RDC-FMI :Retour sur les raisons de la suspension de la coopération

PAR Deskeco - 03 mai 2019 11:09, Dans Actualités

L'institution financière internationale avait mis un terme anticipé au plan de 560 millions de dollars conclu en 2009, suite au manque de transparence dans l'accord par lequel la Gécamines, l'entreprise publique congolaise, a cédé ses parts d'une société minière à Straker International, un groupe américain basé aux îles Vierges.

DESKECO.COM présente, à travers cette analyse, la chronologie des faits ayant poussé

le FMI à suspendre cette coopération pourtant salutaire pour l’amélioration de la gouvernance des finances en RDC.

L’absence de traçabilité des recettes minières

Dans le cadre de cette coopération, pour le FMI, la conditionnalité de la transparence dans les industries minières devrait être respectée. En 2011, la Gécamines est transformée en société commerciale avec à l’appui de la Banque Mondiale, afin d’augmenter sa transparence, l’efficience, la rentabilité et la redevabilité.

Grâce à la Revisitation du code minier, la Gécamines jouit alors de pas de porte et des royalties. Entre 2010 et 2011, l’entreprise décida de vendre certains actifs.  Par manque de transparence dans la chaîne de valeur, elle est vivement critiquée par plusieurs ONG. Mais l’opération lui permet d’engranger des centaines de millions de dollars, non ventilés au trésor public. Pourtant, la RDC a adhéré à l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE), par laquelle l’Etat s’engageait à publier des informations sur les recettes de ses entreprises étatiques.

En 2009, la première moitié du pas de porte de la Sicomines est encaissée pour une valeur de 175 millions de dollars. En 2010, l’entreprise perçoit la prime des Rejets de Kolwezi ainsi qu’une série de pas de porte renégociés, pour un total s’élevant à 120 millions de dollars. En 2011, la Gécamines vend les projets Mutanda et Kansuki pour au moins 189 millions de dollars. En 2012, la seconde moitié de la prime de signature est payée par les chinois à hauteur de 175 millions de dollars. La Gécamines perçoit également 92 millions de dollars américains à la suite de ces procès contre FGH, puis reçoit une importante prime de 55 millions de dollars américains du MinMetal Group pour qu’elle n’exerce pas son droit de préemption.

Selon un rapport de l’ITIE, sur les $1,5 milliards de recettes que la Gécamines a collectées de ses partenariats entre 2009 et 2014, moins de 5% ont été transférés au Trésor Public au titre de taxes et dividendes.

Inquiétude des partenaires

Les institutions financières internationales comme le FMI et la Banque Mondiale ne parvenaient plus à cerner ces flux de revenus provenant de la Gécamines comme de la Sicomines. Inquiet d’une dette excessive, le FMI décide de demander régulièrement des mises à jour sur les prêts reçus par la Sicomines dans le cadre de ses projets d’infrastructures. Cependant, les différents documents reçus par le FMI au fil du temps sont contradictoires d’une édition à une autre. Par exemple, selon un dossier fourni par le BCPSC au FMI en 2014, la Sicomines a dépensé 98 millions de dollars en infrastructures en 2009, et 257 millions de dollars en 2010.

Dans un autre dossier respectant exactement le même format et obtenu du BCPSC en 2016, la Sicomines a dépensé 226 millions de dollars en infrastructures en 2009, et 127 millions en 2010. Les chiffres du BCPSC vont également à l’encontre de ceux publiés par la Sicomines sous l’ITIE. Ce qui avait rendu d’autant plus délicate l’évaluation du niveau d’endettement et la traçabilité des dépenses. Selon l’ITIE, la banque chinoise Exim Bank a prêté à la Sicomines une somme estimée à 1,163 milliard de dollars pour des projets d’infrastructures en 2008 et 2014, sur lesquels 1,04 milliard de dollars ont été dépensés. Toutefois, selon les données transmises au FMI par le BCPSC, moins de 500 millions de dollars ont été dépensés dans des infrastructures., lit-on du rapport d’enquête du Carter Center.

La goutte d’eau qui fait déborder le vase

Un premier affrontement majeur entre les autorités congolaises et les bailleurs multilatéraux survient avec l’annulation du contrat de First Quantum pour les Rejets de Kolwezi. Paul Fortin, le dirigeant international sélectionné par la Banque Mondiale, démissionne du poste de PDG de la Gécamines un mois après.

Ensuite, au terme d’une Assemblée Générale extraordinaire de la congolaise des Mines et de développement (COMIDE SPRL), tenue le 29 juin 2011 à Lubumbashi, la GECAMINES valide la cession de ses parts à Straker International. La cession des parts de Gécamines dans COMIDE Sprl n’a aucune implication financière. Elle a été faite dans le seul but de régler le litige qui était pendant entre les parties depuis plusieurs années. Pour compenser la sortie de la Gécamines de COMIDE Sprl, il a été convenu que GOMA MINING lui cède 25 % de son capital social, renseigne un document des Ministères des Finances et des Mines, que DESKECO.COM a pu consulter.

Au fil du temps, la Gécamines devient de plus en plus réticente à publier ses clauses contractuelles. L’entreprise n’est plus tenue de divulguer ses accords étant donné qu’elle est désormais une entreprise commerciale, avait répondu le PDG de la Gécamines Ahmed Kalej au FMI, alors qu’on lui demandait la publication des accords de vente des actifs de Mutanda et Kansuki.

A la suite de l’absence de la transparence, la Banque Mondiale envisage de suspendre tous ses programmes dans le pays. Du coût, les négociations visant à l’annulation de milliards de dollars de dettes historiques, risquent d’échouer. Afin de relancer ses décaissements, la Banque Mondiale et le Gouvernement finissent par négocier une Matrice de Gouvernance Économique, incluant des mesures pour promouvoir la transparence dans les secteurs miniers, pétroliers et forestiers. Parmi les mesures figurant dans la matrice, l’obligation de publier tous les contrats miniers.

Arrivé à mi-2012, la Gécamines finit par rendre public un grand nombre de contrats. Concernant l’accord COMIDE sprl et Straker International, le Ministère des Mines et des Finances se sont contenté de publier une note explicative en 16 points. Un document confus et loin de satisfaire le FMI.

Après des discussions internes de haut-niveau, le FMI annule son programme de prêts à la RDC et interrompt le décaissement des 225 millions de dollars restants, malgré les démentis du premier Ministre Augustin Matata. Dans la même lancée, la Banque Africaine de Développement décide, à son tour, de ne pas accorder au pays les 87 millions de dollars de fonds non-affectés destinés aux nations en déficit budgétaire.

Ce renouvellement de coopération entre la RDC et le FMI met le pays sur orbite. Le futur Gouvernement est donc prévenu. Il faudra assainir le secteur des industries extractives, lutter contre la corruption dans la chaîne de valeur, renforcer le contrôle, rendre la gestion des finances publiques au service de la réduction de la pauvreté.

Bref, la transparence sera le maître mot pour pérenniser cette nouvelle phase de coopération avec le FMI, si les négociations prévues aboutissent. D'autant qu'il existe encore plusieurs contrats miniers gardés encore secrets jusqu'à ce jour.

VM

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