L’écart entre les genres en matière d’opportunités économiques est beaucoup plus important que nous ne le pensions jusqu’ici. Bien que de nombreux pays à travers le monde aient accompli des progrès considérables dans la promulgation de lois qui garantissent l’égalité des chances pour les femmes, la moitié de l’humanité — 3,9 milliards de femmes dans le monde — se heurte à des obstacles juridiques qui entravent sa participation à la vie économique. C’est ce que révèle la Banque mondiale dans ce rapport « Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2024 » publié à l’occasion du 8 mars, journée dédiée aux droits de la femme dans le monde. DESKECO.COM vous présente ici le résumé exécutif de ce rapport.
Le rapport Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2024 introduit de nouveaux indicateurs permettant de suivre les progrès mondiaux vers l’égalité juridique des sexes dans 190 économies. Ce rapport, qui est le dixième de la série, présente deux ensembles de données : Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 1.0 et une version enrichie, Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2.0. Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 1.0 actualise les données des huit indicateurs de départ en tenant compte des réformes entreprises par les économies au cours de l’année écoulée (chapitre 1). Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2.0 introduit un nouveau cadre pour mesurer l’environnement favorable aux opportunités économiques des femmes (chapitre 2). Pour la première fois, le rapport va au-delà de la mesure des lois — de jure — et examine l’existence de cadres soutenant la mise en œuvre de la loi et jauge les opinions d’experts sur les effets de la loi pour les femmes — de facto. Suivant le modèle « structure-processus-résultat », Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2.0 mesure trois piliers : les droits juridiques (structure), les cadres d’appui (processus) et les opinions d’experts sur le droit dans la pratique (résultat).
Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2.0 constate que les femmes jouissent d’environ deux tiers des droits reconnus aux hommes et que nulle part dans le monde les femmes n’ont les mêmes droits que les hommes pour tous les indicateurs mesurés. Le score moyen mondial de Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2.0 est de 64,2 sur 100, faisant apparaître un écart important en matière d’égalité des sexes devant la loi. Il est notable qu’aucune des 190 économies examinées n’ait atteint la parité juridique entre les genres dans les domaines mesurés et qu’aucune économie n’obtient donc un score de 100.
Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2.0 : tendances se dégageant de l’analyse des données des nouveaux indicateurs
Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2.0 met en lumière d’importantes lacunes dans les cadres juridiques, leur application et les résultats perçus. Les résultats qui se dégagent des données appellent à un ensemble complet de mesures pour combler les écarts entre les genres. Il s’agit notamment de réformer les lois, d’introduire des mécanismes permettant de faciliter l’application effective des lois, de lancer des campagnes de sensibilisation pour modifier les comportements et, enfin, d’avancer dans le programme d’action en faveur de l’égalité des genres. En outre, les indices constituent une ressource publique précieuse, car ils fournissent des informations fondées sur des données factuelles sur tous ces piliers et servent de base à la formulation de recommandations sur les politiques et à la recherche. Les quatre principaux points à retenir décrivent les lacunes qui persistent sur le plan juridique et de la mise en œuvre, la manière dont les experts considèrent la réalité des femmes sur le terrain et les domaines dans lesquels les économies progressent.
1. Le cadre plus ambitieux, Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2.0, affiche une baisse moyenne de 14 points des scores attribués aux dispositifs juridiques, par rapport au cadre 1.0. L’introduction d’indicateurs sur la Garde d’enfants et la Sécurité, ainsi que l’amélioration de la méthodologie sur l’ensemble des indicateurs ont induit un changement important dans le paysage juridique tel qu’il apparaît en ce qui concerne l’inclusion économique des femmes. À la suite de ces révisions, les économies ont enregistré une baisse considérable de leurs scores d’environ 14 points en moyenne. Ce changement souligne l’incidence des nouveaux indicateurs sur l’évaluation globale des droits juridiques des femmes et met en évidence le caractère évolutif de la mesure de l’égalité des sexes.
2. Presque toutes les économies, même celles qui présentent les lois les plus égalitaires entre les hommes et les femmes, laissent apparaître des carences importantes dans l’application des lois. L’indice des cadres juridiques Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2.0 est fortement corrélé à l’indice des cadres d’appui : des lois plus strictes dans la lettre ont tendance à être associées à des cadres d’appui plus solides.
Cependant, la relation entre les scores des cadres juridiques et ceux des cadres d’appui dans Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2.0 n’est pas exactement univoque, et rendre les lois plus égalitaires entre les hommes et les femmes ne s’accompagne pas toujours de politiques, de plans, de budgets ou de stratégies de niveaux équivalents permettant d’appliquer la loi dans la pratique. De manière générale, les économies dont le score juridique dans Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2.0 est supérieure à 50 présentent un écart moyen de mise en œuvre de 27 points, tandis que celles dont le score est inférieur ou égal à 50 affichent un écart moyen de 19,5 points. Cette disparité importante souligne que, si les économies enregistrant des scores plus faibles en matière de cadres juridiques ont encore une marge d’amélioration considérable en ce qui concerne les indices des cadres juridiques et des cadres d’appui dans Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2.0, celles affichant des scores plus élevés en matière de cadres juridiques sont, en moyenne, bien moins efficaces dans la mise en œuvre. Cependant, les régions peuvent afficher des disparités marquées en leur sein.
3. Lorsque les cadres juridiques sont plus égalitaires, les experts perçoivent une meilleure réalité pour les femmes sur le terrain, mais cette corrélation n’est pas aussi forte qu’avec les cadres d’appui. Une comparaison de l’indice des cadres juridiques et de l’indice des opinions d’experts dans Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2.0 révèle une corrélation importante entre le statut juridique des économies et la perception des droits des femmes dans la pratique. Le score moyen global pour les cadres juridiques de Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2.0 est de 64,2, et le score moyen global pour les avis d’experts est de 65,7. Cette corrélation est cependant plus faible que celle observée entre les scores de l’indice des cadres juridiques et de l’indice des cadres d’appui, à quelques exceptions près. Les cadres d’appui suivent généralement des schémas similaires à ceux des résultats juridiques, mais avec un décalage ; la relation avec les opinions d’experts est moins claire. Dans les économies ayant des scores juridiques plus élevés, l’écart entre le score des opinions d’experts et celui des cadres juridiques a tendance à être plus prononcé. Ce constat donne à penser qu’il existe un plus grand degré de variation et de complexité dans la façon dont les experts considèrent les normes juridiques, qui peut être influencée par un contexte spécifique.
4. Dix-huit pays ont progressé vers l’égalité juridique entre les sexes en adoptant des réformes prises en compte dans l’indice Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 1.0. Le rapport Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2024 présente des données et des scores actualisés pour rendre compte des progrès vers l’égalité juridique entre les sexes accomplis par les économies entre le 2 octobre 2022 et le 1er octobre 2023, tels que mesurés par les huit indicateurs initiaux de l’indice Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 1.0. Entre 2022 et 2023, seules 18 économies — soit moins d’une sur dix — ont adopté des réformes pour tous les indicateurs de l’indice Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 1.0. Ces économies représentent différents niveaux de revenu.
Au total, elles ont adopté 47 réformes visant à renforcer l’égalité des genres devant la loi. Toutes les régions ont engagé des réformes, à l’exception de l’Asie du Sud, qui n’a enregistré aucune réforme pour la première fois en 18 ans. Six économies d’Afrique subsaharienne ont tiré la locomotive des réformes : Guinée équatoriale, Lesotho, Ouganda, Rwanda, Sierra Leone et Togo. Le Rwanda, la Sierra Leone et le Togo ont notamment promulgué 16 révisions juridiques. Dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, trois économies — la Jordanie, Oman et le Qatar — ont promulgué dix réformes. En Europe et Asie centrale, cinq économies — l’Arménie, l’Azerbaïdjan, Chypre, Moldova et l’Ouzbékistan — ont adopté neuf réformes. Dans la région Asie de l’Est et Pacifique, la Malaisie a adopté quatre réformes, tandis que le Suriname, dans la région Amérique latine et Caraïbes, en a adopté deux et le Belize une seule. Parmi les économies à haut revenu de l’OCDE, la République slovaque est le seul pays à avoir procédé à des réformes.
Perspectives
La nouvelle approche à trois niveaux de Les Femmes, l’Entreprise et le Droit 2.0, qui met l’accent sur les cadres juridiques, les cadres d’appui et les opinions d’experts, révèle d’importantes lacunes et démontre que la vision qu’ont les experts de la situation des droits des femmes ne correspond pas toujours à ce qu’il faut pour mettre en œuvre ces droits dans la pratique. Ces lacunes méritent d’être étudiées davantage. En améliorant ces indicateurs à l’avenir, le rapport Les Femmes, l’Entreprise et le Droit prévoit de fournir des données plus complètes pour éclairer le dialogue sur les politiques et les réformes, permettant ainsi à davantage de femmes de jouir de leurs droits et stimulant l’inclusion économique et la participation au marché du travail dans le monde entier.