Dans un communiqué conjoint publié le mercredi 17 décembre 2025, le Congo n'est pas à vendre (CNPAV) et la Coalition africaine sur les minerais verts (CAMV) expriment leurs préoccupations par « le contexte d’asymétrie de pouvoir entre les États-Unis et la RDC, l’opacité et l’absence de consultation des parties prenantes lors du processus de négociation de l'accord de partenariat stratégique signé le 4 décembre 2025 à Washington entre les États-Unis d’Amérique et la République démocratique du Congo ».
Les deux organisations de la société civile se disent aussi préoccupées par « la garantie d’un régime préférentiel et des avantages fiscaux en faveur des sociétés américaines ainsi que la position dominante de ces sociétés américaines dans la composition du capital social et le fonctionnement des projets d'infrastructures stratégiques ».
De plus, les deux coalitions s’interrogent sur « l’opportunité et le bien-fondé des réformes légales programmées, l’éventualité d’une révision de la Constitution de la RDC ainsi que la complexité du statut, des critères de financement et d’admissibilité des projets stratégiques de développement à long terme de la RDC ».
Par rapport à la première préoccupation sur l'asymétrie de pouvoir entre les États-Unis et la RDC dans la négociation de l’accord, les deux organisations estiment que l’accord a été négocié à la suite de la main tendue de la RDC dans un contexte sécuritaire défavorable, ayant placé la RDC en position de faiblesse vis-à-vis des États-Unis. Ce contexte, résumé par le président Donald Trump dans l’une de ses récentes déclarations publiques, aurait sûrement pesé sur les négociations et le contenu de l’accord et donné lieu à certaines clauses déséquilibrées qui constituent les préoccupations du CNPAV et de la CAMV telles qu’elles sont décrites dans cette déclaration.
Respect de la Constitution de la RDC, transparence et redevabilité
Quant à la deuxième préoccupation, axée sur l'opacité et l'absence de consultations des parties prenantes, y compris le parlement congolais, dans le processus de négociation et de ratification de l’accord, le CNPAV et la CAMV demandent ce qui suit au gouvernement congolais pour garantir le respect de la Constitution de la RDC, la transparence et la redevabilité :
« solliciter et obtenir du parlement congolais l’autorisation de ratification de cet Accord ainsi que du Cadre d’intégration économique régionale (CIER) signé avec le Rwanda, en tenant impérativement compte des observations formulées dans la présente déclaration ».
Les deux coalitions appellent également le gouvernement américain à « plus de transparence dans l’exécution de l’accord, y compris lors des négociations, de la signature et de l’exécution des projets et annexes y afférents ». Elles recommandent « l’intégration du ministère des Mines de la RDC dans le Comité conjoint de suivi de l’accord ».
Dans le même sens, le CNPAV et la CAMV encouragent le gouvernement congolais à « mettre en place des mécanismes de transparence, d'information du public et de participation citoyenne dans le processus de mise en œuvre de l’accord, en envisageant l’option de la participation des organisations de la société civile en qualité d’observateurs au sein du Comité de pilotage conjoint de l’accord prévu à l’article V dudit accord ».
Abrogation de la Loi portant régime fiscal, douanier, parafiscal, des recettes non fiscales et de change
Pour ce qui est de la troisième préoccupation, la clarification de la contrepartie de la RDC face au régime préférentiel et aux exonérations fiscales accordées aux investisseurs américains et des réformes légales programmées, y compris l’éventualité de la révision constitutionnelle, les deux coalitions réitèrent plutôt leur demande « d’abrogation de la Loi n° 13/005 du 11 février 2014 portant régime fiscal, douanier, parafiscal, des recettes non fiscales et de change applicable aux conventions de collaboration et aux projets de coopération, qui contrevient à l’esprit du régime juridique du code minier de la RDC ».
De plus, les deux coalitions constatent que les investisseurs américains bénéficient d’un double régime d’avantages sans que la contrepartie de la RDC en soit clairement définie. Selon les clauses de l’article XII et de l’Annexe 1 de l’accord, les investisseurs américains auront, d’une part, soit des participations majoritaires dans les projets d'infrastructures stratégiques, soit exerceront un contrôle effectif sur la gouvernance des projets, soit auront la majorité des sièges au conseil d'administration ou un droit de veto sur les décisions stratégiques. D’autre part, les mêmes investisseurs bénéficieront des avantages fiscaux dans la réalisation desdits projets. Ce cumul d’avantages constitue une forme de double paiement pour la RDC.
Éviter toute captation par l’élite congolaise et tout endettement pour la RDC
Concernant la quatrième préoccupation sur la clarification du statut, des critères d’admissibilité et des modalités de financement des projets stratégiques pour le développement à long terme de la RDC, les deux structures recommandent ce qui suit en vue d’éviter toute captation par l’élite congolaise et tout endettement pour la RDC :
« la transparence des informations concernant les sources de financement de ces projets, les transactions et les propriétaires effectifs des entreprises impliquées. S’il s’agit de projets à financer par des prêts, les détails sur le taux d’intérêt et les institutions prêteuses doivent être rendus publics ».
Les deux coalitions appellent ainsi les gouvernements américain et congolais à « réexaminer les préoccupations soulevées dans cette déclaration afin de garantir un partenariat gagnant-gagnant et respectueux des lois et de la Constitution de la RDC ».
Les deux coalitions restent disponibles pour engager un dialogue constructif afin d’apporter toute clarification nécessaire sur les préoccupations exprimées et de contribuer à leur résolution avant la mise en œuvre de l’accord.
Bienvenu Ipan