Le président, l'opposant camerounais et la préférence nationale (Tribune de Belhar Mbuyi)

Félix Tshisekedi et Akere
PAR Deskeco - 22 avr 2020 18:11, Dans Actualités

Tous les fauves sont sortis de leur tanière pour crier, violemment, haro sur le baudet à l’annonce, par la presse, de l’affectation de l’avocat et opposant camerounais Akéré Muna auprès du président de la République en tant qu’expert chargé des questions relatives à la lutte contre la corruption. Même des personnes jusque-là supposées être des esprits suffisamment à niveau ont tempêté dans tous les sens, se faisant du coup les avocats du principe de la «préférence nationale» : la RDC disposant de nombreux juristes, pourquoi aller en chercher à Yaoundé ou Douala ? Ce serait même – carrément – un manque d’amour pour son pays !

Voyons donc: la préférence nationale est une expression française, forgée en 1985 par des cadres du Front national (le parti raciste d’extrême-droite). Elle exprime la volonté politique de réserver des avantages – généralement financiers – ainsi que la priorité à l'emploi aux détenteurs de la nationalité française. Tous les Africains vivant en France redoutent plus que tout l’arrivée au pouvoir du Front national – même mué en Rassemblement nationale – dans l’Hexagone à cause, notamment, à ce genre de discours qu’il développe.Il est donc surprenant de voir les mêmes souhaiter l’application dans leur propre pays des principes qu’ils rejettent contre eux sous d’autres cieux. 

La construction de l’unité de notre belle Afrique ne saurait s’accommoder avec ce genre de discours. Tout près de nous, chez un voisin salué par le monde entier pour sa gouvernance éclairée, le président Paul Kagamé n’hésite nullement à recourir aux intelligences africaines pour prêter main forte à son pays, le Rwanda.

Ainsi donc, de 2013 à 2017, c’est un frère africain, l’ancien ministre des Finances de l’Ile Maurice, Rama Sithanen, qui a présidé le Rwanda Developpment Board, organisme chargé de la promotion de l’investissement, des exportations et des biens et services ; de la réflexion stratégique sur le développement économique et de l’enregistrement, la régulation et la supervision des entreprises en vue de faire du pays des mille collines ce qu’il est en train de devenir : un hub florissant reliant l’Afrique de l’Est, l’Afrique centrale et l’Afrique australe.

Cela ne voulait pas dire que le Rwanda manquait d’économistes, lui qui a offert un de ses fils, le Dr Donald Kaberuka, comme président de la Banque africaine de développement ; et une de ses filles, Valentine Rugwabiza, épouse Sendanyoye –née et formée RDC, à l’Université de Kinshasa, comme directrice générale adjointe de l’Organisation mondiale du commerce.   De même, pour sa politique du tout numérique, le président Kagame s’est adjoint les services d’un conseiller spécial en la personne du Dr Hamadoun Touré, de nationalité malienne, ancien Directeur générale de l’Union internationale des télécommunications. Cela ne veut pas dire non plus que le Rwanda manque d’ingénieurs.

Au Togo, le président Faure Gnassingbé a nommé à la tête de l’Office togolais des recettes (l’équivalent de la DGI + DGDA+DGRAD) un citoyen rwandais, Henry Gaperi, de 2014 à 2017. Lorsque notre Willie Vangu Mboyo di Tamba, ancien chef de l’UDPS en Afrique du Sud, est promu directeur de la médecine nucléaire au pays de Mandela, qui pense sérieusement que l’Afrique du Sud, qui possède – et de loin – les meilleures universités d’Afrique, manque de médecins spécialistes de ce domaine ? 

Les présidents Ali Bongo Ondimba (Gabon) et Téodoro Obiang Nguema (Guinée équatoriale) ont recouru à l’expertise du sénégalais Victor Ndiaye pour élaborer leurs plans respectifs visant l’émergence. Est-ce à dire que ces deux pays manquent d’économistes ? Que non. C’est cela le genre d’échange que nous voulons sur cette d’Afrique. 

Cela étant, Me. Akéré Muna est sous contrat PNUD, parce que c’est un spécialiste reconnu des questions de lutte contre la corruption : directeur pour le Cameroun de Transperency International, la plus grande organisation non gouvernementale internationale ayant pour principale vocation la lutte contre la corruption des gouvernements et institutions gouvernementales du monde, avant d’être promu numéro deux au niveau mondial de la même organisation.

C’est donc le PNUD qui l’a affecté auprès du gouvernement congolais. Et à supposer même que c’est le président Fatshi qui l’avait sollicité, le problème serait où ?

Belhar Mbuyi (Journaliste)

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