Le ministre de l’Agriculture M’Zinga Birihanze : « Que les Congolais se mettent débout pour cultiver, le gouvernement va les accompagner »

Le ministre de l'Agriculture Désiré M'zinga Birihanze
PAR Deskeco - 06 aoû 2021 09:09, Dans Actualités

Après sa participation au pré-sommet de Rome en Italie sur les systèmes alimentaires dans le monde à la suite des effets de la pandémie de covid-19, le ministre de l’Agriculture, Désiré M’Zinga Birihanze, fait la restitution.  Dans cet entretien, il parle également de la politique qu’il entend mener à la tête du ministère de l’Agriculteur, un des piliers du Programme du gouvernement de l’Union Sacrée de la Nation. Le patron de l’Agriculture en RDC encourage les Congolais à se mettre déjà au travail pour redonner à la culture familiale sa place d’antan. Il promet d’accompagner les projets agricoles des PME.

Propos recueillis par Amédée Mwarabu

Monsieur le ministre de l’Agriculture, vous avez participé du 26 au 29 juillet 2021 à Rome au pré-sommet sur les systèmes alimentaires dans le monde. Peut-on connaitre les motivation de la participation de la RDC à ces assises?

M’Zinga Birihanze : Les motivations c'est qu’en septembre prochain, il y aura un sommet des chefs d'États dans le cadre des Nations-Unies. Les chefs d’Etat vont parler de systèmes alimentaires. Comme les systèmes alimentaires sont une question d'importance capitale, la FAO, le Pam et d'autres partenaires qui financent l'agriculture et l'alimentation dans le monde ont organisé cette réunion, avec les ministres des Etats concernés, pour qu’ils puissent préparer ce pré-sommet pour préparer celui des chefs d'États à New York fin septembre 2021. Donc nous sommes allés. Je n'étais pas seul. Nous étions avec Madame Julie Tshilombo qui est la Coordinatrice adjointe de la Task Force sur l’amélioration des systèmes alimentaires congolais à la présidence de la République. Il y a ceux qui suivaient par visioconférence. Nous, on nous a invités physiquement parce que nous sommes quand même important dans le monde pour l'avenir de l'agriculture et même pour la conservation de la nature. Nous devrions être là parce que c'est notre chef de l'État Monsieur Antoine Félix Tshisekedi Tshilombo qui préside l'Union Africaine. C'est de ces considérations là que nous avons été invités. Nous sommes allés représenter la République.

Quelle a été votre contribution de la RDC à ces assises ?

J'ai rencontré le directeur du PAM, le président de FIDA, qui est une grande institution qui finance notre agriculture. Il y a eu une réception organisée par le directeur général de la FAO. C'est avec ces personnalités que nous avons plus traiter des questions alimentaires. Nous sommes intervenus trois fois. La première fois c'est madame Julie qui est allée témoigner parce qu'on avait besoin de témoignages. Nous avons été retenus pour témoigner. L’essentiel est que nous devrions rencontrer ces civilisations. L'alimentation, c'est toute une culture. C'est dans ce sens-là que nous avons rencontré tout ce monde. Nous avons parlé de la RDC, de ce que nous avons été jusqu'à 1990. En tout cas il n'y avait jamais une question sur l'alimentation. On ne se posait même pas de question de quoi allons-nous vivre demain parce qu'on mangeait bien. Il y avait tout en RDC. C'est après 1990 que les choses se sont empirées. Nous avons évoqué le cas de capitalistes qui viennent avec la démocratie et la perestroïka non maîtrisées par les africains. Il y a eu les capitalistes qui sont venus pour l'exploitation de nos richesses, des mines nous faisant oublier l'agriculture totalement. Et puis, nous sommes entrés dedans. On s'est distrait comme ça et nous avons abandonné l’agriculture. Les routes de dessertes agricoles qui étaient maintenues par des cantonniers n'étaient plus, personne ne devait faire ce travail-là si ce n'était que pour cultiver pour la famille. On était resté avec l'agriculture familiale, pour nourrir la famille. Sinon pour nourrir les autres ce n'était pas ça la question. Et voilà de 1990 à 2020, ça fait 30 ans que nous sommes tombés trop bas. La RDC n'avait pas de problème de production mais seulement la question d'évacuation de ses produits.

Il y avait des mises au point qu'on devait faire avec nos partenaires sur comment relancer des choses et restructurer d'autres. On a essayé de faire la critique de ce qu'ils nous amènent et comment ils nous accompagnent dans leur financement. C'était bien et c'était réceptif et nous pensons qu'il y aura beaucoup de changement. Ça va nous aider à être canalisé. Ça ne sera plus, les financements viennent et vous ne savez pas comment les utiliser.  J'ai repoussé mon séjour d'un jour parce qu'il était quand même important que je rencontre les hommes d'affaires qui sont dans l'agriculture. L'Italie passe pour le plus grand producteur en terme l'agriculture en Europe. Et c’est la troisième puissance économique de l’Europe. Ce n’est pas un pays qu'il faut négliger. J'ai accepté les demandes d'audience des hommes d'affaires intéressés au pays et j'ai même accordé une interview à une grande chaîne de télévision de la place tout ça pour faire la situation de l'agriculture et dire combien nous avons besoin du monde parce que la RDC était capable de nourrir non seulement l'Afrique mais aussi le monde. Si tout le monde mettait sa part, ça pourrait se faire. Nous avons parlé de tous les produits que nous avons au pays. J'ai même été très loin en disant il ne faudra pas qu'on me pose la question quels sont les produits que vous avez en RDC mais plutôt quels sont les produits que vous n'avez pas en RDC. Ça, je risque de dire que je ne vois pas ce que nous n'avons pas en RDC, que ça soit dans l'agriculture ou dans les Mines. Les gens étaient attirés par la RDC. Ils ont manifesté leur désir de venir en RDC. Nous attendons voir la suite mais sinon ça ne va pas traîner.

Le Premier Ministre a promis de faire la revanche du sol sur le sous-sol pour faire de l’agriculture un secteur prioritaire. Comment ça se fait que les premiers résultats se font toujours attendre ?

L'agriculture est un grand pilier du programme du gouvernement des warriors dirigé par son excellence Monsieur Sama Lukonde, chef des warriors comme nous l'appelons. L'agriculture ne se fait pas en un jour. C'est dans quatre cinq six mois. Je dis aux congolais d'être patients. Nous aurons à faire notre évaluation en 6 mois. Mais parce qu'il y a la continuation des actions du gouvernement, le prédécesseur a fait un bon travail. Nous sommes partis de là où il s'est arrêté. Nous avons essayé de donner un peu de souffle afin que la récolte, parce que c'est la période de la récolte, se fasse. Il y a beaucoup de sites où il y a des récoltes qui ont déjà été faites. Il y a d'autres qu'il faut continuer jusqu' au mois de novembre. Il y a Bukanga Lonzo avec le champ de manioc. Il y a Mongata…Il y a tous ces sites-là qui ont produit et que nous avons accompagné la production et maintenant qui sont sur le marché. Il y a le sac de farine de maïs par exemple qui est sur le marché à 35000 francs congolais, Bukanga Lonzo le vend à 22.000 francs congolais et puis il y a 3 sites qui vendent à 25000 francs congolais. C'est pour des raisons du coût de revient mais nous les accompagnons pour qu'ils puissent nous aider à diminuer le coût du maïs et de manioc notamment sur le marché. Si ce projet continue et que ça réussi, ça nous permettra de réduire le montant des importations qui est quand même très élevé 1,5 milliard de dollars sur les produits vivriers. C'est inadmissible pour un grand pays que nous sommes. Avec les potentialités que nous avons, 80 000 hectares de terres arables, même si nous sommes devenus paresseux, moi je crois qu'il y a un sursaut d'orgueil. Nous avons été grand producteur en beaucoup de choses : l’hévéa, la papaye, la caféine, le thé, caoutchouc. Toutes ces choses nous ont valorisé dans le monde. Mais maintenant nous sommes retombés vers le bas et on parle de la famine en RDC. Ce sont des choses qui doivent nous révolter. Nous pousser à se mettre debout et à travailler. L'agriculture familiale nous a nourris et élevés. Ça peut se faire dans chaque parcelle, avec deux plantes bandes vous avez la tomate, la ciboulette, les aubergines. Donc, il faut que les gens se mettent débout et qu'ils n'attendent pas seulement le gouvernement. Le gouvernement fera sa part, donc accompagner administrativement, techniquement, et financièrement même dans la mesure du possible les petits agriculteurs. Ça nous le ferons.

Mais les Congolais ne vous voient pas sur le terrain. Quelles sont les actions que vous avez déjà posées ?

Si les gens ne voient pas nos actions, je ne serai pas étonné. C’est vrai parce que je dis encore une fois que le gouvernement passé avait fait les actions. C'est en ce moment-ci que nous sommes en train de récolter. Ici à Kinshasa à la 7ème rue, vous trouverez les magasins de vente de produits du ministère de l'agriculture. Là, il y a le maïs, le riz, le manioc. C'est peut-être comme une goutte d'eau dans l'océan. On a eu beaucoup de produits dans ce pays. On est tombé trop bas on l'a dit. Mais maintenant ce que nous faisons c'est pour faire le pas. Peut-être on va le ressentir après une année mais au moins on aura plus 27 millions de personnes dans la famine. Nous on se dit qu'il faudra quand même qu'on commence à manger. Donc si nous pouvons commencer à y aller je crois que ça peut nous aider. J'étais à Kisangani où j'ai vu des champs de riz, de cacao, de banane plantain qui ne coûte presque rien dans la brousse. Je donne un exemple, un régime de banane plantain de 1 mètre de longueur à Kinshasa ça s’achèterait à 55 000 Francs congolais, mais dans la brousse à Kisangani ça coûte 500 Francs. Pourquoi ? Il y a le problème des routes de desserte agricole.  Même déjà à Kisangani, pour aller vers 40 km dans la brousse c'est compliqué. C'est un problème de réorganisation, de remise en état de routes de dessertes agricoles. Déjà ici au ministère nous avons créé une cellule qui étudie comment aider les petits agriculteurs à amener leurs produits vers le centre ou vers les grandes agglomérations. Si on le fait ils pourront être encouragés et faire plus de ce qu'ils font petit à petit avec l'intervention de l'État. Je crois que ça pourra décanter la situation et puis les choses changent. La RDC ne manque pas vraiment de produits agricoles. Nous sommes contents que le chef du gouvernement ait parlé de la revanche du sol sur le sous-sol. Je crois que d'ici l'année prochaine on saura palper cela. Sinon, il y a ceux qui voient et nous encouragent. Le pays n'a pas de moyens mais il faut qu'on se mette débout, que chacun commence à faire sa part. Et vous verrez comment ça va aller facilement. L'Italie, après la deuxième guerre mondiale, s'est ressaisit comme ça. Il n'y avait pas toute cette mécanisation qu’il y a aujourd’hui. Ils se sont mis ensemble, les petits producteurs en coopérative, en ONG. Et ce eux qui ont développé l'Italie. L'économie de l'Italie repose sur les familles parce qu'ils sont issus de ça. Les familles qui étaient plus organisées, ce sont elles qui gèrent et ont l'économie de l'Italie.

Qu’en est-il de la collaboration de votre ministère avec ceux du Développement rural et de la Pêche et Elevage?

Les ministères de l'Agriculture, de Pêche et Elevage et celui du Développement rural, nous trois, nous sommes ensemble. Je suis fier d'être dans ce gouvernement, partout où vous passez on vous dit courage. La question qui se pose c'est le budget. Nous avons trouvé un budget. Nous allons faire notre budget à nous de 2022. L'accord de Maputo demandait que par exemple l'agriculture ait au minimum 10% du budget. C'est vrai que nous ne sommes pas trop gourmands. Le pays a beaucoup de défis : les ADF à l'Est, la question covid. Tout ça, ça fera peut-être qu'on puisse remonter et ça pourra aider pour que l'année qui vient soit une année rose pour le peuple congolais et toute la République.

Qu’est-ce que les Congolais peuvent attendre du ministre de l’agriculture d’ici à la fin de cette année 2021 ?

Que les congolais n'attendent pas, qu'ils se mettent débout pour cultiver. Nous visitons des familles qui ont des plates-bandes dans leurs parcelles. Nous encourageons ceux qui en ont et ceux n'en ont pas nous disons même dans les boîtes de conserve, dans les boîtes de lait vide, on peut y mettre de la terre, on peut y planter des tomates pour nourrir toute la famille pendant un mois. Donc, commencez par ça et nous nous viendrons pour vous accompagner pour ceux qui ont des petits champs, des petits agriculteurs. Ceux qui sont dans la micro industrie qu'ils se mettent débout et qu'ils commencent. Notre politique c'est d'accompagner techniquement, administrativement et financièrement. Les moyens on peut les avoir mais on ne peut pas donner les moyens à quelqu'un qui n'a rien. Il faut commencer quelque part et demander à ce que l'Etat vous vienne en aide. Nous sommes ouverts. Nous appelons tous ces petits agriculteurs à se constituer en coopérative, en ONG et d'être en contact avec nous. Le peu qu'on a dans le budget, on leur donnera dans toute la transparence pour que les gens mangent et que nous tous nous ayons la bonne santé et que même nos enfants aient de l'intelligence. Parce-que quand on nait et on ne mange pas bien, on croit difficilement et même le cerveau ne peut pas avoir la dimension qu'il faut pour bien gérer son intelligence. Donc que les congolais se mettent debout, que ceux qui veulent travailler avec nous qu'ils viennent nous allons les accompagner et nous aurons aussi notre part.  Ce que le congolais peut attendre de nous c'est la vulgarisation. Nous allons commencer à vulgariser le système alimentaire. On ne peut pas seulement manger beaucoup mais manger consistant, ça nous pouvons le faire. Vous verrez de congolais qui vous prennent plusieurs boulles de « fufu » avec un morceau de poisson salé. Ça ne fait rien au corps. Et pourtant on peut prendre même la bouillie de maïs ou on fait le pain de manioc. C'est question de recette, savoir qu'est-ce qui peut donner la consistance au corps. Nous irons vers eux, nous allons faire la vulgarisation.

Où en est-on avec le projet des zones agro-industrielles à travers les provinces ?

L'Etat congolais n'a pas d'argent pour faire l’agro-industrie. C'est pour ça que nous disons, comme les autres qui se sont développés, nous allons donner les moyens qu'il y a aux petits agriculteurs, aux ONG et aux coopératives. Ils feront le travail comme il se doit. Nous allons essayer d'ouvrir des voies de dessertes agricoles mais comme nous n'allons pas produire pour nous-mêmes, Dieu nous a bénis et a béni notre sol aussi pour nourrir les autres, nous allons essayer de prendre contact. Nous avons déjà pris de contacts. Il y a beaucoup de promesses des gens qui veulent venir investir au Congo. Ils viendront s’implanter dans les zones agro-industrielles. C'est comme ça que l'État congolais a accepté de faire des exonérations. Quand on importe les semences, les intrants agricoles, tout ce qu'il y a comme matériels agricoles, on bénéficie des exonérations. Donc, ils n'ont pas raison de ne pas venir. Il y a aussi des anciennes entreprises agricoles qui existaient qui sont à l’abandon.  Il y a même des programmes, des projets qui existaient de l'État qui était abandonnés. Je donne l'exemple de la sucrerie de Lutokila, projet abandonné. Je suis passé à Yangambi il y a quelques jours sur le fleuve Congo. J'ai vu Lutokila abandonné, pillé avec 6000 hectares de canne à sucre. Nous disons que ces gens viennent, ceux qui ont des moyens. On va voir qu'est-ce vous avez comme projet, on évalue, qu'est-ce vous amener comme capitaux frais. Vous aurez 40% et nous 60% ou vice versa. C'est une question de relancer tout ce que nous avions. Nous avions des concessions de café, d'hévéa dans l'Equateur, au Kongo Central avec Agrifort. Tout ça nous avons dit il faut vite les relancer. Il y a aussi les pillages de 1991 et 1993 qui avaient détruit totalement le pays. Ce n'est pas seulement des capitalistes, il ne faut pas être rigoureux. Nous devons assumer. C'est comme ça que nous disons, nous allons implanter les zones agro-industrielles dans les provinces, ça va nous donner une valeur ajoutée.

Ministre de l'Agriculture et le Directeur exécutif du Pam

Monsieur le Ministre de l’Agriculture Désiré M’ZINGA BIRIHANZE, Madame Julie TSHILOMBO, Coordonnatrice Adjointe à la Coordination des Ressources Extérieures et du Suivi des Projets (CRESP/Présidence), Monsieur David Beasly, Directeur Exécutif du PAM et l’Ambassadeur de la RDC en Italie, lors du pré sommet sur les systèmes alimentaires à Rome.

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