Zone de Libre-échange Africaine: la RDC est-elle prête pour la ratification? (Tribune)

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PAR Deskeco - 02 fév 2021 08:10, Dans Analyses

1. Introduction

La République Démocratique du Congo a été de tous les accords africains et régionaux favorisant l’intégration économique et le commerce entre pays africains depuis l’aube des indépendances. Sa position géographique, son potentiel économique et sa population le mettent en ordre d’importance pour donner et recevoir le mieux de l’Afrique. Dans cette logique, la RDC a signé son adhésion à la ZLECAF, nouveau train mis en route et qui devra stimuler le commerce, l’industrialisation, la croissance économique et le bien-être des pays africains et donc, un train à ne pas rater.

Certains pays participants maintiennent une croissance économique raisonnable, s’emploient à diversifier leurs économies et développent une industrialisation manufacturière ; l’Afrique du Sud, le Kenya, la Tanzanie, le Rwanda, le Ghana, l’Éthiopie … et constitueraient ainsi la tête de pont du départ pour une intégration économique future. Avant de passer dans sa phase opérationnelle, la RDC, et peut être quelques autres pays, devraient procéder à des reformes qui rendent sa participation possible et efficace pour elle et pour les autres membres.

2. Zone de libre échange

Au plan économique, la zone de libre échange constitue la première phase vers une intégration économique, les autres étapes étant l’Union Douanière, le Marché Commun, l’Union Économique et l’intégration économique proprement dite. Cette première étape consiste en la libéralisation des mouvements des biens sans tarif extérieur commun. Elle vise à lever les obstacles des échanges des pays qui commercent essentiellement, non entre eux, mais avec le monde extérieur ,en supprimant les barrières tarifaires et non-tarifaires. L’effet bénéfique de ce processus est qu’il participe à la « création de commerce » en visant de remplacer des producteurs locaux par des producteurs plus efficaces situés dans les autre pays adhérents.

3. Zone de Libre-Échange et RDC

Ce processus devrait tenir compte de certaines difficultés parmi lesquels on peut citer ceux qui devraient être préalablement résolus par la RDC:

- La sécurité: les pays participants doivent être au même niveau sécuritaire. Le déséquilibre permanent à l’Est et au Nord-Est de la République entrave sérieusement les échanges avec les pays voisins et les pays d’Afrique de l’Est. Il en est de même de la sécurité de jouissance des ressources propres à la RDC ; L’intégration économique nationale : les échanges commerciaux sont faibles ou inexistants entre les provinces de la RDC. Il n’y a pas d’échanges commerciaux entre le Kivu et Kwango, entre la Lomami et la Tshuapa, entre le Kasai Central et le Bas-Uele …. Des réformes sérieuses sont à mettre en œuvre pour l’intégration économique nationale de sorte à permettre à toutes les parties de tirer le meilleur profit de la libre circulation des biens et services. Ceci implique l’amélioration des infrastructures ainsi qu’une bonne organisation de l’administration des douanes.

2 - La monnaie : le mécanisme d’échanges nécessite la convertibilité des monnaies des pays participants. La RDC devrait se mettre rapidement en ordre quant au choix d’utiliser le dollar dans les échanges internationaux comme c’est le cas aujourd’hui ou donner les perspectives d’utilisation du franc congolais.

- La normalisation : la normalisation des processus et de la qualité des produits relève encore de l’OCC qui est un organe de contrôle et qui, à ce titre, est juge et partie. La mise en application de la zone de libre échange entrainerait la levée des obstacles tarifaires entre États membres, ce qui aurait pour conséquence immédiate pour la RDC, un rabattement important des revenus douaniers qui contribuent de manière consistante au budget de l’État. En effet, ceux-ci représentent près de 30% des recettes courantes si on s’en tient à la loi des finances rectifiée pour l’exercice 2021.

Pour ce qui est des barrières non tarifaires, elles sont en partie informelles (taxes et tracasseries) et ne peuvent compenser les droits de douane ainsi que les droits d’entrées et de sortie ; leur existence obligerait aux acteurs de la fragile et faible industrie nationale de se délocaliser dans les pays voisins déjà stables, enlevant à la RDC emplois et revenus directs et indirects. Il reste vrai qu’actuellement, des sociétés manufacturières s’installent dans des pays voisins et visent le marché RDCongolais, mais des droits douaniers sont quand même collectés au profit du pays. 

Conclusion 

Pour entrer de plein pied dans le train de la ZECLAF, la RDC devra reporter la ratification de l’accord et s’obliger pour cela : - de définir une politique économique de sortie de crise et d’intégration économique nationale, obligeant l’intégration de ce projet déjà en marche ; - de procéder aux réformes économiques et projeter les travaux d’infrastructures qui faciliteraient le commerce et inciteraient par voie de conséquence la croissance économique ; - de se faire un tableau de bord de sa balance commerciale avec chacun des pays adhérents ; - de créer un Institut de Normalisation à l’exemple des autres pays afin d’adaptation rapide aux processus d’accompagnement des échanges.

Une ratification rapide à cette zone aurait des conséquences fâcheuses et impliquerait : - La perte des revenus douaniers à court terme ; - La délocalisation de quelques industries existantes et la perte d’emplois ; - L’entrée dans le pays des produits aux origines difficilement contrôlables ; - L’obligation de maintenir l’exportation des matières premières sans y apporter une valeur ajoutée raisonnable.

Jean Pierre Muongo,

Economiste de développement

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