Après sa visite du chantier de construction de la route Kananga-Kalamba Mbuji samedi 2 août dernier dans la province du Kasaï-Central, Freddy Yodi Shembo, directeur général (DG) de l’Agence de Pilotage, de Coordination et de Suivi des Conventions signées entre la RDC et ses partenaires privés (APCSC), a rassuré que la route sera financée jusqu’à son achèvement complet.
« Nous pouvons garantir que cet ouvrage sera financé jusqu’au dernier km. Nous n’allons pas permettre qu’on jette des pierres à notre président », a-t-il indiqué, faisant référence à la déclaration de Félix Tshisekedi à Kananga le 24 décembre 2024 : « Si dans 5 ans je ne réalise pas mes promesses, lapidez-moi »
Freddy Yodi Shembo a salué les avancées dans la construction de cette route stratégique, qui reliera les localités de Matamba, Bilomba, Luambo et Kalamba Mbuji à la frontière avec l’Angola et facilitera également les échanges interprovinciaux avec les provinces voisines.
« C’est un chantier qui encourage. Ça nous donne un motif d’espoir. Les entreprises sur place, la mission de contrôle et la mission de supervision de l’ACGT (Agence Congolaise des Grands Travaux) font correctement leur travail. C’est un ouvrage cher au cœur du chef de l’État, qui fera la fierté du grand Kasaï, et nous y sommes pleinement engagés », a déclaré le responsable de l’APCSC devant la presse.
Des inquiétudes sur le financement
Le financement des travaux de la route Kananga-Kalamba Mbuji pourrait atteindre 300 millions de dollars américains. Depuis plusieurs mois, des voix s’élèvent pour exprimer des inquiétudes quant au financement de ce projet, qui s’inscrit dans le cadre de l’Avenant 5 au contrat entre le gouvernement de la RDC et le Groupement des Entreprises Chinoises (Contrat chinois).
En décembre 2024, par exemple, le Centre de Recherches en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL) avait déploré l’absence d’inscription de ce projet dans le Plan quinquennal 2024-2028 du ministère des Infrastructures et Travaux Publics (ITP), ce qui risquait de compromettre les délais de livraison.
Alexis Gisaro, ministre des ITP, affirmait quant à lui mercredi 25 décembre 2024 que cette route d’environ 230 km serait praticable dès juin 2025 dernier, avec un asphaltage prévu pour juillet 2027. Sur le terrain, le DG de l’APCSC a constaté que la construction des caniveaux avançait, et seule une vingtaine de kilomètres avaient jusque-là reçu la couche de forme et de fondation, selon le service de communication du gouvernorat du Kasaï-Central.
En décembre 2024, le CREFDL, se basant sur les analyses de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), affirmait que seuls 40 millions de dollars américains avaient été alloués aux travaux à l'époque, alors que le besoin global est estimé à 278 millions de dollars. De ce montant, seulement 7,2 millions de dollars avaient été décaissés, soit un taux d’exécution de 0,18 %. Une situation qui compromet la promesse du chef de l’État, Félix Tshisekedi, faite à Kananga.
Cette inquiétude avait dans la foulé été rapidement balayée par le DG de l’ACGT, Nico Nzau Nzau, qui estimait que la construction de cette route devrait connaître une accélération significative en 2025. A ce jour, nous ne sommes pas en possession des chiffres sur le montant réel déjà décaissé pour la construction de cette route.
Dépendance à la Sicomines : un piège ?
Le financement de la route Kananga-Kalamba Mbuji dépend intégralement du projet Sicomines, ce qui pourrait retarder les travaux.
À titre d’exemple, au 17 juin 2025, les engagements effectifs dans le cadre du contrat Sicomines s’élevaient à 37 milliards CDF (environ 13 millions USD), selon le Plan d’engagement budgétaire du troisième trimestre 2025, un document du ministère du Budget consulté par DeskEco. Cela représente un taux de réalisation de seulement 3,9 %, alors que les investissements liés à la cession des actifs miniers en 2025 devaient atteindre plus de 957 milliards CDF (soit environ 334 millions USD, au taux du collectif budgétaire).
En temps normal, les investissements prévus dans le cadre du contrat chinois auraient dû dépasser 167 millions USD dès le premier semestre de 2025. Cette situation suscite des interrogations quant au respect des engagements par le Groupement des Entreprises Chinoises (GEC) et le gouvernement de la RDC, signataires de l’Avenant 5.
Le même document révèle par ailleurs que les investissements prévus pour le troisième trimestre 2025 s’élèvent à plus de 145 milliards CDF (environ 50 millions USD). Reste à savoir si les fonds manquants seront intégralement débloqués d’ici fin 2025, ou si une correction budgétaire discrète est à prévoir.
Cette dépendance expose également les projets à des risques de financement, car la convention sino-congolaise est soumise à plusieurs contraintes, comme le stipule l’article 1 de l’Avenant 5.
À Kananga et dans les villages environnants, l’espoir persiste. Le gouverneur de la province, Joseph Moïse Kambulu, qui avait vivement critiqué le gouvernement pour sa « négligence » dans l’exécution des projets au Kasaï-Central, insiste sur le respect des délais.
Bruno Nsaka