L'inévitable dépréciation de la monnaie est consécutive au choc de l'offre de la divise étrangère sur le marché de change causée par le ralentissement de l'économie mondiale dont notre pays est fortement dépendant.
La Crise de la pandémie du COVID-19 pourra nous emmener à vivre la toute première fois un recul de l'activité de notre économie nationale depuis 2001 après les résultats du Programme Intérimaire Renforcé (PIR) avec en perspective une récession à fin décembre 2020. Ce recul de l'activité pourrait toucher tous les secteurs d'activités économiques liés essentiellement à la baisse des activités extractives qui pourraient connaître un recul de 6% par rapport à l'année 2019.
A la lecture des statistiques actualisées de la BCC, nous avons constaté une inquiétante accélération de la dépréciation du Franc congolais les dernières semaines du mois d'Avril 2020, singulièrement sur le segment parallèle, le taux de change étant situé à l'indicatif et au parallèle à 1 725 CDF et 1850,80 CDF le dollar américain, soit deux taux de dépréciation de 1,08% pour l'indicatif et 4,81% pour le parallèle.
Quelques facteurs explicatifs à noter quant à cette tendance à une dépréciation rapide du franc congolais. Premièrement, le comportement rationnel de l'agent économique qui prend en compte la variable confinement avec le risque d'inaccessibilité des services bancaires ainsi que le recours au décaissement en cash et la thésaurisation partielle afin de disposer de la liquidité minimum nécessaire pour faire face au besoin quotidien. Et deuxièmement, cette attitude de l'agent économique qui forcement conduit à une pression sur la trésorerie des banques malheureusement qui cause deux problèmes : l’assèchement de la trésorerie sans possibilité de recourir à l'institut d’émission qui n' est pas préteur en dernier ressort en USD dans un contexte de difficulté d’importation des billets de banques du fait du confinement quasi mondial et de fermeture des frontières.
C'est ainsi que la monnaie nationale a perdu 3,04% et 6,76% de sa valeur sur le marché, respectivement à l'interbancaire et au parallèle comparé à fin décembre 2019.
Tout en demandant au Gouvernement de la République, en dépit du moratoire de paiement sur nos dettes qui va dégager un espace budgétaire conséquent, d'orienter les efforts dans l'accroissement des recettes mais aussi d'orienter ces ressources additionnelles vers les dépenses d'investissement créatrices des revenus, cette politique, en principe, devrait contribuer à améliorer nos ressources propres avec une politique pro-cyclique qui permettra de dégager notamment des réserves budgétaires pour rendre notre économie résiliente. Pour y parvenir, il faudrait notamment améliorer la qualité de la gouvernance, assurer la transparence et optimiser les dépenses publiques tout en cristallisant la coordination des politiques budgétaires et monétaires pour contenir la pression du marché, lissé la stabilité du cadre macroéconomique et préserver le pouvoir d'achat de nos populations.
Ainsi, nous apprécions l'accompagnement du Fonds Monétaire international pour son intervention exceptionnelle de l'ordre de plus de 360 millions de dollars dans le cadre d'un appui budgétaire qui a permis à la Banque Centrale du Congo d'atteindre 978,35 millions de USD des réserves de change à fin Avril, correspondant à une couverture d'importation de 3 semaines, une situation meilleure que celle du mois de mars avec un accroissement de 287,06 millions de USD suite au rachat par la BCC à la suite des appuis budgétaires obtenus par l'État.
Néanmoins, outre les deux facteurs explicatifs de la dépréciation indiqués ci-haut, il y a lieu de spécifier que le déficit du Trésor aux quatre premiers mois, dont la couverture est d'origine monétaire dans un contexte d'assèchement de la trésorerie des banques en USD car la fourniture régulière est brisé par la fermeture des frontières, est l'un des éléments.
Serge Kadima Luabeya,
Économiste, cadre à l’Office Congolais de Contrôle