Il est important de préciser qu’au regard des statistiques judiciaires en République Démocratique du Congo, cette forme de criminalité économique est quasi absente des registres pénaux des Cours et tribunaux congolais. C’est à peine qu’on enregistre quelques cas ayant abouti à des décisions de condamnation. Encore qu’il s’agit des cas emblématiques et dont les poursuites peuvent être inscrites dans un contexte particulier. Pourtant, plusieurs faits, parfois non rapportés à l’autorité judiciaire, font état de blanchiment des capitaux que la loi sanctionne.
Cependant, vu la complexité de cette infraction, il est nécessaire d’en fixer les contours surtout dans la mesure où les statistiques judiciaires de cette forme de criminalité sont en train d’être construites petit à petit.
En effet, de manière générale, le blanchiment de capitaux consiste à donner une apparence légitime à des capitaux qui, en réalité, proviennent d'activités illicites telles que le trafic de stupéfiants, le détournement des deniers publics, les activités criminelles, la corruption, la prostitution, le trafic d'armes et même certains types de fraude fiscale…
En droit pénal congolais, le blanchiment des capitaux est une infraction qui est prévue et punie par la loi n°04/016 du 19 juillet 2004 portant lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Il faut dire que cette loi ne définit pas cette infraction. Elle (article 1) détermine plutôt les actes qui constituent le blanchiment des capitaux. Il s’agit :
- de la conversion, du transfert ou de la manipulation des biens dans le but de dissimuler ou de déguiser l’origine illicite desdits biens ou d’aider toute personne qui est impliquée dans la commission de l’infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ;
- de la dissimulation ou du déguisement de la nature, de l’origine, de l’emplacement, de la disposition, du mouvement ou de la propriété réels des biens ;
- de l’acquisition, de la détention ou de l’utilisation des biens par une personne qui sait, qui suspecte ou qui aurait dû savoir que lesdits biens constituent un produit d’une infraction.
Il en résulte que le blanchiment des capitaux suppose l’existence d’une infraction principale et qu’il a pour finalité de dissimuler les fonds, entendu ici au sens large, ou les biens dont l’origine est illicite. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle plusieurs règles sont notamment imposées aux banques en ce qui concerne les transactions financières.
Il en résulte encore que le transfert illicite vers l’étranger des fonds est un acte constitutif de blanchiment des capitaux. En effet, dans le cadre de la lutte contre ce phénomène, le législateur a, de manière particulière, imposé que tout transfert vers l’étranger ou en provenance de l’étranger, de fonds, titres ou valeurs pour une sommes égale ou supérieure à 10.000 dollars américains doit être effectué par un établissement de crédit ou par son intermédiaire (art.6). Ce qui revient à dire qu’il est interdit à toute personne notamment de sortir avec 10.000 dollars ou plus de la RDC sans passer par le circuit bancaire, de telle sorte que celui qui contrevient à cette règle tombe sous le coup de blanchiment des capitaux dont la peine est de cinq à dix ans de servitude pénale et d’une amende dont le maximum est égal à six fois le montant de la somme blanchie (art.34).
Le blanchiment des capitaux est donc puni dans la mesure où il permet de protéger l’origine illicite des fonds. En ce sens, la connaissance ou l’intention frauduleuse est prise en compte dans la qualification de l’infraction.
Maître Espoir Masamanki Iziri
Chef de Travaux (Faculté de Droit/Université de Kinshasa), Doctorant en droit