« Aucun de nos voisins n’a les moyens financiers pour assurer l’annexion ou la balkanisation de la RDC », Jo Sekimonyo

professeur
PAR Deskeco - 20 jan 2020 11:48, Dans Actualités

Le professeur Jo Sekimonyo soutient mordicus que l’annexion, appelée abusivement balkanisation, d'une partie de la République démocratique du Congo est un luxe pour tous les neuf voisins du grand Congo. Dans cet entretien qu’il a accordé à DESKECO, ce professeur d’économie est d’avis que même le pays le plus puissant et le plus riche de la région, l’Angola, ne pourrait se permettre de prendre une partie de la RDC et assurer, dans le long terme, les charges relatives à une annexion. Et donc pour lui, un pays comme le Rwanda ne peut, économiquement et socialement, prétendre  prendre en charge un projet d’annexer une partie de la RDC.

D’entrée de jeu, Jo Sekimonyo a voulu levé l’équivoque sur le terme Balkanisation qui. « On doit redéfinir la balkanisation. Quand les politiciens Congolais parlent de balkanisation, ils font souvent référence à l’annexion d’une partie de la RDC par un pays voisin. Ici, on a une paranoïa qu’un pays va annexer et contrôler une partie  de la République démocratique du Congo. Certes, le terme balkanisation est tellement est séduisant et efficace sur le plan politique. Sur le plan politique, parler de la balkanisation c’est une bonne arme qui use du populisme et suscite des émotions. Mais, il est dangereux aux plans social et économique », a-t-il dit.

Pour autant, il ne pense pas qu’il y ait un seul pays frontalier de la RDC qui ait les moyens financiers nécessaires pour prendre en charge l’annexion d’une partie de ce pays.

« Sur le plan socio-économique, c’est impossible à n’importe quel pays frontalier de la RDC d’annexer une partie du Congo parce que ça coûterait cher. Je ne vois pas la République centrafricaine annexer même un km² de la RDC. Je ne vois pas le Sud-Soudan annexer une partie de la RDC alors qu’il a des problèmes graves dans son pays. Et Quand on parle du Rwanda, il pouvait oser le faire lors de l’occupation d’une partie du pays par le RCD en 1998. Le Rwanda ne l’a pas fait parce qu’il n’a pas les moyens économiques pour maintenir une annexion. Ça prend l’argent et le temps. Le plus riche de nos voisins, l’Angola, ne pourra se permettre d’annexer une partie de la RDC parce faute de budget. Pourquoi l’Angola dépenserait tout son budget pour annexer Matadi ou Boma », explique le professeur Jo Sekimonyo.

Pour lui, annexer un pays se fait certes par les armes mais le plus dur est de prendre en charge les besoins des populations habitant la partie qu’on veut contrôler.

« Annexer Goma et Rutshuru va coûter pas moins de 50 milliards de dollars américains.  Juste le Sud-Kivu, c’est au moins 4,5 millions d’habitants. Et si on annexe le Kivu, il faudra dépenser au moins 10 000 USD par habitant en 2 ans. Et quand on multiplie par le nombre d’habitants. Le Rwanda n’a pas 450 milliards USD à dépenser, en juste  deux ans, pour assurer l’annexion du Sud-Kivu. Certes l’annexion exige d’attaquer avec les armes pour obtenir un territoire. Mais, le reste de temps, il faut dépenser de l’argent pour les besoins de ces habitants et les infrastructures afin de les séduire ceux qui vont appartenir à la nouvelle entité. On a vu la Russie avec la Crimée. En reprenant la Crimée, la Russie a dépensé des milliards de dollars américains. Encore que ce n’est pas le même cas avec la RDC qui ne doit pas de partie de territoire à un pays voisin ».

Cependant, ce Congolais vivant aux USA estime que la polémique sur la balkanisation fait perdre du temps à la RDC qui a des problèmes plus sérieux à résoudre.

Le plus grand danger de ce débat, pense-t-il, est que cette polémique nous fait perdre du temps de s’attaquer aux vraies questions : l’emploi, le chômage et les jeunes.  « Le pays continue encore à produire des Kuluna qui se transforment en milice et créent de l’insécurité sur des paisibles citoyens. On peut parler de la retraite. Dans l’administration publique, combien de fonctionnaires ne peuvent pas se payer le luxe d’aller à la retraite malgré leur âge avancé, faute de moyen ».

Par ailleurs, il soutient qu’il y a plus besoin d’une bonne coopération entre la RDC et chacun de ses neuf voisins en vue de développer des affaires de part et d’autres.

« Je crois pour ma part que tous nos voisins veulent plutôt une coopération bilatérale, des échanges économiques. Malheureusement, certains de nos voisins pour des raisons de politique économique, ils veulent une forte croissance économique dans leur pays en profitant du désordre en RDC. Mais, on ne doit pas condamner les voisins. Il faut qu’on se regarde en face. Est-ce que savons-nous ce que nous voulons faire, sur le plan économique et social, de la RDC ? Jusque-là on n’a jamais eu ce débat de façon lucide. Sans qu’on ait ce débat, on n’aura pas de solution à nos problèmes de développement. On ne peut pas continuer avec l’approche léguée par le mobutisme de « commandement et exécution ». On doit commencer à présenter, débattre, analyser les solutions, appliquer le programme et enfin évaluer les résultats », a-t-il proposé.

Amédée Mwarabu

 

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