RDC : Pour l'économiste Maurice Obhiza, l'utilisation de shillings à Aru et Mahagi en Ituri est due au manque de souveraineté économique

Shillings
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PAR Deskeco - 22 avr 2025 09:19, Dans Finances

L'utilisation de la monnaie ougandaise (shillings) sur le territoire congolais, notamment à Aru et Mahagi, deux territoires de la province de l'Ituri, située au nord-est de la République démocratique du Congo, refait surface. Cette devise ougandaise, fortement utilisée dans ce coin du pays, entre en violation de la loi congolaise. 

L'article 1 du décret-loi n°004/2001 du 31 janvier 2001 relatif au régime des opérations en monnaies nationale et étrangère en RDC stipule que "les transactions se déroulant sur le territoire national s'expriment et se dénouent en monnaie nationale. Elles peuvent également s'exprimer et se dénouer en monnaies étrangères, suivant les modalités édictées par la Banque centrale du Congo".

Dans ce contexte, l'économiste Maurice Obhiza, habitant le territoire d'Aru, a expliqué cette situation lors d'un entretien ce mardi 22 avril 2025 avec Deskeco par le manque de souveraineté économique de la République démocratique du Congo, qui n'est pas en mesure de contrôler l'ensemble de son territoire.

"Le problème, c'est le manque de souveraineté économique de notre pays. Et lorsqu'on n'est pas économiquement souverain, on dépend d'autres pays, et on en arrive à utiliser la monnaie de ces pays. Dans le cas d'espèce, nous avons le shilling ougandais qui est utilisé dans une partie de la RDC, précisément à Aru, parce que nous avons une faible économie. D'abord, nous exportons moins et nous importons plus", déclare-t-il.

Quelle solution adopter face à cette situation ? Cet économiste préconise l'implantation de cambistes congolais à la frontière entre l'Ouganda et la RDC, sous la responsabilité du gouvernement. Il doute cependant de la volonté du gouvernement pour la réussite de cette mesure.

"Cette approche est faisable, mais demeure théorique à l'heure actuelle. Sinon, l'État congolais devrait restructurer ou réorganiser l'économie congolaise. Cette approche nécessiterait les moyens de sa politique et s'il n'y en a pas, ces gens qu'on pourrait envoyer à la frontière pourraient être corrompus", indique-t-il.

Par ailleurs, le 17 avril dernier, la Cellule d'analyse des indicateurs de la primature a dénoncé l'utilisation croissante du shilling dans cette partie du pays.

Si l'économiste Maurice Obhiza attribue cette situation au manque de souveraineté économique de la RDC, Jean-Claude Rhushangire, expert en développement au sein de cette structure, soutient pour sa part que cette situation menace la souveraineté nationale incarnée par le franc congolais, monnaie officielle et symbole d'unité et d'identité nationale.

Cette structure révèle cependant que le shilling est utilisé dans les services publics, ce qui entre en violation de la loi congolaise et entrave la stabilité économique nationale. Concrètement, cette utilisation viole l'article 2 du décret-loi relatif au régime des opérations en monnaies nationale et étrangère, stipulant que "les prestations de service sur le territoire national sont évaluées et rémunérées en monnaie nationale. Elles peuvent également être évaluées et rémunérées en monnaies étrangères selon les modalités édictées par la Banque centrale du Congo".

Jean-Claude Rhushangire recommande ainsi au gouvernement de prendre des mesures incitant les services publics à payer leurs agents en francs congolais, et à exiger le paiement des taxes et impôts en monnaie nationale, afin de renforcer l'usage du franc. Si la plupart des opérateurs économiques dans la région semblent attribuer cette situation à leur proximité géographique favorisant des échanges commerciaux, l'économiste Maurice Obhiza pense quant à lui que cette situation s'explique par la dépendance de la région aux importations ougandaises.

Jean-Baptiste Leni

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