Barrage de Busanga : le CNPAV révèle un montage contractuel déséquilibré, profitant à la Chine au détriment de la RDC et appelle à la réévaluation des apports des deux parties

barrage de busanga
PAR Deskeco - 29 juil 2025 14:28, Dans Actualités

Dans son rapport critique sur le projet hydroélectrique de Busanga publié ce mardi 29 juillet 2025, la Coalition « Le Congo n’est pas à vendre » (CNPAV) révèle un montage contractuel déséquilibré, qui profite largement aux intérêts chinois au détriment de la République démocratique du Congo et de sa population.

« Si le barrage de Busanga est souvent présenté comme une avancée pour l’industrialisation de la RDC, le rapport du CNPAV révèle en réalité un montage contractuel déséquilibré, qui profite largement aux intérêts chinois au détriment de la République démocratique du Congo et de sa population », peut-on lire.

Le consortium estime que ce projet, bien que stratégique sur le plan énergétique, ne garantit aucune rentabilité durable pour la RDC, compte tenu notamment :

  • des nombreuses exonérations et avantages injustes accordés à la partie chinoise ;
  • d’une tarification énergétique faible, avec une remise de 20 % au client principal qu’est la Sicomines, bien que le prix de l’électricité reste faible dans la région ;
  • ainsi que du risque économique futur pour Sicohydro, qui pourrait faire face à des difficultés de remboursement de prêts (principal et intérêts) et de couverture des coûts de fonctionnement annuel (estimés à 16,37 millions USD).

Face à ces constats alarmants, la coalition CNPAV appelle le gouvernement congolais à :

  • mener l’audit indépendant du projet Sicohydro ;
  • procéder à la revisitation des accords juridiques entre les parties au projet ;
  • modéliser le projet pour le rendre bénéfique au Congo ;
  • réévaluer les apports de la RDC et de la partie chinoise pour que cela soit reflété dans la société du projet.

Un partenariat déséquilibré dès l’origine

Le projet Busanga est géré par la société Sicohydro, composée de partenaires congolais et chinois. Bien que d’une importance fondamentale pour la Sicomines et le pays, le rapport soulève des questions de transparence, de redevabilité et de rentabilité future pour le Congo.

Le rapport du CNPAV révèle que la part de la RDC dans Sicohydro fut de 25 % à l’origine et a été ajustée à 40 % lors de la récente renégociation de l’avenant 5, sans que les apports réels de la RDC aient été valorisés à leur juste mesure. Les principaux constats documentés sont :

  • La sous-valorisation des apports congolais : terrains et ressources en eau concédés à titre gratuit, y compris l’utilisation du bassin de la rivière Lualaba ; exonérations fiscales étendues sans contrepartie équitable, y compris les charges parafiscales pour toute la durée de la concession ; et renonciation à imposer certaines redevances sur l’eau turbinée ou l’électricité vendue ;
  • Un transfert d’études et d’actifs flou : cession non transparente du site de Busanga par MAG Energy au profit d’acteurs chinois sous supervision étatique, sans publication des conditions financières ;
  • Des conflits d’intérêts potentiels : implication de personnalités ayant travaillé dans les organes de coordination du projet (le BCPSC) et qui seraient liées à des structures privées comme Coman, ayant bénéficié d’un soutien étatique dans le projet avec 15 % des parts (contre 7 % pour la Gécamines et 3 % pour la SNEL) ;
  • Un coût énergétique déséquilibré : vente de l’électricité à Sicomines avec une remise de 20 %, menaçant la viabilité financière de la centrale.

Le rapport juge le processus de renégociation « insuffisant » et note que, malgré la renégociation de l’avenant n°5 portant la part congolaise à 40 %, « les préoccupations majeures n’ont pas été adressées », selon le CNPAV. « Bien que plus de 260 personnes avec une expertise diversifiée aient été mobilisées par la partie congolaise, elles n’ont pas abouti à un résultat convaincant sur Busanga. Ces personnes ont coûté plus de 29 millions USD en jetons de présence et bonus de signature, enregistrés dans les décomptes des projets d’infrastructure au 7 septembre 2024, selon la lettre de l’APCSC du 23 septembre 2024 à l’ITIE. »

Une gestion opaque de la quote-part congolaise

Le rapport souligne également que les modalités internes de gestion de la part congolaise dans Sicohydro restent « floues et non documentées. Aucune réponse n’a été apportée aux demandes d’information du CNPAV par les institutions publiques concernées ».

Il met en évidence des garanties excessives offertes par la RDC au concessionnaire sans contrepartie, telles que :

  • l’assistance dans la recherche de financement ;
  • l’application automatique de toute nouvelle disposition législative avantageuse ;
  • l’exclusion d’application de toute nouvelle mesure défavorable à Sicohydro ;
  • et la disponibilité du Congo à apporter une compensation financière en cas de changement légal affectant le projet.

Le rapport dénonce aussi des ambiguïtés majeures, notamment :

  • un financement de plus de 824 millions USD du projet Busanga classé dans le volet « infrastructure », alors que l’actionnaire majoritaire de Sicohydro affirme l’avoir financé indépendamment de Sicomines ;
  • l’absence de documents officiels confirmant l’abandon du financement équitable (50/50) entre la RDC et la partie chinoise, notamment sur les 328 millions USD supposés être la part congolaise.

Le projet hydroélectrique de Busanga est une infrastructure énergétique majeure censée produire 240 MW, destinés en priorité au projet minier Sicomines, qui nécessite 170 MW pour son fonctionnement optimal.

Bienvenu Ipan

 

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