Afrique subsaharienne : vers une reprise économique difficile (Prévisions FMI)

Port autonome de Douala
PAR Deskeco - 23 oct 2020 07:22, Dans Actualités
  • Les perspectives régionales sont plus ou moins inchangées par rapport à la Mise à jour des Perspectives économiques régionales de juin 2020. En 2020, l’activité économique devrait se contracter de 3,0 %, avant de connaître une croissance de 3,1 % en 2021. Cela représente une baisse du revenu réel par habitant de 4,6 % sur la période 2020-21, une diminution plus marquée que dans les autres régions.
  • Ces perspectives risquent d’être révisées à la baisse, notamment en fonction de l’évolution de la pandémie de COVID‑19, de la résilience des systèmes de santé de la région et de l’accès aux financements extérieurs.
  • Les dirigeants qui ambitionnent de relancer leur économie disposent aujourd’hui de ressources moins abondantes et devront opérer des choix difficiles. La région fait face à un besoin de financement élevé. En l’absence d’une aide financière extérieure supplémentaire considérable, de nombreux pays peineront à préserver la stabilité macroéconomique et à répondre aux besoins essentiels de leur population.
  • Le besoin de réformes porteuses de transformations pour renforcer la résilience (concernant notamment les recettes, le développement du numérique et une amélioration de la transparence et de la gouvernance) est plus urgent que jamais.

La reprise s’annonce difficile et les dirigeants disposent de moins de ressources tandis qu’ils lèvent prudemment les restrictions et rouvrent leurs économies. Il est urgent d’opérer des réformes porteuses de transformation pour relancer une croissance résiliente, ce qui sera difficile sans aide extérieure, note le Fonds monétaire international (FMI) dans son dernier rapport sur les Perspectives économiques régionales pour l’Afrique subsaharienne.

« L’Afrique subsaharienne est confrontée à une crise sanitaire et économique sans précédent », a souligné Abebe Aemro Selassie, directeur du département Afrique du FMI. « En quelques mois à peine, cette crise a mis en péril des années de gains durement acquis par la région sur le plan du développement et a bouleversé les vies et les moyens de subsistance de millions de personnes. L’apparition de la pandémie a été différée en Afrique subsaharienne et les taux de contamination ont été relativement bas par rapport aux autres régions du monde. Cependant, la recrudescence de nouveaux cas dans de nombreux pays avancés et la menace de vagues récurrentes de contaminations dans toute la région donnent à penser que la pandémie restera probablement une préoccupation très concrète dans les temps à venir.

« Toutefois, face aux coûts économiques et sociaux élevés, les pays commencent aujourd’hui à rouvrir leur économie avec prudence et cherchent des solutions pour relancer la croissance. Avec l’instauration de confinements, l’activité dans la région a reculé brutalement au deuxième trimestre de 2020. Néanmoins, sous l’effet d’un assouplissement des mesures d’endiguement, d’une hausse des cours des produits de base et d’une détente des conditions financières, des signes d’une reprise hésitante au second semestre de l’année sont visibles.

« Dans l’ensemble, l’économie de la région subira une contraction de 3,0 % en 2020 selon les projections, soit les pires perspectives jamais établies. Les pays tributaires du tourisme ont subi les plus fortes répercussions, tandis que les pays exportateurs de produits de base ont été durement touchés aussi. La croissance dans les pays où l’économie est plus diversifiée ralentira fortement mais restera dans bien des cas positive en 2020.

« Pour 2021, une croissance régionale de 3,1 % est prévue. Il s’agit d’une expansion plus faible que celle attendue dans une bonne partie du reste du monde, ce qui s’explique en partie par la marge d’action relativement restreinte de l’Afrique subsaharienne pour pérenniser une politique budgétaire expansionniste. Les principaux moteurs de la croissance en 2021 seront notamment une embellie des exportations et des cours des produits de base, sur fond de reprise de l’économie mondiale, et un redressement de la consommation et de l’investissement privés.

« Une incertitude plus grande qu’à l’accoutumée entoure les perspectives actuelles, qui dépendent de la persistance du choc de la COVID‑19, des aides financières extérieures disponibles et de la mise au point d’un vaccin efficace, éprouvé et d’un prix abordable.

Dans ce contexte, M. Selassie a fait part d’un certain nombre de priorités d’action.

« Dans les pays où la pandémie perdure, la priorité reste de sauver des vies et de protéger les moyens de subsistance. Dans les pays où la pandémie est mieux maîtrisée, les dirigeants cherchant à relancer leur économie feront face à des choix difficiles car leurs ressources sont restreintes. Les politiques budgétaires et monétaires devront trouver un équilibre entre le besoin de dynamiser l’économie et les impératifs de viabilité de la dette, de stabilité extérieure et de crédibilité à plus long terme. La réglementation et le contrôle du secteur financier devront aider les banques et les entreprises touchées par la crise, sans mettre en péril la capacité du système financier à appuyer la croissance à plus long terme. Ces efforts devront aussi être mis en regard de la nécessité de préserver la stabilité sociale tout en préparant le terrain à une croissance durable et inclusive à long terme.

« Relever un défi aussi complexe ne sera pas chose aisée et nécessitera un appui extérieur constant. En effet, en l’absence d’une aide massive, de nombreux pays peineront à simplement préserver la stabilité macroéconomique tout en répondant aux besoins essentiels de leur population. Dans ce contexte, le FMI a réagi rapidement et a décaissé environ 17 milliards de dollars jusqu’à présent en 2020, soit environ 12 fois plus qu’à l’habitude sur une année, pour couvrir une part élevée des besoins de la région et aider à mobiliser une aide supplémentaire de la communauté internationale.

« Pour autant, l’Afrique subsaharienne fait face à des déficits de financement considérables à terme. Si les apports financiers privés restent inférieurs à leurs niveaux d’avant la crise, et même en tenant compte des engagements existants de la part des institutions financières internationales et des créanciers bilatéraux officiels, l’Afrique subsaharienne pourrait accuser un déficit de l’ordre de 290 milliards de dollars sur la période 2020-23. C’est important, sachant qu’un déficit de financement plus élevé pourrait contraindre des pays à opter pour un rééquilibrage budgétaire plus brutal, ce qui se traduirait par une reprise plus fragile.

« Les pays ont aussi leur rôle à jouer : la poursuite des réformes de la gouvernance améliorera la confiance dans l’état de droit et le climat des affaires, mais encouragera aussi l’aide extérieure.

« Malgré les effets persistants de la crise, le potentiel de la région et l’ingéniosité de sa population demeurent intacts. Il sera indispensable d’exploiter ce potentiel pour que la région renoue avec une trajectoire de développement durable et inclusif. Dans ce contexte, il est plus urgent que jamais d’opérer des réformes porteuses transformation afin de promouvoir la résilience, d’accélérer la croissance à moyen terme et de créer les millions d’emplois qui sont nécessaires pour absorber les nouveaux arrivants sur le marché du travail. Les réformes prioritaires se situent dans les domaines de l’augmentation des recettes, de la transformation numérique, de l’intégration commerciale, de la concurrence, de la transparence et de la gouvernance, ainsi que de l’atténuation du changement climatique. »

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