La Coalition des Organisations de la Société Civile pour le Suivi des Réformes et de l'Action Publique (CORAP), le Cadre d'Acteurs et d'Actions pour le Développement Durable (CAADD) et l'Initiative pour le Développement Local (IDEL) tirent la sonnette d'alarme sur la situation préoccupante des communautés locales de Kinkazi, dans le territoire de Muanda, dans la province du Kongo-Central.
Dans un communiqué de presse, les trois organisations s'appuient sur un rapport publié jeudi 7 août 2025, intitulé « Kinkazi, village sacrifié : impacts sociaux et environnementaux de l'exploitation pétrolière à Muanda ». Elles y dénoncent les effets négatifs de l'exploitation opérée par Perenco-RDC. Le document est le fruit de plusieurs descentes sur le terrain et recueille les témoignages des habitants.
Les communautés de Kinkazi dénoncent un manque criant d'accès à l'eau potable, à des soins de santé adéquats, à des écoles de qualité et à des routes praticables. Elles font également état d'une absence de politique d'emploi pour les jeunes, d'une économie locale fragilisée par une pêche artisanale menacée, et de restrictions sur leurs libertés fondamentales, notamment le droit de manifester ou d'accéder aux terres et aux ressources naturelles.
« Nous avons du pétrole, mais nous vivons dans la misère », témoigne un habitant. « Nous dénonçons un modèle extractiviste qui, loin de profiter aux communautés, les marginalise et accentue leur vulnérabilité. Les populations de Kinkazi ont été dépossédées de leurs ressources sans en tirer aucun bénéfice », a dénoncé Emmanuel Musuyu, secrétaire exécutif de la CORAP.
Ces structures de la société civile expriment par ailleurs des inquiétudes concernant les nouveaux projets d'exploration de 52 blocs pétroliers que le gouvernement congolais prévoit de relancer dans la cuvette centrale, après un processus d'appels d'offres jugé bâclé en 2022 pour 27 blocs pétroliers et 3 blocs gaziers.
Elles craignent que ces nouveaux projets n'aggravent les risques pour les populations, le climat et la biodiversité. Par conséquent, elles appellent le gouvernement à :
- Annuler tout nouveau projet d'hydrocarbures, y compris celui des 52 blocs pétroliers
- Inclure les communautés de Kinkazi dans le processus d'audit en cours à Muanda
- Mener préalablement des études d'impact environnemental et social de manière participative
Selon elles, seule une approche respectueuse des droits humains et de l'environnement pourra mettre fin à la spirale de précarité et d'injustice vécue par les habitants de Kinkazi.
Concernant le projet des 52 blocs pétroliers, la plateforme des organisations de la société civile « Le Congo n'est pas à vendre » (CNPAV) avait également exprimé ses craintes dans un communiqué le 22 mai 2025. Pour l'organisation, l'ouverture de ce projet était « précipitée » et pouvait se heurter à d'importants risques financiers et environnementaux, en raison de l'absence de garanties en matière de transparence, de viabilité économique et de protection de l'environnement.
Face à la transition énergétique mondiale, où la demande en pétrole risque de diminuer dans les années à venir, le CNPAV estimait que ce nouveau projet pourrait s'avérer non rentable pour le Trésor public congolais.
« Dans le contexte de transition énergétique mondiale, la demande en pétrole est appelée à baisser dans les 5 à 10 prochaines années pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050, ce qui présente un risque que ces projets deviennent non rentables avant même leur mise en production », avait rappelé la structure.
Jean-Baptiste Leni