Dans toute réflexion sur l’approche One Health (une Seule Santé) la voix philosophique, ou éthique, peut ou doit avoir de la place, spécialement quand il est question de prendre en compte l’environnement sous l’angle des relations réciproques, qui soient saines, de moins d’occurrences de zoonoses, de maladies transmissibles entre l’homme, l’animal et la nature, dans la protection de la vie et de la santé, de la vie bonne des hommes sur la terre.
Des espaces protégés comme réponse à la menace d’extinction de la vie à l’hémisphère nord de la terre. La construction d’aires ou espaces protégés fait partie des mécanismes estimés efficaces dans la course, haletante, vers la garantie de la vie sur la terre. Les scientifiques et politiques écologistes voient en cet outil une grande chance de réussir à reculer la catastrophe totale commune qui pointe à l’horizon quant à la continuation de la vie humaine sur la terre entière. Les réserves forestières et animales ainsi que les tourbières situées dans les pays de l’hémisphère sud de la terre, spécialement dans le Bassin de l’Amazone et dans le Bassin du Congo, constituent des espaces particulièrement importants de captation des gaz carboniques générateurs des effets de serre responsables du réchauffement de la terre et du dérèglement climatique. Mais, la création d’aires protégées peut amener à des interrogations multiples, non uniquement d’ordre scientifique.
Ainsi, une aire protégée ne peut-elle pas être une source d’émergence active de pandémies nouvelles ? Quelle éthique de relations instituer entre les êtres protégés et les êtres humains frustrés en tant qu’ils se retrouvent privés du libre et plein usage des ressources présentes dans leur milieu de vie ? Les dévastations organisées dans ces espaces protégés, en l’occurrence par les forces armées de monsieur Paul Kagame, Président du Rwanda, ne comportent-elles pas quelque injustice écologique tolérée par la communauté internationale? La conscience ne se trouve-t-elle pas en deçà de l’élan humain quand, inactive, elle s’abstient d’agir face à des espaces protégés du Congo qui se trouvent saccagés et vidés autant que les habitants sont sauvagement déplacés, précarisés, livrés à une situation de terrible dégradation des conditions de santé et de vie ? Ainsi, la guerre pose une grave question à la fois écologique et éthique. En tout cas, et inévitablement, la protection vouée aux « espaces protégés » soulève des problèmes sérieux de plusieurs ordres impliquant les trois acteurs humains concernés : les habitants des espaces locaux protégés, les habitants de la nation porteuse de ces espaces, et les habitants du monde entier bénéficiaires des bienfaits des espaces protégés. Ici aussi, ces problèmes soulèvent, en leur fond et in fine, une question d’ordre essentiellement éthique. Protéger les autres êtres de la nature : trois problèmes existentiels.
Le premier problème que soulève la protection ou l’interdiction d’exploitation des espaces protégés est ce qu’on peut appeler la perplexité vitale des résidents de ces espaces. Il s’agit, fondamentalement, d’un problème de vie ou de mort, mieux, de possible extinction ou d’accroissement de difficultés d’existence pour les êtres humains vivant de et dans ces espaces. Certes, l’interdiction d’exploitation des ressources disponibles dans les espaces protégés offre ou fait miroiter les promesses de mise sur pied de mécanismes de compensations en faveur des résidents naturels de ces espaces. En leur interdisant d’exploiter les ressources qui sont présentes dans leur milieu de vie naturel, on leur promet des activités alternatives et on leur promet des indemnisations monétaires ou autres (éternelles ?). Mais il se constate que depuis les grandes décisions de la communauté internationale (comme celles de la COP 21), les habitants propriétaires originels directs directs des espaces protégés sont laissés à eux-mêmes. Des mécanismes ou programmes comme ceux de crédits-carbone ou de Réduction des émissions provenant du déboisement et de la dégradation des forêts (REDD) sont soit radicalement insuffisants soit carrément inexistants dans la réalité de la vie de ceux à qui on interdit de vivre. Il y a là, de toute évidence, déconsidération ou indifférence injuste vis-à-vis du droit à la vie des hommes et des femmes habitant ces espaces protégés.
En tout cas, on aboutit au constat de cette terrible situation cyniquement immorale : la communauté internationale des grandes puissances impose aux peuples locaux des aires protégées de devoir mourir pour assurer et préserver la vie des habitants de l’hémisphère nord du globe terrestre. Le deuxième est le problème économique d’handicap à la construction de la prospérité économique et de la puissance nationale.
L’interdiction d’exploitation et d’usage des ressources existantes, jugées être hautement nuisibles à la vie et à l’existence de la terre, est gravement préjudiciable au développement de l’économie des nations qui en sont propriétaires ou, tout au moins, porteuses.
Certes, d’autres ressources existent. Mais la restriction ou la mise à l’écart de certaines ressources de grande importance entraîne inévitablement et approfondit la difficulté à pouvoir se développer ou, pire, entretient la paupérisation radicale perpétuelle des populations. L’interdiction d’exploitation des ressources naturelles, forestières, pétrolières et gazières situées dans les espaces protégés prive les pays qui en sont propriétaires d’assurer leur développement économique.
Or ce sont justement ces genres et mêmes ressources qui ont fait et continuent à faire la prospérité économique des pays développés, comme les États-Unis, la Russie, la France, l’Angleterre, les Émirats Arabes, etc. Si l’interdiction est formelle, strictement ordonnée et appliquée par les puissances économiques et militaires du monde, c’est que les pays aux espaces protégés n’ont que très peu de chances de pouvoir amorcer le développement économique. La République démocratique du Congo, en particulier, qui a eu tort de n’avoir jamais songé à exploiter ses immenses ressources gazières et pétrolières pendant que les autres pays s’enrichissaient grâces à ces ressources fossiles, ne saura plus jamais tirer profit de ces ressources qui dorment sur son sol et dans son sous-sol. Même si elle doit exploiter d’autres ressources, qui seraient non polluantes, elle demeurera handicapée, marchant péniblement avec des pieds nus pourtant posés sur d’immenses ressources dormantes qu’il lui est interdit, au nom du bonheur des habitants du monde occidental, d’exploiter pour le bonheur de son propre peuple. L’injustice de la communauté internationale est ici patente.
Le troisième est, justement, le problème d’éthique écologique. On remarque que, inévitablement, l’interdiction au niveau de l’espace protégé, comme au niveau de la nation, de tout usage des ressources y existantes entraîne un sérieux problème éthique en plus du problème de restriction économique des ressources de vie des nationaux et des résidents des espaces protégés. Ainsi est-on acculé à faire face à un douloureux dilemme vis-à-vis des ressources des espaces protégés. Ou on les exploite pour nourrir les populations et développer l’économie des nations porteuses des espaces protégés ou on s’interdit de les exploiter pour éviter de faire mourir le monde entier, y compris et surtout les habitants des nations s’étant développées grâce précisément à l’exploitation des ressources similaires. Si on se résout à les exploiter, en encourt le risque de la désapprobation et des sanctions sévères de la part de la communauté des grandes puissances ; si on ne les exploite pas, on diminue les chances de sortie de son peuple de la pauvreté exécrable et de l’impuissance.
Face à cette situation d’indécidabilité ou d’impossible décision libre et rationnelle pour les pays porteurs d’espaces protégés, l’option à prendre, en solution raisonnable, est en dernière instance d’ordre technologique. Une réponse technologique efficace. Les ressources disponibles pour la vie de l’humanité sur terre doivent être exploitées tout en évitant, maximalement, les effets secondaires indésirables. À cet effet, l’innovation technologique constitue la seule solution rationnelle raisonnable à la disposition de l’homme. Il s’agit de mettre à l’œuvre des ingénieurs et chimistes des institutions de recherche scientifique et des structures d’innovations technologiques les plus efficaces possibles d’inventer la technique d’exploitation des ressources la moins dommageable possible à l’existence de la vie sur la terre. Ceci implique que même si le monde opère la transition énergétique vers des ressources actuellement jugées non polluantes et non dommageables à la vie, il est envisageable que la résilience intellectuelle devra permettre, dans un avenir pas trop lointain, le retour à l’exploitation des ressources aujourd’hui mises au ban de l’activité économique de l’homme.
Un outil technologique approprié aux exigences humaines raisonnables permettra de résoudre les problèmes aussi bien économiques et qu’éthiques qui se posent à la légitime volonté de vie longue et heureuse de l’homme, du nord et du sud, sur la terre. Il appartient à la RDC et aux autres pays porteurs d’aires protégées et, donc, interdits d’exploiter leurs ressources d’inventer la technique d’exploitation des ressources la moins dommageable possible à l’existence de la vie sur la terre. Ceci implique que même si le monde opère la transition énergétique vers des ressources actuellement jugées non polluantes et non dommageables à la vie, il est envisageable que la résilience intellectuelle devra permettre, dans un avenir pas trop lointain, le retour à l’exploitation des ressources aujourd’hui mises au ban de l’activité économique de l’homme. Un outil technologique approprié aux exigences humaines raisonnables permettra de résoudre les problèmes aussi bien économiques et qu’éthiques qui se posent à la légitime volonté de vie longue et heureuse de l’homme, du nord et du sud, sur la terre. Il appartient à la RDC et aux autres pays porteurs d’aires protégées et, donc, interdits d’exploiter les ressources jugées hautement nuisibles à la vie de l’humanité.
Par Prof. Élie P. Ngoma-Binda, philosophe, Université de Kinshasa