En RDC, Ebuteli publie le rapport « Corruption électorale sans frontières »

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PAR Deskeco - 22 avr 2025 15:58, Dans Corruption

Dans un rapport intitulé « Corruption électorale sans frontières », publié ce mardi 22 avril 2025, l’Institut de recherche en politique, gouvernance et violence Ebuteli révèle que les scrutins électoraux organisés en 2023 ont été les plus entachés de cas de corruption jamais enregistrés dans l’histoire de la République démocratique du Congo depuis 2006.

« La République démocratique du Congo (RDC) a connu une longue transition de 16 ans avant la tenue des élections de 2006, considérées comme les mieux organisées. À cette époque, la corruption était aussi déplorée, mais elle n’avait pas sérieusement affecté les résultats du scrutin, contrairement à ce qu’on a observé en 2011, en 2018 et en 2023 », souligne Ebuteli.

En 2023, les cas de corruption se sont malheureusement généralisés, atteignant tous les niveaux électoraux. Ebuteli parle ainsi de « corruption électorale sans frontières ». Dans son rapport, l’institut s’est attelé à examiner ces pratiques au niveau central, provincial et des entités territoriales décentralisées, mettant en lumière « la crise de légitimité et le déficit de redevabilité politique, non seulement au niveau du pouvoir central, mais aussi à celui des provinces ».

Des cas de malversations et de détournements ont été enregistrés, ainsi que des interférences des autorités politiques dans les différentes décisions du bureau de la CENI.

 « Pour les partis influents de l’Union sacrée, les nominations ou affectations des secrétaires exécutifs provinciaux et des chefs d’antenne de la CENI ont été au centre d’un grand enjeu : les leaders des grands regroupements politiques se sont battus pour avoir des responsables provinciaux de la CENI à leur solde », révèle-t-il.

La corruption s’est aussi accentuée dans le processus de recrutement des agents de la CENI. « Un ancien agent temporaire du bureau de la CENI à Bukavu a témoigné de la manière dont ils ont été recommandés par un candidat député vivant à Kinshasa, qui a demandé à son fils d’établir une liste de jeunes à recruter comme agents de bureau de vote. Leur mission ? Faire voter les électeurs pour lui, d’autant plus que beaucoup d’électeurs dans des milieux reculés avaient de sérieuses difficultés à utiliser les machines à voter. »

Certaines pratiques graves, telles que la privatisation des machines à voter pour fabriquer des résultats, étaient au rendez-vous.

 « Certains candidats ont détourné des DEV (machines à voter) à leur portée pour maximiser leurs voix par un vote frauduleux. D’autres ont eu une grande marge de manœuvre en offrant leurs véhicules ou motos pour le transport de ces dispositifs. »

« Un partisan d’un parti politique témoigne que son parti a payé 20 000 USD pour obtenir une machine à voter. D’autres candidats se procuraient les kits électoraux à leur domicile. Bien que la CENI ait sanctionné, par invalidation, certains élus, Ebuteli révèle que cette mesure a toutefois été sélective. »

Il a aussi été constaté des cas de non-utilisation de l’encre indélébile. 

« Pour permettre aux électeurs des candidats qui leur avaient remis de l’argent de voter plusieurs fois, certains agents de la CENI n’utilisaient pas l’encre indélébile, pourtant nécessaire pour empêcher une personne de voter plus d’une fois. », renseigne le rapport. 

 Ebuteli révèle par ailleurs des cas d’intimidation et de violences orchestrés par des jeunes délinquants (Kuluna) manipulés, afin de créer un climat de peur et de faciliter la tricherie ou la corruption électorale dans certains bureaux de vote.

Face à cette corruption généralisée, Ebuteli propose, d’une part, des poursuites judiciaires contre les acteurs impliqués, ainsi qu’une révision de la loi électorale intégrant des dispositions renforçant la lutte contre la corruption ; d’autre part, le renforcement de l’indépendance des instances judiciaires chargées du contentieux électoral et de la proclamation des résultats définitifs. L’institut recommande également que le recrutement du personnel de la CENI, y compris les agents temporaires, se fasse par concours organisés par un cabinet indépendant pour éviter les recommandations partisanes, et suggère le remplacement de l’encre indélébile par le prélèvement d’empreintes digitales pour empêcher les votes multiples par un même individu.

Jean-Baptiste Leni

 

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