Dans son ambition de remplir pleinement sa mission d’entretien du réseau routier en RDC, le FONER a scellé, en avril 2024, un Protocole d’accord avec la firme espagnole BFI Bank, un Conseiller financier, pour l’aider à lever de fonds à l’international. Dans cette démarche, le staff de FONER a pris soin préalablement d’associer sa double tutelle, à savoir le ministère des Finances et celui des ITPR qui ont donné leur autorisation d’usage. Dans sa patrouille financière, l’IGF vient de se saisir de ce dossier pour s’assurer de sa régularité. Une routine, doit-on dire, pour cette institution de contrôle qui prône la bonne gouvernance des finances publiques.
Alors que la toile s’affole sur un prétendu nouveau scandale financier en République démocratique du Congo, les documents analysés par DESKECO.COM dans le dossier du Protocole d’accord de 500 millions USD, signé le 26 avril 2024, entre le FONER (Fonds National d’Entretien Routier) et la BFI BANK, ne démontrent rien d’irrégulier dans cette démarche.
Les faits
Le protocole d’accord porte sur un mandat donné à la BFI par le FONER pour trouver les fonds sur le plan international car les banques commerciales locales ne peuvent pas réunir un tel montant, et les taux d’intérêt appliqués en RDC sont trop élevés. Il s’agit donc d’un processus de recherche de fonds avant d’entamer les négociations et non pas encore d’un emprunt.
Pour garantir cet emprunt de 500 millions USD, le FONER a associé sa banque, UBA, qui a émis une garantie devant assurer le remboursement du crédit. Naturellement, dans ce deal, le FONER fera passer une parties de ses recettes auprès de la banque commerciale UBA.
Bien plus, ce dossier d’emprunt à l’international a été initié et signé par les deux ministres de tutelle du FONER, en l’occurrence celui des Finances et l’autre des ITPR (Infrastructures, Travaux publics et Reconstruction). Les deux ministres d’alors, l’ancien argentier national Nicolas Kazadi et son collègue Alexis Gisaro, ont apposé leur signature sur ce Protocole d’accord au côté du représentant de BFI, à ne pas confondre avec BGFI BANK, et celui du DG de FONER, Pierre Bundoki Ndongala. En effet, c’est ce qu’exigent les textes du FONER, à savoir : les emprunts et prêts sont des matières soumises à l’autorisation préalable de la tutelle.
La la double tutelle a donc donné l’autorisation au FONER de mandater à BFI Bank en tant que « conseiller financier» pour «initier des discussions avec les institutions financières d’aide au développement et/ou institutions financières internationales ainsi que d’autres organismes parapublics similaires au nom (et avec le consentement) du promoteur – FONER – pour ses objectifs relatifs aux travaux routiers en République Démocratique du Congo ».
Sur ce point précis, le document reprenant les «modalités et conditions à titre indicatif pour un mécanisme de prêt à moyen» que DESKECO.COM a pu consulter, renseigne, en termes d’objet, que «les sommes empruntés, dans le cadre du présent mécanisme de prêt, seront affectés au financement de la construction de projets d’infrastructure, identifiés et approuvés par le Conseil d’administration du FONER, conformément aux politiques et aux lignes directrices approuvées par le ministère des Infrastructures et Travaux publics».
C’est dans ce contexte que l’Inspecteur en chef de lGF (Inspection générale des Finances), Jules Alingete, dans le cadre de sa patrouille financière, s’est saisi de ce dossier. Ici, l’IGF a demandé au DG du FONER de mettre à sa disposition tous les documents relatifs à cet emprunt. En clair, l’IGF, en tant qu’institution de contrôle, veut s’assurer de la régularité de ce dossier qui est, précisons-le, encore au stade de Protocole d’accord et qu’aucun dollar n’a pas encore été prêté au FONER.
Et donc, en recourant à l’international pour lever les 500 millions USD, le FONER ne cherche qu’à contribuer à l'amélioration de l’état du réseau routier congolais. A ce stade du dossier, le montant de 500 millions USD ne constitue qu’une ligne de crédit sous négociation. Cependant, le montant en instance de mobilisation à ce niveau est de 200 millions USD.
Le déficit structurel de FONER en financement
Il sied de noter que la situation actuelle du réseau routier congolais, étendu sur 154.000 Km, est en mauvais état à plus de 95% voire inexistant. Rien que pour les 55.000 km de routes nationales et provinciales en terre sous gestion de l’Office des Routes, le coût annuel d’entretien courant et périodique représente un montant de +/- 495 millions USD, soit 6.000USD par Km et par an pour un entretien courant et pour un entretien périodique, il faut 15.000USD par Km tout les 5 ans.
Pourtant, le budget annuel du FONER tourne autour de 150 millions USD. Ce qui induit un déficit structurel de l’ordre de +/- 350 millions USD chaque année. L’augmentation des ressources du FONER passe par deux voies : en interne, il faut des réformes et lutter contre la fraude ; à l’externe, par des emprunts auprès des institutions financières.
Lors de l’Expo Béton 2023, le DG de FONER évoquant cet aspect de déficit structurel de financement disait : « C’est ainsi que, pour assurer la mobilité des personnes et des biens, le FONER s’est trouvé et se trouve encore dans l’obligation de financer des travaux de réhabilitation et de construction qui ne rentrent pas dans son champ d’action. Le financement de tels travaux a comme conséquence l’amenuisement des ressources affectées aux travaux d’entretien proprement dits »,
Ainsi, le DG Pierre Bundoki préconisait, pour garantir le financement des travaux routiers, la «transformation du FONER en fonds routier de 3ème génération lui permettant de disposer de 2 guichets distincts, l’un pour les travaux d’entretien et l’autre pour les travaux neufs ou de réhabilitation afin de lui doter des outils légaux (textes de lois) nécessaires et d’augmenter sa capacité financière pour la modernisation des infrastructures routières (Commission de réflexion en cours de travail ».
Par ailleurs, il y a lieu de souligner que le Gouvernement de la RDC a acquis, par un PPP, des engins pour les agences routières (Office des Routes, OVD, OVDA) en accord avec le programme du Chef de l’Etat, qui met un accent particulier sur le secteur routier. Dans cette perspective, la capacité de travail de ces agences devra augmenter. Il s’en suit que le FONER devra financer plus de projets d’entretien à travers le pays. Pour cela, il est nécessaire que le FONER ait plus de moyens à sa disposition.
Créé en juillet 2008, Le Fonds National d’Entretien Routier, « FONER » en sigle, est un Etablissement Public à caractère administratif et financier doté de la personnalité juridique et jouissant de l’autonomie financière et de gestion. Sa création a été justifiée par l’insuffisance chronique des budgets nationaux alloués au secteur routier qui constituent la cause majeure de la dégradation généralisée des routes.
Amédée Mwarabu