Nous sommes tous conscients du fait que la propagation du coronavirus pose un réel danger et que la situation pourrait très bien s’aggraver. Cela nous affecte tous. Commençons par ce que nous savons et ce que nous ignorons toujours au sujet du coronavirus et parlons ensuite de ce que la communauté internationale peut faire pour venir en aide à ceux qui sont affectés par cette crise de manière efficace et coordonnée.
Ce que nous savons
Nous savons que cette maladie se propage rapidement. Plus d’un tiers de nos pays membres sont directement touchés : il ne s’agit donc plus d’un problème régional mais bien d’un problème mondial qui requiert une riposte mondiale.
Nous savons également que cette épidémie connaîtra un repli, mais nous ne savons pas quand.
Nous savons que ce choc est quelque peu inhabituel car il influe sur des aspects importants tant de l’offre que de la demande :
- L’offre sera perturbée en raison d’une hausse de la morbidité et de la mortalité, mais aussi en raison des mesures d’endiguement qui restreignent la mobilité et d’une pratique des affaires plus coûteuse du fait du brisement des chaines d’approvisionnement et du resserrement du crédit.
- La demande baissera également sous l’effet d’une plus grande incertitude, de précautions accrues, de mesures d’endiguement et de coûts financiers en hausse qui réduisent la capacité à dépenser.
- Ces répercussions ne connaîtront pas de frontières.
D’après notre expérience, il est probable qu’un tiers des coûts économiques liés à la maladie seront directs : décès, fermeture des lieux de travail et mises en quarantaine. Les deux tiers restants seront indirects, causés par un repli de la confiance des consommateurs et des entreprises ainsi que par un resserrement sur les marchés financiers.
La bonne nouvelle est que les systèmes financiers sont plus résilients qu’ils ne l’étaient avant la crise financière mondiale. Mais notre tâche la plus importante aujourd’hui est de faire face à l’incertitude qui règne.
Dans tous les scénarios étudiés, la croissance mondiale en 2020 sera inférieure à celle de l’année dernière. L’ampleur et la durée de cette baisse sont difficiles à prédire. Tout dépendra de l’évolution de l’épidémie mais aussi de la rapidité et de l’efficacité de nos interventions.
La tâche sera particulièrement difficile pour les pays dont les systèmes sanitaires et les capacités de riposte sont plus faibles, d’où la nécessité d’adopter un mécanisme de coordination mondiale afin d’accélérer la reprise de la demande et de l’offre.
Mesures à l’échelle nationale
La priorité absolue sur le plan budgétaire est de pouvoir engager les dépenses sanitaires de première ligne afin de protéger le bien-être des populations, de soigner les malades et de ralentir la propagation du virus. Je ne saurais trop insister sur combien il est urgent de renforcer les mesures sanitaires et d’assurer la production de fournitures médicales pour que l’offre puisse satisfaire la demande.
Ensuite, des mesures macrofinancières pourraient s’imposer pour faire face aux chocs sur l’offre et la demande que je viens de mentionner. Le but est de prendre des mesures « sans regret », capables d’atténuer l’impact économique et d’en réduire la durée. Elles devront être prises en temps opportun en ciblant les secteurs, les entreprises et les ménages les plus touchés.
Un fléchissement global de la demande dû à un affaiblissement de la confiance et aux effets de contagion (commerce et tourisme, prix des produits de base et resserrement des conditions financières) pourrait requérir l’adoption de mesures supplémentaires pour soutenir la demande et garantir une offre de crédit adéquate.
Enfin, il faudra disposer de liquidités suffisantes afin d'atténuer les risques pour la stabilité financière.
En somme, la situation évolue rapidement et nous devons nous tenir prêts à intervenir de façon plus franche et coordonnée si les conditions l’exigent. À ce titre, je salue la déclaration que le G7 a faite hier, sur sa détermination à coopérer plus étroitement pour la mise en œuvre de mesures rapides et efficaces.
Quelle aide le FMI peut-il fournir ?
Pour sa part, le FMI se tient prêt à venir en aide à ses pays membres. Par le biais de ses mécanismes de financement d’urgence à décaissement rapide, le FMI met environ 50 milliards de dollars à disposition des pays à faible revenu et des pays émergents pour répondre à leurs éventuels besoins. Sur cette somme, 10 milliards de dollars seront disponibles à taux zéro pour les pays membres les plus pauvres, au moyen de la facilité de crédit rapide.
Beaucoup de pays membres sont en danger, notamment les pays disposant de systèmes sanitaires fragiles ou de marges de manœuvre restreintes, les exportateurs de produits de base exposés aux chocs sur les termes de l’échange, et d’autres pays étant particulièrement vulnérables aux effets de contagion.
Je m'inquiète en particulier pour nos pays membres à faible revenu et nos pays membres plus vulnérables : les besoins de financement de ces derniers pourraient monter en flèche si le coût économique et humain du virus venait à s’alourdir.
Nos équipes s’efforcent actuellement de recenser les pays vulnérables et d’estimer leurs éventuels besoins de financement au cas où la situation se dégraderait davantage.
Le FMI a des ressources à disposition de ses pays membres :
- Grâce à la générosité de nos actionnaires, notre capacité de prêt globale s’élève à environ 1.000 milliards de dollars.
- Pour les pays à faible revenu, nous disposons de financements d’urgence à décaissement rapide à hauteur de 10 milliards de dollars (50 % de la quote-part des pays membres admissibles) auxquels ils peuvent accéder sans avoir un programme à part entière avec le FMI.
- Les autres pays membres peuvent bénéficier d’un financement d’urgence par le biais de l’instrument de financement rapide. Ce mécanisme pourrait fournir environ 40 milliards de dollars aux pays émergents qui solliciteraient notre aide financière.
- Nous avons également le fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes, grâce auquel les pays admissibles peuvent obtenir des dons qui leur permettent d'alléger le service de leur dette envers le FMI arrivant à échéance. Ce fonds s'est avéré efficace en 2014 durant l’épidémie de maladie à virus Ébola, mais il est actuellement sous-financé : à peine plus de 200 millions de dollars sont disponibles alors que les besoins pourraient dépasser 1 milliard de dollars. J’ai appelé les pays membres à veiller à ce que ce mécanisme soit pleinement reconstitué et soit prêt pour la crise actuelle.
Pour résumer, le FMI est pleinement déterminé à venir en aide à ses pays membres, surtout les plus vulnérables, nous disposons d’outils pour ce faire, et nous travaillons en étroite coopération avec nos partenaires.
Kristalina georgieva, Directrice générale du FMI