Resource Matters et le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) recommandent à Félix Tshisekedi de rouvrir la gestion d’Inga III à la participation de la société civile et aux institutions régulières du pays. Dans un rapport publié ce lundi 28 octobre, les deux organisations ajoute aussi que le nouveau pouvoir devrait recourir à des experts qualifiés et attendre les résultats des différentes études d’impact, y compris des contre-expertises directement commanditées par le gouvernement, pour juger si le projet est approprié pour le pays et sa population.
Censé renforcer Inga I et Inga II, le projet "Inga III" devrait générer 11 000 mégawatts et pourrait alimenter une bonne partie de l’Afrique. Le projet existe depuis près de 30 ans, mais sa concrétisation a piétiné à plusieurs reprises.
Resource Matters est une ASBL basée à Bruxelles qui vise à mieux comprendre et surmonter la pauvreté économique dans les pays riches en ressources naturelles. Son expertise s’étend du secteur des investissements miniers au domaine hydroélectrique. Pour sa part, le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) est un projet de recherche indépendant à but non lucratif qui s’efforce de comprendre et d’expliquer la violence qui affecte des millions de Congolais.
Resource Matters et le Groupe d’étude sur le Congo (GEC) constatent qu’Inga III la décision de la présidence de la République de s’approprier le contrôle quasi-exclusif du projet n’a pas été une bonne idée. Les deux organisations soulignent jusque-là l’opacité dans plusieurs secteurs opérationnels : conditions de sélection du développeur peu claires, absence d’études d’impacts sociaux et environnementaux complémentaires faute de moyens financiers et à la suite du retrait des principaux bailleurs de fonds, mise en place d’une tutelle institutionnelle sui generis qui échappe au contrôle parlementaire, rejet par le Parlement et la société civile du projet ou encore faible position de la RDC lors des négociations avec les potentiels présélectionnés.
« Les négociations se sont passées en l’absence d’une vraie équipe technique à même de faire le poids face à celle, robuste, constituée de conseillers appuyés par les investisseurs. L’ADPI sollicite à présent le financement de ces mêmes investisseurs pour ses frais de fonctionnement, mettant en péril son indépendance », écrivent-elles.
Elles suggèrent également que le gouvernement se doter des moyens pour réaliser les études environnementales et sociales qui sont plus importantes que jamais, surtout dans l’optique d’une fermeture complète du fleuve Congo et d’un barrage de 205 mètres qui pourrait avoir des impacts au-delà de la frontière avec le Congo Brazzaville : « L’approbation finale du consortium devrait dépendre des résultats de ces études environnementales et sociales », ajoutent-elles.
Les deux organisations insistent aussi sur le caractère social du projet : « Après plusieurs années de gestion à huis clos, il est temps que les promoteurs d’Inga en refassent un projet avec les Congolais et pour les Congolais. Dans la conception actuelle d’Inga III, il n’y a que 3 GW prévus pour le Congo, sans distinguer l’électricité pour la population de celle qui serait fournie à l’industrie minière. Compte tenu des difficultés de la SNEL et le faible pouvoir d’achat de la population congolaise, Inga pourrait générer des recettes pour le Trésor public mais ne contribuera pas considérablement à l’électrification du pays ».
Pour la première fois, un accord a été formalisé entre le gouvernement congolais et un groupement de sociétés chinoise et espagnole en 2018.
Ces sociétés sont chargées de mobiliser les fonds nécessaires à la construction d'Inga III. Le coût est estimé à 14 milliards de dollars. Le projet devrait générer 25 000 emplois dont 10 000 postes permanents, mais la date du début effectif des travaux n'a pas encore été annoncée.
L'essentiel de la production en RDC est réalisée par les barrages Inga I (inauguré en 1971) et Inga II (inauguré en 1982). Les deux sont situées sur le fleuve Congo, en aval de Kinshasa.
D'autres petites centrales, plusieurs dizaines, sont disséminées à travers le pays, mais la RDC reste classée parmi les États africains disposant d'un faible taux de desserte en électricité. Il varie entre 10 et 15% des 80 millions d'habitants. Le pays regorge encore un important potentiel hydroélectrique non exploité.
Selon les données officielles, 121 centres de population (agglomérations, bourgades, villes, villages) sont électrifiés. Aussi, 62 % de la longueur totale des lignes de distribution se trouvent dans le Kongo-Central et la ville de Kinshasa, et 15 % au Katanga. Par ailleurs, sur une puissance totale installée en RDC évaluée à 2.516 MW, la Société nationale de l’électricité (SNEL) dispose d’un parc de production d’environ 2.416 MW, soit 96 % de la puissance nationale installée, constitué essentiellement des centrales hydroélectriques.
Dans son speech au 1er Forum sur l’énergie électrique, organisé le mois dernier à Matadi (Kongo Central), Félix Tshisekedi avait rappelé que l’accès à l’électricité est au cœur de tous les enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Car aucun développement n’est possible sans énergie. Il avait donné l’exemple du secteur minier : « Le développement de notre potentiel minier dépend entièrement de notre offre en énergie électrique. Il en est de même pour la réalisation du port en eau profonde de Banana ».