Kinshasa: l'ODEP menace de saisir la justice contre Godefroid Mpoyi pour participation "active" à la mauvaise gestion des finances publiques sous Gentiny Ngobila

Godé Mpoy
Godé Mpoy
PAR Deskeco - 14 avr 2025 13:56, Dans Corruption

L'Observatoire de la Dépense publique (ODEP) dénonce la mauvaise gestion des finances publiques de la Ville de Kinshasa durant le mandat de l’ancien gouverneur, Gentiny Ngobila, et met en lumière la participation active de l'ancien président de l’Assemblée provinciale de Kinshasa, M. Godefroid Mpoyi à cette gouvernance défaillante, notamment à travers des transactions financières irrégulières révélées par la Cour des comptes. Cette organisation non-gouvernementale spécialisée dans le contrôle citoyen des finances publiques, la promotion de la transparence et la lutte contre la corruption menace de porter l'affaire en justice afin que la lumière soit faite sur les faits en cause, dans le strict respect des droits de la défense et de l’État de droit.

L'ODEP qui cite le rapport officiel de la Cour des comptes (septembre 2024, page 21), révèle ce qui suit: "les paiements perçus par M. Godefroid Mpoyi à partir des comptes de l’Hôtel de Ville de Kinshasa se présentent comme suit :

 
Première tranche: 175 470 117 CDF, transférés le 18 mars 2022, à titre non justifié, sur le compte personnel de M. Mpoyi;
Deuxième tranche: 40 000 000 CDF, transférés le 28 avril 2023, dans des conditions tout aussi irrégulières. Total des montants perçus: 215 470 117 CDF, en dehors de toute procédure légale.

Ces transferts :

N’ont fait l’objet d’aucune justification administrative (ni délibération, ni arrêté, ni note explicative) ;

Ont été opérés en violation des règles de gestion des finances publiques;

Ont porté atteinte à l’indépendance de l’Assemblée provinciale, qui devait exercer un contrôle sur l’exécutif, mais dont le président recevait en coulisses des virements provenant de ce même exécutif.

Après avoir publié, le 9 avril 2025 ces données issues du rapport d’audit de la Cour des comptes, l’ODEP a été sous les feux des critiques, des insultes et des diffamations de M. Godé Mpoyi.

Dans un communiqué parvenu le jeudi 10 avril 2025 à DESKECO.COM, le Président du Conseil d'Administration de l'ODEP, le professeur Florimond Tshitenge a condamné avec la plus grande fermeté les propos tenus le 10 avril 2025 sur les ondes de la radio Top Congo FM par M.Godefroid Mpoyi.

À cet effet, le PCA de l'ODEP a recommandé à l'ancien président de l'APK de présenter publiquement des excuses à l’endroit de la Cour des comptes et de l’ODEP, pour "les propos offensants, diffamatoires et non fondés tenus sur les ondes de Top Congo".

Au regard de la gravité des faits révélés par la Cour des comptes, des accusations mensongères et diffamatoires tenues publiquement à l’encontre de l’ODEP, ainsi que des propos injurieux à l’endroit des institutions de la République et de la société civile, l’ODEP formule les recommandations suivantes :

1.Que M. Godefroid Mpoyi présente publiquement des excuses à l’endroit de la Cour des comptes et de l’ODEP, pour les propos 
offensants, diffamatoires et non fondés tenus sur les ondes de Top Congo FM ;

2.Que soient publiées, dans les meilleurs délais, les pièces justificatives des paiements perçus par M. Mpoyi entre mars 2022 et avril 2023, depuis les comptes de l’Hôtel de Ville de Kinshasa, 
conformément au principe de redevabilité et de transparence budgétaire;

3.Que le Parquet général près la Cour des comptes soit saisi, à défaut d’éclaircissements satisfaisants, pour l’ouverture d’une enquête 
judiciaire indépendante en vue d’établir les responsabilités 
administratives, financières et pénales liées à ces transactions ;

4.Que cessent immédiatement les attaques verbales, les propos méprisants et les tentatives d’intimidation à l’endroit des institutions de contrôle de l’État et des organisations de la société civile engagées dans la lutte contre la mauvaise gouvernance ;

5.Que les autorités compétentes protègent les mécanismes de 
redevabilité, garantissent la liberté d’information, et fassent respecter les principes constitutionnels de transparence, de contrôle public et de séparation des pouvoirs.

"Si ces recommandations restent sans suite, l’ODEP se réserve le droit de porter le dossier devant les juridictions compétentes, afin que 
la lumière soit faite sur les faits en cause, dans le strict respect des droits de la défense et de l’État de droit", a-t-on lu dans le communiqué.

Appel au ministre de la Justice de diligenter une enquête sur cette affaire

En conséquence, l’ODEP en appelle solennellement au ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Constant Mutamba, afin qu’il diligente sans délai l’enquête nécessaire sur cette affaire, garantisse l’indépendance de la justice et veille à ce que les responsabilités soient établies sans favoritisme ni obstruction. Car, souligne le PCA Florimond Muteba Tshitenge, "la justice ne peut demeurer silencieuse lorsque des preuves existent, l’impunité ne doit plus servir de refuge pour les puissants".

L'ODEP déplore le fait que dans sa déclaration, M. Mpoyi a préféré l’invective à la clarification. Il a notamment affirmé que les contrats publics ne peuvent pas être rendus publics. Pour l'ODEP, cette réaction de M. Mpoyi entre en "contradiction flagrante avec la Constitution". À ce sujet, l'expert Valery Madianga que DESKECO.COM a consulté, estime que "la loi sur les marchés publics en RDC n'impose pas la publication d'un contrat public. Donc il n'y a vraiment pas une contrainte légale".

Quant aux accusations qu'elle qualifie de "diffamatoires" et réfute catégoriquement, l’ODEP rappelle qu’elle œuvre "exclusivement à la transparence, au contrôle". L'ODEP dit qu'elle "ne manipule aucun fonds public, ne signe aucun contrat d’exécution, et n’a fait l’objet d’aucune procédure judiciaire ou administrative 
liée à la gestion de deniers de l’État".

Par ailleurs, l’ODEP rappelle que "le droit à l’information n’est pas une faveur accordée par les autorités, mais un droit fondamental garanti par la Constitution de la RDC. Ce droit est particulièrement pertinent 
dans la gestion des ressources publiques, où la transparence constitue le socle de la bonne gouvernance". À cet effet, le professeur Florimond Tshitenge estime que "les autorités locales, y compris les responsables de la Ville de Kinshasa, ont l’obligation de se conformer aux principes constitutionnels de transparence, de redevabilité et d’accès à l’information".

En conséquence, justifie t-il, l’exigence faite par l’ODEP de rendre publics les contrats conclus entre la Ville de Kinshasa, la société SOGEMA et la société ALBAYRAK–incluant les avenants, annexes, mécanismes de remboursement et garanties –relève pleinement du droit constitutionnel, de la transparence budgétaire et de la responsabilité démocratique. Car, ajoute M. Tshitenge, la population a le droit de savoir comment sont engagée ses ressources. Il ajoute que la transparence est le fondement même de la légitimité des institutions. Propos que soutient également M. Kitoko Loule du Collectif 24, une structure de la société civile:

 "En RDC, le projet de loi sur l'accès à l'information publique n'est pas encore voté. Mais la Constitution de 2006, dans son article 24, garantit la liberté d'expression et l'accès à l'information publique comme un droit de l'Homme garanti par l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'Homme et par d'autres instruments internationaux". 

Au regard de cet arsenal juridique, cet acteur de la société civile affirme: "En RDC, dans le souci de transparence, tout citoyen ou résident peut user de ses droits pour demander une information publique". Évoquant l'article 5 de la Constitution de la RDC, Kitoko Loule affirme: "les détenteurs de l'information (ceux qui nous dirigent ou qui sont dans les services publics) ont l'obligation de mettre à la disposition du peuple qui est le souverain primaire, ces informations pour favoriser la transparence et mettre de côté l'opacité dans la gestion publique et favoriser la lutte contre la corruption, surtout dans le domaine des marchés publics". 

Kitoko Loule nuance tout de même en disant :

 "Mais ce ne sont pas toutes les informations publiques qui peuvent être données aux citoyens. Il y a quand-même certains cas de restriction, notamment les informations sur la vie privée, sur la sécurité nationale,   sur une enquête judiciaire en cours".

Bienvenu Ipan

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