Covid-19: "C'est le moment pour l'Afrique de sortir de la dépendance extrême de l'économie internationale pour s'ériger en des économies autonomes" (Sele Yalaghuli sur RFI)

Sele
PAR Deskeco - 03 mai 2020 17:03, Dans Analyses

Le ministre des Finances, Sele Yalaghuli, a pris part, au côté de trois autres experts africains, ce dimanche 3 mai dans l’émission « Le débat Africain » d’Alain Foka sur RFI, centrée sur la crise sanitaire liée au Covid-19 qui a mis l'économie à l'arrêt tant en Afrique dans le reste du monde.

« Comment relancer la machine, d'autant que les partenaires traditionnels se recentrent sur eux-mêmes ? Que font les gouvernements Africains ? Quels plans de relance ? L'heure du regroupement pour l'adoption d'une politique commune sous-régionale est-elle enfin venue ? », sont autant des questions posées par le présentateur de l’émission à ces invités de ce dimanche.  

Avec Paulo Gomes, économiste bissau-guinéen, ancien directeur exécutif de la Banque mondiale pour l'Afrique subsaharienne ; Cheikh Kanté, ministre chargé du suivi du Plan Sénégal émergent (PSE) et Célestin Tawamba, président du Groupement inter patronal du Cameroun (Gicam) et président en exercice de l'Union des patronats d'Afrique centrale (Unipace) ; Sele Yalahuli, en tant qu’économique, a estimé, tirant les leçns de cette crise du covid-19, qu'il est temps pour le continent Africain de sortir de la dépendance de l'économie internationale et de s'ériger en des économies autonomes.

DESKECO.COM retranscrit ici les questions posées par Alain Foka et les réponses de Sele Yalaghuli.

Alain Foka : Des industries, des banques, des restaurants, des centres commerciaux, ect, tous fermés depuis maintenant deux mois. Depuis la seconde guerre mondiale on n’a jamais vu aussi l’économie  mondiale à l’arrêt. Au moment où l’épidémie semble ralentir, quelles leçons tirées de cette situation inédite ?

Sele Yalaghuli : La crise économique issue du Covid-19 ne va pas épargner l'Afrique. Nous savons nous tous qu'à chaque crise correspond de nouvelles opportunités à saisir. A mon avis, je pense que c'est le moment pour les pays africains dans leur ensemble de vouloir aller vers un nouveau paradigme de développement pour savoir comment sortir de la dépendance extrême de l'économie internationale pour s'ériger en des économies autonomes et intraverties au niveau africain. C'est ce qu'il faut faire pour renforcer la résilience de l'économie africaine dans ce contexte-là. Les recettes sont connues, il s'agit de la diversification des activités économiques, de l'industrialisation des économies africaines, de désaccoutumance en matières premières et la mobilisation des ressources financières pour  affecter les investissements utiles.

Oui mais n’est-ce pas les gouvernements Africains ont pris du retard dans la mise en place de toutes ces réformes pour booster l’économie Africaine ?

Oui, l'Afrique a pris de retard. Le problème est lié à la volonté politique qu'on affiche aujourd'hui par les responsables voire les chefs d'Etats. Je ne veux pas m'interdire de dire que sous l'impulsion du président de la RDC,  Félix Tshisekedi, l'Union Africaine a tenu un ensemble des réunions par vidéoconférence pour aborder les questions économiques, des recherches et des politiques liées au Covid-19 pour pouvoir permettre à l'Afrique de faire face à une certaine résilience. Et la dernière série des réunions a eu lieu le mercredi passé. Il y a eu les présidents des regroupements régionaux. L'Afrique de l'Est a été représentée par le président Issoufou, le COMESA par le président Rajoelina. On avait également eu les présences du président Kagame et du premier ministre Tanzanien qui ont abordé un certain nombre des questions pour passer du discours à l'acte.

Comment relancer la machine au plan économique ?

Je suis content qu’on  parle de modèle économique. Premièrement, il faut un modèle économique de développement pour l'Afrique. Chaque pays a ses spécificités, ses contingences historiques, interinstitutionnelles et culturelles. Il faut que l'Afrique ait son propre modèle économique. Concrètement, ça veut dire qu'au niveau national les politiques soient très bien définies. Et ces politiques doivent être suivies de manière intergénérationnelle parce qu’en Afrique souvent lorsqu'un régime arrive, il a tendance à oublier ce que le régime précédent a commencé, ignorant ce qui a été fait. Donc au niveau national, il faut une continuité dans la suite des politiques. C'est une leçon historique que nous pouvons tirer de l'expérience du développement des autres continents.

Deuxièmement, il faut mutualiser les efforts. Il ne faudrait pas que les regroupements économiques sous-régionaux ou régionaux se substituent en une sorte des plateformes suprationales. Non, chaque pays doit avoir ses politiques. L'avantage, aujourd'hui ce qu'au niveau de chaque regroupement sous-regional, il y a ce qu'on appelle les convergences des critères économiques au niveau macroéconomique ou au niveau de l'économie réelle. Je crois que c'est une véritable volonté de pourvoir mutualiser nos volontés pour aller ensemble.

Est-ce que l’annulation de la dette est une solution aujourd’hui au moment où l’Afrique a besoin des liquidités ?

Je voudrais d’abord revenir sur les nouveaux paradigmes qu’on a évoqués. Qui dit nouveaux paradigmes, dit de nouvelles approches. Nous avons connu l'annulation de l'effacement de la dette multinationale ou bilatéral en 2010. Qu'est-ce que ça a donné aujourd'hui. Ça n'a pas permis à l'Afrique d'avancer. Je pense qu'il faut être pragmatique. Si nous disons qu'il faut diversifier et industrialiser les économies africaines en favorisant les PME, il faudra cibler ce que cela peuvent produire et apporter les crédits nécessaires dans ce domaine. Concernant la RDC, la banque centrale a ouvert une ligne de crédit pour apporter un soutien aux PME de manière à garantir la résilience cette fois-ci dans le domaine microéconomique. Donc il faut dire qu'est-ce nous voulons produire pour nourrir l'Afrique. Qu'est-ce que nous pouvons  faire pour électrifier l'Afrique un peu comme l'Ethiopie l'a fait. Apporter des solutions au cas par cas. Plutôt que des discours dithyrambiques du genre l’Afrique dispose de x millions de terres arables. Commençons par nourrir l’Afrique.

 

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