RDC: des craintes des utilisateurs des téléphones risquent de compromettre la mise en oeuvre du Registre des appareils mobiles

téléphone en main
PAR Deskeco - 29 aoû 2020 13:25, Dans Actualités

Le ministère des Postes, Télécommunications et nouvelles technologies de l’information et de la communication (PT&NTIC) compte lancer dès ce 24 septembre la mise en place du Registre des Appareils Mobiles (RAM) pour la certification des téléphones. Ce projet est assorti d’une redevance annuelle de 1 ou 7 USD que chaque utilisateur des services de la téléphonie cellulaire devra payer en RDC.

Ce projet est sous le feu des critiques acerbes aussi bien des utilisateurs que sont les Congolais que des associations de défense des droits de Consommateurs et même des opérateurs économiques. Cependant, son initiateur, le ministre des PT&NTIC, Augustin Kibassa Maliba, reste déterminé à le mettre en place en RDC coûte que coûte, convaincu qu’il va lutter contre la contrefaçon ou même améliorer la qualité des services.

Cependant, à analyser de près ce système dit RAM, il fait l’objet de 5 craintes majeures qui sont :

  1. Opacité dans la mise en place du projet RAM. A quelques semaines du lancement du projet, l’opinion ne connait pas les tenants et les aboutissants du projet de Registre des appareils mobiles. Tout se fait dans l’opacité totale.  Combien exactement va rapporter cette redevance au Trésor ? Combien va gagner l’ARPTC qui la gère ? Combien va revenir à l’opérateur désigné pour sa gestion ? Le ministère des PT&NTIC n’a pas communiqué sur toutes ces questions. Ce manque de transparence fait douter de la pertinence du projet.
  2. Une démarche unilatérale. Le ministère des PT&NTIC est tout seul dans ce projet. Il n’a pas mené une démarche inclusive avec toutes les parties prenantes du secteur de la téléphonie cellulaire. Au point que les opérateurs du secteur de la téléphonie cellulaire sont totalement mis de côté. Pourtant, l’ARPTC devra absolument se référer à eux pour avoir les données nécessaires sur les types d’appareils utilisés par les abonnés. De même, le ministère des PT&NTIC cherche a ignoré l’expertise de la GSMA dans la certification des téléphones mobiles. La GSM est une institution de renommée mondiale avec une expertise la plus pointue dans le secteur des télécoms. Cette association regroupe à la fois les fabricants des téléphones et les opérateurs de téléphonie cellulaire du monde. Comment le ministère des PT&NTIC peut ignorer tous les meilleurs pratiques en ce qui concerne la certification des IMEI que la GSMA propose et qui se fait de par le monde ?
  3. Alourdissement du coût de l’utilisation du téléphone. En taxant chaque téléphone entre 1 et 7$, ipso facto, le coût de l’utilisation du téléphone va augmenter chaque année pour les utilisateurs. Ce qui va à l’encontre de la politique du gouvernement de promouvoir l’inclusion numérique. Notons que le taux de pénétration de la téléphonie cellulaire est encore à 43% en RDC. Cette taxe va plutôt bloquer le développement de la téléphonie mobile en RDC. Dans une étude publiée en 2018, la GSMA a clairement démontré, chiffre à l’appui, que la baisse des taxes sur le secteur des télécommunications en RDC sera profitable pour l’Etat congolais.
  4. La déconnexion de plus de 5 millions d’utilisateurs des téléphones contrefaits. Selon la GSMA, il y aurait entre 10 et 15% des téléphones contrefaits en République démocratique du Congo. Et donc, en considérant qu’il y a 38 millions d’abonnés à la téléphonie mobile en RDC, selon les chiffres du 1er trimestre 2020 de l’ARPTC, on peut considérer qu’il y aura entre 3,8 millions et 5,7 millions d’abonnés qui pourraient être déconnectés. Et donc, plus de 5 millions de Congolais seront privés de service téléphonie puisque le système prévoit la déconnexion des téléphones contrefaits après une période donnée.
  5. Enregistrement des téléphones ou espionnage ? Rien ne garantit à ce jour qu’à travers ce système d’enregistrement des IMEI, il n’y aura pas des dérives du genre espionnage par la mise à l’écoute ou encore filature. Dans une jeune démocratie comme la RDC, les acteurs politiques pourraient se méfier d’un tel système surtout que le ministère des PT&NTIC ne fait pas un effort de transparence sur tous les contours d’un projet dont les parties prenantes s’en méfient.

Au regard des protestations à la fois des utilisateurs des téléphones et de l’Union pour la défense des droits des consommateurs Congolais, vu le scepticisme des opérateurs de télécoms quant à l’opportunité d’un tel projet alors qu’il y a plusieurs priorités dans le secteur, il est à craindre que ce projet fasse flop, comme ça a été le cas avec celui entre l’ARPTC et AGI sur la gestion des flux téléphoniques que le président de la République, Félix Tshisekedi, a fini par demander son abrogation.

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Amédée Mwarabu

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