Le champ d'application de la ZLECAf est vaste. L'accord réduira les droits de douane entre les pays membres et traitera d’aspects de politique générale liés notamment à la facilitation des échanges et aux services, tout en englobant des dispositions réglementaires telles que les normes sanitaires et les barrières techniques au commerce. Si elle est pleinement mise en œuvre, la ZLECAf permettrait de réorganiser les marchés et les économies de la région et de stimuler la production dans les secteurs des services, de l'industrie manufacturière et des ressources naturelles.

Alors que l'économie mondiale est en proie aux bouleversements provoqués par la pandémie de COVID-19, la création de ce vaste marché régional constitue une occasion à saisir par les pays africains pour diversifier leurs exportations, accélérer leur croissance et attirer les investissements directs étrangers.

Le rapport de la Banque mondiale, intitulé en anglais AZLECAf: Economic and Distributional Effectsa pour but d'aider les dirigeants africains à mettre en œuvre des politiques susceptibles de maximiser les bénéfices potentiels de l'accord tout en minimisant les risques. La création d'un marché à l'échelle du continent exigera une action volontariste pour réduire tous les coûts commerciaux. Par ailleurs, les gouvernements devront s'efforcer de mener des politiques à même de mieux préparer leur main-d'œuvre à tirer parti des nouvelles opportunités.

« La création d'un marché unique à l'échelle du continent pour les biens et les services, les affaires et les investissements restructurera les économies africaines. La mise en œuvre de la ZLECAf serait un grand pas en avant pour l'Afrique, en montrant au monde que le continent est en train de devenir un chef de file de la promotion du commerce mondial. », Caroline Freund, Directrice mondiale du pôle Commerce, investissement et compétitivité.

« La Zone de libre-échange continentale africaine a la capacité d'accroître les possibilités d'emploi et les revenus, ce qui contribue à élargir les perspectives de tous les Africains. Elle devrait permettre de sortir de la pauvreté modérée environ 68 millions de personnes et de rendre les pays africains plus compétitifs. Néanmoins, la réussite de sa mise en œuvre sera primordiale et il conviendra notamment de suivre attentivement ses effets sur tous les travailleurs — femmes et hommes, qualifiés et non qualifiés — dans tous les pays et secteurs afin de garantir que l'accord porte pleinement ses fruits. », Albert Zeufack, Economiste en chef de la Banque mondiale pour l'Afrique.

Principales conclusions 

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) représente une véritable occasion de stimuler la croissance, de réduire la pauvreté et d'élargir l'inclusion économique dans les pays concernés. Sa mise en œuvre permettrait :

  • de sortir 30 millions d'Africains de l'extrême pauvreté et d'augmenter les revenus de près de 68 millions d'autres personnes qui vivent avec moins de 5,50 dollars par jour ;
  • d'augmenter les revenus de l'Afrique de 450 milliards de dollars d'ici à 2035 (soit une progression de 7 %) tout en ajoutant 76 milliards de dollars aux revenus du reste du monde ; 
  • d'accroître de 560 milliards de dollars les exportations africaines, essentiellement dans le secteur manufacturier ;
  • de favoriser une progression salariale plus importante pour les femmes (+10,5 %) que pour les hommes (+9,9 %) ;
  • d'augmenter de 10,3 % le salaire des travailleurs non qualifiés et de 9,8 % celui des travailleurs qualifiés.

Dans le cadre de la ZLECAf, l'extrême pauvreté diminuerait sur l'ensemble du continent, les améliorations les plus importantes se produisant dans les pays où les taux de pauvreté sont aujourd'hui très élevés :

  • l'Afrique de l'Ouest connaîtrait la plus forte diminution du nombre de personnes vivant dans l'extrême pauvreté, avec une baisse de 12 millions (plus d'un tiers du total pour l'ensemble de l'Afrique) ; 
  • la baisse serait de 9,3 millions en Afrique centrale ; 
  • la baisse serait de 4,8 millions en Afrique de l'Est ; 
  • la baisse serait de 3,9 millions en Afrique australe ; 
  • les pays dont les niveaux de pauvreté initiaux sont les plus élevés enregistreraient les plus fortes baisses ; 
  • en Guinée-Bissau, le taux de pauvreté passerait de 37,9 à 27,7 % ; 
  • au Mali, le taux passerait de 14,4 à 6,8 % ; 
  • au Togo, le taux passerait de 24,1 à 16,9 %.

Sur les 450 milliards de dollars de revenus supplémentaires générés par la ZLECAf, 292 milliards proviendraient du renforcement des mesures de facilitation des échanges qui visent à lever les freins bureaucratiques et à simplifier les procédures douanières :

  • la libéralisation des tarifs douaniers est importante, mais à elle seule, elle n'augmenterait les revenus du continent que de 0,2 % ;
  • si elle s'accompagne de mesures facilitant les échanges, notamment pour réduire les formalités administratives, simplifier les procédures douanières et favoriser l'intégration des entreprises africaines dans les chaînes d’approvisionnement mondiales, les gains de revenus atteindraient 292 milliards de dollars ; 
  • ces améliorations nécessiteront des efforts importants de la part des pays afin d'atténuer la charge qui pèse sur les entreprises et les commerçants pour franchir les frontières rapidement, en toute sécurité et avec un minimum d'interférence de la part des fonctionnaires. 

Le rapport de la Banque mondiale a pour but de guider les dirigeants dans la mise en œuvre de politiques susceptibles de maximiser les bénéfices potentiels de l'accord tout en minimisant les risques :

  • la création d'un marché à l'échelle du continent exigera une action volontariste pour réduire tous les coûts commerciaux. Il faudra pour cela adopter des lois et réglementations permettant aux marchandises, aux capitaux et aux informations de traverser librement les frontières, de créer un environnement commercial compétitif à même de stimuler la productivité et l'investissement, et de promouvoir la compétitivité vis-à-vis de l'extérieur ainsi que les investissements directs étrangers pour favoriser la productivité et l'innovation des entreprises nationales ;
  • dans quelques secteurs subissant des destructions d'emploi, les gouvernements devront être prêts à soutenir les travailleurs en mettant en place des filets de sécurité et des dispositifs de reconversion adaptés ; 
  • les pouvoirs publics devront concevoir des politiques visant à mieux préparer leur main-d'œuvre à tirer parti des nouvelles opportunités. 

La concrétisation du potentiel de la ZLECAf sera particulièrement importante au regard des conséquences économiques de la pandémie de COVID-19, qui devrait entraîner jusqu'à 79 milliards de dollars de pertes de production en Afrique pour la seule année 2020 :

  • le coronavirus a provoqué des perturbations majeures dans les échanges commerciaux sur le continent, notamment pour des biens essentiels tels que les fournitures médicales et les denrées alimentaires ; 
  • en développant le commerce régional, en abaissant le coût des échanges et en rationalisant les procédures aux frontières, la mise en œuvre effective de l'accord aidera les pays africains à renforcer leur résilience face à de futurs chocs économiques et à mettre en place les réformes de fond nécessaires pour stimuler la croissance à long terme. 

À propos des auteurs

Maryla Maliszewska, auteure principale du rapport, est économiste senior au sein du service Commerce et intégration régionale de la Banque mondiale. Son domaine d'expertise s'étend à divers aspects de la politique commerciale et de l'intégration régionale, et concerne en particulier les effets des échanges sur la pauvreté et la répartition des revenus. 

Michele Ruta, auteur principal du rapport, est économiste principal au sein du service Commerce et intégration régionale de la Banque mondiale. Ses recherches portent sur les questions économiques internationales, et notamment sur les aspects liés à l'intégration internationale/régionale. 

Guillermo Arenas est économiste au sein du service Commerce et intégration régionale de la Banque mondiale. Son domaine d'expertise englobe divers aspects de l'économie et des politiques publiques internationales, notamment la politique commerciale, la compétitivité des exportations et les évaluations d'impact. 

Paul Brenton est économiste principal au sein du service Commerce et intégration régionale de la Banque mondiale. Il se consacre en particulier à des activités analytiques et opérationnelles portant sur les échanges et l'intégration régionale. 

Cesar Calderon est économiste principal au sein du bureau de l'économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique. Il travaille sur les questions de croissance et de développement, et étudie notamment les effets du développement des infrastructures et des stratégies d'ouverture sur la croissance. 

Roberto Echandi est spécialiste principal du secteur privé au sein du service Commerce et intégration régionale de la Banque mondiale. Il se consacre à des activités de recherche et de conseil sur des questions liées au commerce transfrontalier des services, à la négociation, la mise en œuvre et l'optimisation des avantages potentiels des accords commerciaux d'intégration poussée, et au processus de négociation et de mise en œuvre de la ZLECAf. 

Israel Osorio Rodarte est économiste au sein du service Commerce et intégration régionale de la Banque mondiale. Il possède plus de dix ans d'expérience en développement international, notamment dans les domaines de la diversification économique, des changements structurels et de l'analyse des effets des politiques commerciales et macroéconomiques sur la répartition des revenus. 

Dominique van der Mensbrugghe est enseignant-chercheur et directeur du Center for Global Trade Analysis (GTAP) de l’université Purdue. Au cours de sa carrière, il a axé ses travaux sur les changements structurels à long terme de l'économie mondiale et sur l'analyse des questions de politique économique mondiale. 

Maria Filipa Seara e Pereira est consultante au sein du service Commerce et intégration régionale de la Banque mondiale. Elle travaille principalement sur les thèmes du commerce et du développement international, notamment en matière de modélisation, de politique commerciale, d'analyse des effets des échanges sur la répartition des revenus et de chaînes de valeur mondiales.

Yulia Vnukova est consultante au sein du service Commerce et intégration régionale de la Banque mondiale. Forte de plus de dix ans d'expérience, ses travaux actuels sont axés sur la politique commerciale et l'intégration régionale, et tout particulièrement sur l'analyse macroéconomique et microéconomique des échanges, la compétitivité commerciale et sectorielle, les chaînes de valeur mondiales et le développement du secteur privé dans les économies émergentes d'Europe, d'Asie et d'Afrique.

banquemondiale.org

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