RDC: point sur la vaccination contre le Covid-19 (Tribune du Prof Kensese S. Mossanda)

PAR Deskeco - 02 mai 2020 10:39, Dans Analyses

Devant tant d’informations controverses suscitées par des media sociaux et véhiculées par des détracteurs de tout genre, il est du devoir des hommes de science d’apporter un éclaircissement tant soit peu digne de la modestie qui les sied. La modestie sied en effet aux scientistes dignes de ce nom mais pas aux idées qui les habitent.

 Loin de moi la prétention de tenir seul la vérité dans la conduite à suivre pour ce cas précis de la pandémie qui nous terrasse et encore moins loin de moi l’intention d’exagérer les réactions combien légitimes du peuple congolais vis-à-vis d’une vaccination éventuelle contre le Covid-19, mais plutôt plus près de moi le souci d’apaiser les esprits et d’éclairer non seulement l’opinion publique sur les possibilités qui existent dans notre lutte commune contre ce fléau mais aussi de suggérer aux décideurs politiques une stratégie tant soit peu acceptable et réalisable d’après les moyens dont ils disposent.

C’est dans ce contexte difficile que je me vois obligé d’apporter un éclaircissement venant de source digne de foi puisque accepté au niveau des régulations internationales en matière d’exécution des essais cliniques sur les produits médicinaux en général et en particulier sur les vaccins.  

Pour qu’un produit médicinal (le vaccin en fait partie) soit accepté dans un autre pays qui n’est pas le pays producteur, il doit être soumis à une régulation (règlementation) précise en matière d’importation et d’utilisation propre au pays importateur.  Chaque pays exportateur devrait donc respecter cette régulation à travers son organisme de contrôle. Dans le cas précis de la RDC, l’office Congolais de Contrôle (OCC) devrait veiller au contrôle de qualité, d’efficacité, de toxicité (innocuité) et de sécurité (sûreté) de tous les produits médicinaux et vaccins entrant dans le territoire congolais.

Pour le cas précis des vaccins, il faut confirmer dans la mesure du possible certains essais cliniques. Il faudrait en effet surtout tester la toxicité pour leur innocuité dans les populations congolaises. En principe, si le pays exportateur a déjà réalisé toutes les phases des essais cliniques chez lui, le pays importateur a encore le droit de vérifier l’authenticité des résultats obtenus et les certificats de conformité et de validation adéquate du produit importé dans son territoire. Cependant il est conseillé et recommandé de vérifier le contenu de ces produits et d’exécuter un certain nombre de tests rapide de toxicité, d’efficacité et de sécurité sur un petit nombre (50) de sujets de préférence des volontaires dans le souci de confirmer au moins les résultats de la première phase des essais cliniques obtenus et consignés dans le rapport approuvé par les autorités sanitaires du pays exportateur. Il est recommandé en outre de prendre des précautions particulières dans le cas des vaccins notamment l’évaluation de la toxicité systémique, la tolérance locale, la pyro-genecité (résistance à la chaleur), l’auto-immunité, l’allergie, la toxicité sur la reproduction chez les femmes (femmes enceintes), l’innocuité (manque de toxicité) des adjuvants, des préservatifs et des excipients…Ceci constitue un préalable avant le lancement du produit pour sa consommation ou administration.

Les 3 principales étapes pour le développement d’un produit médicinal (le vaccin en fait partie): (Etape 1 : Découverte ; Etape 2 : études précliniques ou non-cliniques et Etape 3 : études cliniques) prennent au moins 10 ans.

Pour le cas précis du Covid-19, l’étape 1 est déjà achevée d’après les dernières informations de source digne de foi et publiées dans des revues de renommée internationale.

Par manque d’information, nous supposons que l’étape 2 est déjà réalisée puisque l’OMS et les organismes internationaux demandent  de passer aux essais cliniques, ceci en moins de 6 mois de la découverte de ce virus. On peut dès lors leur concéder cette décision rapide compte tenu de la dangerosité de la pandémie et l’hécatombe que ce virus entraine sur son sillage. Cependant l’OMS dans sa mise en garde pour la panoplie des candidats vaccins publiée ce 20 Mars 2020 décline toute responsabilité sur la distribution et l’administration de ces candidats vaccins pour la prévention contre le Covid-19 puis qu’ils ne sont qu’au stade préclinique/non-clinique.

Je ne veux pas entrer dans les détails de toutes ces étapes car notre but n’est pas de donner un cours sur les essais cliniques. Le lecteur ou l’auditeur qui s’y intéresse un peu plus aura toujours le loisir de me poser les questions pour une explication supplémentaire. Pour plus d’information, Il peut aussi consulter les articles et ouvrages publiés à ce sujet en se référant par exemple au Google (general ou scholar).

Ce qui est acquis, c’est que tous les experts des essais cliniques s’accordent à confirmer qu’il faut du temps  (5 à 10 ans) pour accomplir toutes les 3 phases des essais cliniques réalisés après les étapes de la découverte du produit et celle des études non-cliniques dans des conditions normales.  

A titre d’illustration voici un résumé des 3 phases des essais cliniques en temps normal avec leur durée d’exécution :

  1. Phase I : Administration du produit (vaccin) à un petit nombre (20 à 80) sujets. La dose maximale à administrer doit être déterminée et peut être répétée à un intervalle bien déterminé au préalable dans les essais non-cliniques. Durée : plusieurs mois.  
  2. Phase 2 : Administration à un grand nombre (jusqu'à 100)  individus si la phase 1 s’avère satisfaisante après tous les tests de toxicité, d’efficacité et d’innocuité. La dose utilisée dans cette phase est une dose qui a montré son efficacité à la fin de la phase I. Durée : plusieurs mois à 2 ans.
  3. Phase 3 : Administration à un plus grand nombre d’individus (100 à 1000) si la phase 2 s’avère satisfaisante après tous les tests mentionnés plus haut. Cette phase mesure plus spécialement l’efficacité du vaccin ou médicament en comparant deux groupes. Il est préférable de réaliser à ce stade des essais cliniques randomisés contrôlés  (à double insu) pour confirmer l’efficacité du médicament ou du vaccin pour la prévention contre un pathogène bien déterminé. Durée : 1 à 4 ans

Une 4ème phase (qui vient après l’approbation du produit) est habituellement consacrée à la pharmacovigilance et à la manufacture (fabrication massive au niveau industriel) pour la consommation par les malades (phase post-commercialisation). Durée : 1 à 4 ans.

Vous remarquerez que pour chaque phase il faut réaliser des analyses de toxicité, d’efficacité et de sécurité sur tous les sujets soumis à ces essais cliniques. Ceci pour la simple raison que le fabricant est responsable de tous les effets secondaires de son produit médicinal ou vaccin. Si un sujet tombe malade, ou devient inapte ou encore si la mort survient à la suite de l’administration de ce vaccin ou produit médicinal, le Fabricant devrait répondre devant la justice pour tous ces cas et incidents. Dédommagement, poursuite judiciaire peuvent être menés à son endroit.

Dans le cas où l’Office Congolais de Contrôle entérine l’usage de ces produits médicinaux ou vaccins sans réaliser des analyses appropriées, il devra répondre de ce manque de contrôle devant la justice si une intoxication ou la mort survenait. Le Comité Ethique indépendant composé des membres extérieurs à l’Office de Contrôle devrait agir comme une « police » pour veiller à l’exécution de normes en vigueur. Tout ce processus de surveillance, de contrôle et de renforcement des règles et de la législation en vigueur dans un pays pour le moins organisé devrait être bien régulé pour la sauvegarde de la santé des populations concernées.

Concernant le cas de notre pays, la RDC, nous sommes libres d’accepter ou de refuser d’offrir notre contribution à la vaccination de nos concitoyens.  Examinons les 2 scenarios :

  1. Si nous refusons cette invitation pour quelque raison que ce soit, alors il faut trouver une alternative pour lutter contre cette pandémie en attendant la dissipation du voile qui plane sur la sécurité et l’efficacité de ce vaccin contre le Covid 19.

Je suis sûr que l’on peut trouver une autre solution tant du point de vue préventive que du point de vue curative pourvu que le gouvernement congolais mette les moyens nécessaires pour que les chercheurs réunis fassent un travail de qualité. Les chercheurs congolais doués de cette capacité existent et sont prêts à prêter main forte à cette besogne pour la survie de nos populations.

  1. Si nous acceptons, il faudrait alors sous la supervision de l’Office Congolais de Contrôle ou d’un tout autre organe étatique, doter dans un bref délai l’INERB, des équipements adéquats et d’un personnel qualifié pour exécuter les analyses requises pour la sauvegarde des sujets soumis à cette épreuve clinique avec tout le suivi nécessaire lié aux conditions de vaccination.  L’objection à cette stratégie d’acceptation ou de contribution, résiderait dans le prix des équipements et le temps que la formation du personnel prendra vu l’urgence dans laquelle nous a placés cette odieuse pandémie. Je suis enclin à accepter cette objection mais alors on ne peut en aucun cas réfuter la prise en charge de sujets vaccinés. Cette prise en charge comportant l’isolement de ces sujets afin d’éviter la contagion de leurs proches et la dissémination générale du virus dans la population constitue une obligation. Sommes-nous prêts à le faire?

Dans l’affirmative, avons-nous les infrastructures nécessaires pour ce genre d’activités et de responsabilités.

Je vous prends à témoins.  

Après avoir examiné toutes ces conditions, tout porte à croire que nous ne pouvons pas dans les circonstances actuelles nous embarquer dans cette acceptation aussi louable soit-elle de contribuer aux essais cliniques aussi nécessaires et humanitaires qu’ils s’avèrent sans avoir exploré nos capacités et la faisabilité de cette stratégie et sans tenir compte du consentement des populations que l’on va soumettre à cette vaccination. Après tout, nous devrions respecter les droits individuels et collectifs qui président à l’essence humaine. Nous devons finalement tous penser au management (prise en charge) des désastres naturels, induits ou créés par la bêtise humaine.

En conclusion, je souhaite que  tous les acteurs désignés pour mener ce combat à savoir, l’Office Congolais de Contrôle (OCC), le département de la Santé publique, le groupe de riposte contre cette pandémie, le Comité d’Ethique travaillent ensemble et conjuguent leurs efforts pour arriver à une stratégie concertée sans suspicion d’aucune sorte et à la satisfaction de toutes nos populations en proie à cette pandémie à Covid-19.

Fait à Pretoria ce Mercredi 8 Avril 2020

Prof Kensese S. Mossanda

BPharm.(Unilu-DRC), MClin.sc., MTrop.Med., MFood sc. (Ulg –Belgium), PhD.(Ulg-Belgium)

Former Research Coordinator/Director (Univ. of Limpopo – Medunsa Campus and Walter Sisulu University – South Africa)

Executive Director (PROMETRA-South Africa)

Academic Editor (SATA – Publisher)

Email: [email protected]

Mobile: +27-82-6443 (South Africa)

Mobile: +1-905-616-4021 (Canada)

Mobile: +243-85-3036919 (RDC)

Google Scholar citations: https://scholar.google.com/citations?user=6lzlI8wAAAAJ&hl=en&cstart=20&pagesize=20

PubMed citations: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/?term=Mossanda+K

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