Ce 24 janvier 2020, la République démocratique du Congo commémore le premier anniversaire de l’alternance démocratique pacifique intervenu le 24 janvier 2019 entre le sortant Joseph Kabila et l’entrant Félix Tshisekedi.
A cette occasion, le professeur Jo Sekimonyo s’est exercé à faire un bilan au plan socio-économique de trois entités qui interagissent d’une manière ou d’une autre dans la marche de la RDC qui, à travers cette alternance devrait faire s’engager sur la voie du changement en vue de booster son économie.
Ainsi, il a jeté son regard sur la réaction de l’Opposition (LAMUKA) par rapport aux politiques socio-économiques proposées par le président de la République, Félix Tshisekedi, qui est du CACH. Il analyse aussi la contribution du FCC, plateforme politique en coalition au pouvoir avec CACH, par rapport à son capital politique important dans les Exécutifs et dans les institutions électives.
Ainsi, faisant son bilan il distribue des bonnes et mauvaises notes tant à ceux qui gèrent qu’à ceux qui devraient veiller à la mise en place des bonnes politiques et surtout proposer des alternatives.
"Le bilan de l’an 1 de l’alternance est un peu complexe. Mais pour simplifier les choses, j’aimerais faire le bilan de tous les trois acteurs qui interagissent sur la marche du pays à savoir CACH, FCC, qui forment la coalition au pouvoir, et LAMUKA qui constitue l’opposition", a-t-il dit d'entrée de jeu.
« Prenons le cas de LAMUKA qui est l’opposition censée proposer une alternative plus efficace aux politiques économiques mises en place par ceux qui gèrent le pouvoir. On constate que Lamuka a adopté une stratégie efficace pour éveiller les émotions mais qui est dangereuse à savoir le populisme. Une opposition devrait éveiller les émotions pour chercher à appliquer sa politique économique ou chercher à imposer sa vision de développement du pays. Aujourd’hui, on ne voit pas Lamuka le faire. Cette opposition ne fait qu’effrayer les populations de s’approcher du pouvoir ou simplement pour capturer l’attention nationale. En tant qu’opposition Lamuka devrait trouver des failles sur la politique socio-économique du pouvoir et proposer des pistes des solutions pour une approche alternative. C’est tout ce que Lamuka ne fait pas », confie Jo Sekimonyo à DESKECO.COM.
De son avis, il y avait beaucoup de failles dans la politique socio-économique du pouvoir que Lamuka pouvait critiquer de manière constructive mais ne l’a pas fait.
« Lamuka devrait par exemple nous dire si l’approche de la construction des infrastructures est-elle la bonne en ce moment pour la RDC. On n’a pas vu Lamuka faire des critiques sur les retombées de la tournée internationale du président de la République pour ramener les investisseurs et les partenaires économiques. L’opposition devrait nous dire si cette tournée était-elle nécessaire ou pas et évaluer les retombées. Non seulement, on n’a pas capté une proposition alternative qui vaille la peine pour émerger l’économie nationale mais aussi on n’a pas vu une critique cohérente des politiques socio-économiques mises en place. Lamuka ne s’adonne qu’à des attaques personnelles et au populisme pour éveiller des émotions. Donc Lamuka ne joue pas son rôle en tant qu’opposition dans une démocratie républicaine », a-t-il ajouté.
Parlant de CACH qui symbolise le président de la République et son allié l’UNC, ce professeur d’économie estime qu’il a une bonne note du point de vue politique du seul fait qu’avec un petit capital politique il a su exister durant cette première année en marquant de sa présence dans les institutions. Pour autant, il trouve que l’approche de développement initiée par le président de la République n’est pas cohérente.
« En ce qui concerne CACH, on peut que lui donner un point positif du point de vue politique. CACH, après une année d’alternance, continue à exister malgré son petit capital politique. Cependant, sur le plan social et économique, on se pose beaucoup de questions. Je pense que son approche de miser sur les infrastructures n’est pas bonne. On construit des ponts qui vont de point A au point B sans savoir ce que les gens feraient quand ils arriveraient au point B. Le président de la République veut accroitre les revenus de l’Etat sans augmenter les revenus des individus. On ne peut pas avoir un Etat riche avec des populations pauvres. Ça ne se fait pas. Idéologiquement, sur le plan de politique économique cette approche est fausse », argue-t-il.
Et d’ajouter : « Au niveau social, il y a beaucoup de promesse faite par le président. Par exemple, la gratuité de l’enseignement est en principe un programme de long terme mais le président veut le faire dans le court terme. Il y a trop de projets sociaux séduisants mais qui ne peuvent pas se faire dans le court terme ».
Quant au FCC, le partenaire du CACH qui a raflé beaucoup de sièges tant dans les exécutifs que dans les assemblées électives, le professeur Jo Sekimonyo indique.
« Au FCC, on peut aussi leur donner un point positif sur le plan politique. Cette plateforme a su gérer pour que l’Etat n’explose pas. Le FCC n’a pas été gourmand parce qu’en fin de compte ils ont partagé avec CACH le gouvernement alors qu’il pouvait seul composer l’Exécutif. Le FCC a la majorité absolue dans les deux chambres du parlement et dans la plus part des assemblées provinciales. Pour besoin de la paix, ils ont partagé le gouvernement au niveau national avec CACH et dans les provinces. Ça traduit tout naturellement une sagesse politique », explique cet analyste Congolais.
Toutefois, notre interlocuteur dit ne pas comprendre ce que le FCC entend faire de tous les pouvoirs accumulés dans les institutions.
« Mais quand on va sur le plan économique et social, on ne sait pas ce que le FCC veut faire de tout ce pouvoir accumulé. Le FCC a du mal à capitaliser son alliance avec CACH. Est-ce juste une alliance politique ou aussi économique et sociale ? Sur le plan social et économique, on ne sait pas situer le FCC. On sait que dans le temps, Joseph Kabila avait lancé les 5 chantiers de la République. J’avais critiqué ça en disant qu’il veut amener le Congo au 21ème siècle sans amener les Congolais. Mais aujourd’hui, on ne sait pas voir ce que le FCC veut faire sur le plan économique et social au niveau national alors qu’il détient beaucoup de pouvoirs dans les institutions. Même en province, on voit que le FCC est plus tiraillé par des guéguerres politiques au lieu de travailler pour le développement de ces entités. Ce qui s’est passé dans le Kongo Central a nui aux investissements. Et ici je parle même des investissements nationaux. Qui est cet opérateur économique qui peut prendre langue avec les ministres provinciaux d’un gouvernement où on se tiraille en interne et même avec l’assemblée provinciale ? Donc, la situation au Kongo Central a nui sérieusement au climat des affaires dans cette province. Tous les gouverneurs de province FCC qui sont sur le point de sauter aujourd’hui, on les enlève non pas parce que leur projet de société ne tient pas la route mais c’est pour des raisons politiques. Le FCC devrait y repenser. Le FCC doit démontrer qu’il a conquis le pourvoir partout parce qu’il a un projet de société à implémenter pour le développement du pays et le bien-être des Congolais », pense Jo Sekimonyo.
Amédée Mwarabu