Le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, a récemment promulgué deux lois majeures consacrées à la réforme de la fonction publique. Il s'agit de la loi portant statut des agents de carrière des services publics de l'État, et celle portant régime spécial de sécurité sociale des agents publics de l'État. Ce jeudi 17 juillet, le vice-Premier ministre, ministre de la Fonction Publique, Jean-Pierre Lihau, a présenté les principales innovations de ces lois.
En durcissant les règles de recrutement dans l'administration publique, la nouvelle loi entend mettre fin au phénomène des "nouvelles unités" (NU) et à la prolifération des statuts précaires. Dorénavant, tout recrutement devra répondre à un besoin réel, exprimé à travers la vacance de poste. Ce cadre vise à instaurer un système fondé sur le mérite et la transparence, précise-t-il.
« Il s'agit d'une réforme remarquable et historique, parce qu'elle redonne à la fonction publique son vrai visage : celui d'un pilier régalien, d'un outil de développement, d'un espace où le mérite remplace la faveur, où le service remplace la rente, où la compétence prévaut sur l'appartenance », déclare-t-il.
Autre innovation de taille : l'introduction encadrée de la contractualisation. Outre les fonctionnaires de carrière, des agents contractuels pourront désormais intégrer l'administration pour des métiers techniques ou spécialisés, sous des conditions strictes. Ces derniers devront justifier d'au moins dix ans d'expérience et avoir quarante ans révolus. Ce mécanisme vise à intégrer des compétences spécifiques sans créer de structures parallèles budgétivores.
L'accent est également mis sur la performance. Tous les trois ans, une évaluation des compétences et des résultats permettra d'orienter les formations, les promotions ou les redéploiements. L'administration devient ainsi résolument orientée vers les résultats.
« Grâce à ces deux lois, notre administration vient d'entrer dans la phase de consolidation des acquis des différentes réformes que nous mettons en œuvre chaque jour avec votre participation active et remarquable », fait-il savoir.
En matière disciplinaire, la réforme introduit une mesure plus dissuasive : les sanctions pécuniaires se traduiront désormais par la privation d'un tiers de la rémunération totale et non plus uniquement du traitement de base. De plus, des avancées sociales notables sont consacrées, notamment l'égalité de traitement entre hommes et femmes.
Les femmes pourront désormais cumuler le congé de maternité et le congé annuel de reconstitution dans la même année, tandis que certains congés sociaux, comme le congé de mariage, passeront de 3 à 5 jours ouvrables. En cas de décès du conjoint ou d'un parent au premier degré, le congé passera de 6 à 10 jours ouvrables ; pour un déménagement, il passera de 2 à 3 jours, et en cas de naissance, le congé passera de 4 à 7 jours. Ces congés sont allongés pour mieux refléter la réalité des agents, a indiqué Jean-Pierre Lihau.
La retraite posthume devient, elle, une reconnaissance symbolique forte : tout agent décédé en activité, ayant rempli les conditions de mise à la retraite sans l'avoir obtenue, bénéficiera désormais de cette reconnaissance à titre posthume. Un geste de mémoire, mais aussi de justice.
Au-delà du cadre juridique, ces réformes relancent le vaste processus de mise à la retraite des agents publics, suspendu depuis 2023. Ce processus concerne plus de 300 000 fonctionnaires. Il vise à alléger les effectifs, rajeunir l'administration et satisfaire aux engagements pris avec le FMI. Un plan décennal, étalé jusqu'en 2035, devra guider cette transition.
Mais la société civile reste vigilante. L'Observatoire de la Dépense Publique (ODEP) met en garde contre une retraite de masse précipitée, sans dispositif d'accompagnement solide. Il exige un audit indépendant de la CNSSAP, la viabilité du système de pension, la garantie du paiement intégral des indemnités, ainsi qu'un appui à la reconversion professionnelle des retraités. L'ODEP appelle également à une réévaluation des conditionnalités imposées par le FMI, en faveur d'une politique plus équitable et souveraine.
Du côté syndical, l'Intersyndical National de l'Administration Publique (INAP) salue l'esprit de la réforme, tout en insistant sur son application rigoureuse.
« Qu'il n'y ait plus le phénomène NU dans l'administration, qu'il n'y ait plus les non-payés - avant c'était une chose, maintenant ça doit être autre chose. Ce qui doit être fait pour l'instant, c'est l'application stricte des dispositions notamment en matière de recrutement », a déclaré son président au cours de l'échange.
Jean-Baptiste Leni