Le caractère ou la disposition d'une communauté ou d'une personne change avec le temps. En 1895, l'Allemagne a été la première nation au monde à offrir des soins médicaux gratuits à tous ses citoyens, et l'Allemagne a également été la première société à utiliser les méthodes modernes à sa disposition pour le génocide des êtres considérés moins humains. La preuve que le régime Mobutu a commis des crimes horribles ne doit jamais être niée. Cependant, il y a un grand besoin de rappeler l'audace entrepreneurial local qui existait il n'y a pas longtemps. Juste pour question de conserver le temps, nous allons limiter cette exploration aux secteurs clés et à Kinshasa.
Hier, il y avait Augustin Kisombe Kiaku Muisi qui débuta comme ajusteur mais fut fortune grâce à ses entreprises ACCO (construction métallique), AMASCO (commerce général), le supermarché Zaïre PRESTIGE, l’Usine zaïroise de meubles (UZAM) et la chaîne de magasins SADISA. Augustin Dokolo Sanu, auparavant propriétaire du premier dancing-bar tenu par un nègre à Kinshasa, premier nègre à bénéficier d’une licence d’opérateur minier, ouvra au public le 04 décembre 1970 la Banque de Kinshasa. Déjà en 1973, avant même la Banque centrale, la Banque de Kinshasa informatise le traitement de ses opérations. Partis de rien ou presque, on peut citer Placide Lengelo Muyangandu qui fabriquait des ampoules électriques dans son usine LENGSRAM. Ou encore Tuluka Yaya Désiré de la société LOGEC Sprl (Logement économique) qui a construit la cité Maman Mobutu et la cité Verte. Tous on bénéficié d’une façon ou d’une autre de la discrimination positive. Il ne faut pas oublier que malgré la globalisation, le monde n’est toujours pas plat.
Sur le plan technologique, Kinshasa a été la deuxième ville au monde à exploiter un système de transport en commun utilisant de l'électricité, après la Suisse. Le Gyrobus ne suivait pas une ligne électrique placée au-dessus du véhicule comme de nos jours dans des grandes villes occidentales, mais des poteaux électriques alimentaient un moteur qui avait une autonomie de 6 à 10 km selon le terrain. Il y a avait aussi une unité de vente et de montage de gros véhicules de la société britannique. La firme américaine General Motors produisait sur place à Kinshasa des camionnettes Pick-Up de transport ainsi que des voitures de marque Chevrolet. Bon, on a perdu la tête et à tout casser.
Le paysage des affaires à Kinshasa, ne ressemble plus à celui auquel les congolais se sentent à l'aise. Pour les jeunes Congolais, la Banque de Kinshasa et l’Usine zaïroise de meubles ne sont que des mythes. Mais encore, il y a des intervalles économiques sombres qui assombrissent le passé.
La zaïrianisation, quelque chose de si beau et romantique, est devenu un cas de méfiance à l'égard de l'entreprenariat congolais. Cependant, la zaïrianisation est devenue un échec de la transition économique car les entreprises étaient tournées vers ou partagées entre l'élite politique. Néanmoins, c'était notre gâchis ; c'était un petit prix à payer pour faire éclater « l'apartheid » qui avait duré bien au-delà de l’après l’Independence dans ce pays. Là encore, les résultats teintés de la zaïrianisation montrent ce qui se passe lorsque la politique occupe le devant de la scène au lieu de l'économie politique.
Bien avant que le Nigérian Mike Adenuga ne rêve et ne fonde Glo Mobile, le deuxième plus grand opérateur de réseaux mobiles au Nigeria qui a fait de lui un milliardaire, en 1994, Jean-Pierre Bemba, un Congolais, créa une compagnie de téléphone mobile appelée Comcell pour contester le monopole de Telecel. Telecel a été fondée en 1986 et appartenait à Mikko Rwayitare (un ingénieur d'origine rwandaise qui avait travaillé dans la société minière d'État du Zaïre) et Joseph Gatt (un Américain qui avait travaillé dans l’Air Zaïre et l'Hôtel Intercontinental) avaient accès au sommet de l’Etat. Ils ont utilisé leur connexion pour influencer le cercle de Mobutu et ont écrasé Comcell.
Il s'agit d'un cas purement classique et répété jusqu’à présent de discrimination négative qui est une culture politique et administrative si pas instinctive qui favorise les étrangers qui savent mieux que d'identifier une lacune sur le marché, il faudrait savoir comment exploiter à la perfection l'élite politique. Dans les années 1980, Telecel a fait gros profits sur l'élite du pays qui dépensait jusqu'à 16 $ par minute pour rester en contact les uns avec les autres.
Pourquoi le cauchemar des entrepreneurs nationaux congolais se poursuit même sous l’ère Tshisekedien ? Le leadership dit ce qui doit se faire. Les gestionnaires disent comment cela doit se produire. Les superviseurs s'assurent que cela se produit. Les travailleurs le font. La maladresse d'économie politique la plus dangereuse, sinon fatale, que le président Tshisekedi a commise au début de son mandat est d’invoquer explicitement le souci de séduire les investisseurs étrangers pendant qu’on est classé 183 en 2020 dans le rapport Doing Business qui donne un aperçu de la réglementation et climat des affaires pour les entreprises locales dans 190 économies. Qui d’autre que des malfrats financiers et économiques prendraient un risque de miser sur une nation qui affiche un tableau moins rassurant qu’en guerre comme le Yémen ou la République Arab de Syrie ?
En calibrant ainsi ses politiques économiques, le Président de la République fit converger l'ensemble de l'appareil public vers la recherche des chevaliers blancs. Ce faisant, cela a relégué les ressortissants congolais en RDC au rang des humains de seconde classe ou à négliger aux yeux et dans l'imagination des fonctionnaires de l’état et des Congolais eux-mêmes. La conséquence d'un tel péché est la continuation de l'accaparement d'une grande partie des secteurs commerciaux congolais et des contrats publics par des pures escrocs et des étrangers surtout peu avertis et sans crédibilité. Le plus ignoble de l'état d'esprit actuel en matière de développement économique est l'attitude isolante des fonctionnaires envers les citoyens. J'en ai eu à subir plus que ma part.
Jo M. Sekimonyo