Le Gouvernement congolais a adopté le vendredi 25 octobre 2019, le projet de loi des finances 2020 à hauteur de 10 milliards USD en recettes et en dépenses, soit un taux d’accroissement de 63,2% par rapport aux prévisions budgétaires de l’exercice 2019 évaluées à 5,9 milliards USD.
Les priorités accordées à ce projet de loi de finance restent la gratuité de l’éducation de base ; la prise en compte progressive de la couverture santé universelle en vue de permettre l’accès de la population aux soins de santé ; l’opérationnalisation de la caisse nationale de péréquation prévue par la constitution pour soutenir le développement des provinces ; le démarrage de la construction du Port en eau profonde de banana pour l’accostage des gros bateaux, …
Avec un budget de 10 milliards USD, le Gouvernement sylvestre Ilunga est obligé de mobiliser chaque trimestre environ 2,5 milliards USD pour assurer un fonctionnement harmonieux des institutions, contre 1,3 milliard USD perçus actuellement, soit une accroissement mensuel de 48%.
Si ce projet de loi des finances est voté comme tel au Parlement, la pression fiscale sera donc dépassée de 13% contre 9% en 2019, comme promis par le premier Ministre lors du discours d’investiture de son Gouvernement. Et le volume des recettes internes va dépasser la barre de 7 milliards USD contre 4,9 milliards USD en 2019. Selon une source du Ministère du Budget, le taux de croissance en 2020 pourrait franchir le chiffre de 6,3% prévu dans le cadre budgétaire à moyen terme de la période de 2020-2022, contre 5,4% établit en 2019.
La mobilisation des recettes, l’équation demeure
Sur les prévisions linéaires de l’ordre de 4, 316 milliards, à la fin du mois de septembre 2019, le gouvernement n’a mobilisé que 3, 331 milliards USD soit 77,18%. Le non réalisation des assignations par les administrations financières demeure un handicap majeur, bien que ces prévisions constituent les minima à recouvrer. Le contrat de performance soumis aux directeurs généraux des services mobilisateurs des recettes n’a jamais été évalué avec rigueur. Ainsi, les agents publics des administrations financières continuent à œuvrer dans la corruption, en toute impunité tout en privant l’Etat les moyens de faire sa politique, en violation de leur code d’éthique.
Même si le Gouvernement est optimiste sur l’amélioration de la santé économique en 2020, sur le terrain la réalité est restée la même. Selon le cadre budgétaire à moins terme de la période de 2019-2022, les revenus du budget proviennent essentiellement de la fiscalité issue du secteur extractif [mines et hydrocarbures]. Fin septembre, les recettes du secteur des mines ont franchi la barre de 1 milliard USD, alors que celle des hydrocarbures se situent autour de 150 millions USD.
Le prix des matières premières dégringole : le baril du pétrole se négocie actuellement à 56.41 USD contre 60 USD en juin 2019 ; la tonne du cuivre sur le marché international se négocie entre à 5 772,000 $ et celle du cobalt à 39.469,50 USD.
A cela s’ajoute, l’absence de certification des réserves minières et pétrolières. Selon, un expert du cadastre minier, la certification de réserves minières par exemple coûte 500 millions par métal. L’application du code minier révisé pose d’énorme problème depuis sa promulgation en 2018. Plusieurs investisseurs hésitent encore ; l’application de la loi de 2015 portant régime général des hydrocarbures, connaît aussi des difficultés jusqu’à ces jours ; l’affaiblissement des entreprises étatiques [Gécamines, Sokimo, Sonahydroc, Miba, …] ; la non maîtrise des exonérations, l’absence du contrôle et la corruption dans la chaîne de valeur.
En ressources externes, le Gouvernement compte sur l’appui budgétaire, dons projets et programmes, … des bailleurs de fonds, la coopération bilatérale et multilatérale. Fin septembre 2019, le Gouvernement a mobilisé 170 millions USD sur les prévisions de 521 millions USD soit 32,69%. Bien que la Banque mondiale ait annoncé porter son appui à partir de 2020 autour de 5 milliards USD pour les cinq prochaines années, le taux d’absorption de son financement en RDC n’a jamais dépassé 40%, ces dix dernières années, indiquent les différents rapports de la reddition des comptes du Ministère des finances. L’aide de la Banque Mondiale tout comme du Fonds Monétaire Internationale est soumise à plusieurs conditions, notamment l’audit des finances publiques. Des dons projets de l’union européenne, des Etat-Unis, la Belgique, le Japon, … sont toujours échelonnés sur une période de trois ans et n’ont jamais dépassé la barre de 1 milliard/l’année les trois dernières années, en terme de réalisation.
Des grades réformes s’imposent
Pour mobiliser les recettes internes, le Gouvernement compte sur sa grande réforme annoncée, celle qui consiste à l’informatisation de la chaîne de la recette pour la traçabilité de celles-ci, la transparence et la fluidité du circuit de son exécution, dans le but de booster la collecte des recettes. L’on se souviendra que cette réforme n’est pas une nouveauté. Le projet a débuté en 2014 et reste inachevé jusqu’à ces jours, suite à l’opposition de plusieurs personnalités de l’ancien régime à sa matérialisation.
A cela s’ajoute la mise en place d’une structure financière et des marchés dans la perspective de la levée des fonds sur le marché financier interne pour le financement des déficits budgétaires. Selon plusieurs sources du Ministère du Budget, le Gouvernement va procéder à l’élargissement de l’assiette fiscale par l’activation de certaines taxes, impôts,… inscrites dans l’ordonnance-loi fixant la nomenclature des droits, taxes, et redevances du pouvoir central de mars 2018. Néanmoins, la certification des réserves pétrolières et minières s’impose; la réforme des entreprises publiques de l’Etat, dont la Gécamines, Sonahydroc, … doivent être mise au premier plan; le contrôle interne et externe doit être activé, voir même redynamisé.
En vue de bénéficier de l’aide extérieure, il est question d’améliorer le système de gouvernance interne tout en luttant contre la corruption, assainir les finances publiques afin d’attirer la confiance des bailleurs de fonds.
Une chose est sûre, bien que le projet de loi de finances 2020 est ambitieux, les effets des réformes annoncés ne peuvent être palpable en une année. Il faudra donner un peu du temps au Gouvernement Ilunga. Pour l’instant, pas de miracle, car la RDC n’arrive pas à mobiliser 6 milliards USD des recettes publiques l’année, depuis 2013.
VM Goffman