Suite aux révélations "Congo hold-up", la justice belge a ouvert une enquête pour « corruption d’agents publics étrangers » visant l’homme d’affaires Philippe de Moerloose. L'une de 150 personnalités les plus riches de Belgique, Philippe de Moerloose est reproché d'avoir vendu pour 742 millions de dollars d’équipements à la République démocratique du Congo à des tarifs exorbitants.
L’homme d’affaires Philippe de Moerloose a été perquisitionné – à son domicile et dans ses sociétés belges – le mardi 14 juin.
L’homme d’affaires Philippe de Moerloose, nominé au prix de « manager de l’année » en Belgique, ne s’est pas seulement enrichi en vendant aux autorités congolaises du matériel avec des marges bénéficiaires très largement supérieures à la moyenne. Il a également su profiter de la fiscalité avantageuse de certaines paradis fiscaux, selon les révélations de Congo hold-up.
Situé à quelques pas du palais présidentiel, au cœur du quartier le plus riche de Kinshasa, la Gombe, l'hôtel Pullman appartient pour moitié à l'État de la République démocratique du Congo (RDC), qui l'utilise souvent pour des congrès gouvernementaux et des conférences de presse. Les 50% restants ont été vendus en 2010 à un entrepreneur belge, Philippe de Moerloose, via une société établie dans l’un des paradis fiscaux les plus opaques du monde : les îles Vierges britanniques.
Congo hold-up a aussi révélé que son groupe, spécialisé dans la distribution de matériel lourd (camions, tracteurs, engins miniers), prévoit de réaliser un milliard d'euros de chiffres d’affaires cette année. Il a été nominé en novembre pour la deuxième fois consécutive au prix du « manager de l'année » du magazine économique belge Trends.
Mais cette success story a été bâtie grâce à de gigantesques contrats surfacturés passés avec les autorités congolaises sous le règne de l’ancien président Joseph Kabila, qui a quitté le pouvoir en janvier 2019. L’enquête Congo Hold-up, basée sur la fuite de 3,5 millions de documents bancaires confidentiels a révélé qu'il avait gagné des centaines de millions de dollars dans cette ancienne colonie belge en imposant des tarifs prohibitifs sur l’achat de ses engins de chantier et tracteurs -ce qu’il dément.
Plus de 17 ans d'offshore
Une grande partie des activités de Philippe de Moerloose passe par des sociétés belges, contrôlées par son groupe SDA Holding basé à Wavre, dans le Brabant wallon. Mais l’entrepreneur a également facturé plus de cent millions de dollars à l’État congolais par l'intermédiaire de sociétés situées dans des paradis fiscaux.
Les documents de Congo Hold-up révèlent que sa société HMIE, domiciliée à Dubaï, aux Émirats arabes unis, a ainsi vendu en 2010 à l’État congolais pour 94 millions de dollars « d’équipements » variés : des moulins à maïs, des corbillards et plus de 45 000 « bicyclettes de ville ». Les paiements ont été faits par la Banque centrale du Congo sur un compte bancaire de HMIE en Suisse.
En 2012, la même société, HMIE (qui dispose également d’une société-sœur dans un autre paradis fiscal, les îles Vierges britanniques), a également livré sept millions de dollars d’équipements agricoles à une ferme appartenant à l’entourage du président de l’époque, Joseph Kabila -qui les a payés avec l'argent de pots-de-vin chinois. Contactés, Joseph Kabila et ses proches n’ont pas répondu. Interrogé, l’homme d’affaires belge assure qu’il ne connaissait pas la provenance de cet argent.
Notons que ce n’est pas la première fois que le nom de l’entrepreneur belge apparait dans des affaires d’évasion fiscale. Son nom figurait en 2016 dans les « Panama Papers ». Ceux-ci avaient révélé comment Philippe de Moerloose avait créé en juin 2004 une société offshore au Panama, Pangun Holdings Corporation. Celle-ci lui servait à financer des investissements dans le domaine de l’aviation en RDC.
En France également, une enquête préliminaire pour "blanchiment aggravé de détournement de fonds publics" a été ouverte à Paris après la plainte d'associations suite aux révélations du rapport "Congo Hold-Up" sur de possibles détournements de fonds publics, a indiqué le Parquet national financier (PNF) mercredi.
Jordan MAYENIKINI