Le président de la République, Félix Tshisekedi, a décrété « 2020 année de l’action » promettant une kyrielle de réalisations durant cet exercice. C’était au cours d’un discours solennel devant les deux Chambres du parlement réuni en Congrès en décembre 2019. Cette bonne volonté politique du chef de l’Etat devrait être soutenue par les moyens financiers conséquents pour mettre en œuvre notamment le Budget 2020 évalué à 11,2 milliards USD.
Même le programme de 100 est plombé
Au regard des deux mois passés de l’année 2020, on a du mal à palper les actions posées par le gouvernement de la République. L’unique raison est que l’équipe de Sylvestre Ilunkamba n’a pas des ressources financières nécessaires pour poser des actions promises par le président de la République. Déjà, le gouvernement a du mal à financer le Programme de 100 jours lancé depuis le 2 mars 2019 par le chef de l’Etat. Il faudra attendre mi 2020 pour voir terminer le gros des travaux initiés par ce Programme.
D’ailleurs, même le Programme de 100 est en difficulté parce que plombé par des « présumés détournements et corruption » d’où l’enquête judiciaire en cours en ce moment avec l’arrestation des plusieurs responsables d’entreprises impliquées dans la réalisation des travaux. A part les travaux lancés dans le Programme de 100 jours, les observateurs disent ne rien voir autres projets sur le terrain.
Quoi qu’il en soit, les comptes du Trésor sont au rouge en ce début de l’année 2020. Ce qui ne donne pas de marge de manœuvre au gouvernement pour lancer des nouveaux projets sociaux économiques. Les Congolais attendent la construction des routes, des hôpitaux, des écoles, des logements sociaux, et bien d’autres projets de modernisation de l’agriculture ou d’industrialisation du pays. Bien au contraire, le gouvernement, sans le dire, fonctionne au minima réduisant autant ses prévisions des recettes (Plan de Trésorerie) que celles des dépenses (Plan d’engagement budgétaire), contrairement à ce qui a été prévu dans le Budget 2020.
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Déficit sur déficit
En janvier et février 2020, les opérations financières de l’Etat dégagent un déficit cumulé de 317,7 milliards CDF contre un déficit programmé de 108,2 milliards. Les dépenses effectuées au cours de deux premiers mois ont plus concerné celles courantes c’est-à-dire le paiement des salaires et rémunérations des agents et cadres de l’Etat, du personnel politique et le fonctionnement des institutions de la République.
Tenez, en janvier 2020 le gouvernement n’a même pas actionné le Fonds national de péréquation. Cette caisse qui devrait servir à soutenir le développement des certaines provinces non pourvues suffisamment des recettes publiques. De même, le gouvernement central n’a rétrocédé que 52% des prévisions de transferts destinés aux provinces. Pire, le gouvernement a plafonné ses dépenses du premier trimestre à seulement 901 millions USD, soit moins de 10% du Budget 2020. Sur un budget de 11,2 milliards, le gouvernement entend consommer moins de 10% seulement durant tout un trimestre.
Plus grave, le plan de Trésorerie a opéré des coupes budgétaires principalement dans les dépenses destinées aux investissements sur ressources propres. Plafonnés à 3 697 707 millions CDF (2,195 milliards USD) dans le Budget voté au Parlement, les investissements sur ressources propres sont réduits à 922 222 millions CDF (547,637 millions USD) dans le Plan de Trésorerie du ministère des Finances. Pourtant, ce sont les investissements qui boostent l’économie.
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Tout ceci montre que le gouvernement vit au-dessus de ses moyens, se contentant de financer ses déficits par la planche à billet. Bref, l’exécutif ne mobilise pas assez des moyens financiers pour poser des actions que le président de la République a promises en 2020. Dans ce contexte, il va falloir que le chef de l’Etat, soit il met la pression sur son gouvernement pour qu’il mette en œuvre des réformes susceptibles de booster la mobilisation des recettes afin de faire face aux dépenses, soit il remanie son gouvernement pour s’entourer des ministres capables de l’aider à réaliser son projet de société.
Est-il que la pandémie du coronavirus vient compliquer davantage la tâche à cet Exécutif qui montre ses limites dans la mobilisation des recettes publiques. Le coronavirus a commencé à impacté l’économie nationale. La Banque centrale a baissé les prévisions du taux de croissance pour 2020 de 4,6% à 4,1%. Dès lors l’incertitude sur la propagation de cette pandémie dans le monde induit la chute de la demande internationale. Or, l’économie de la RDC reste extravertie, dépendant des cours des matières premières sur le marché international et de la demande internationale. Il en résulte que la persistance du coronavirus va affecter les recettes extérieures de la RDC et donc va amoindrir les moyens d’actions du gouvernement.
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Gouverner c’est prévoir
Depuis toujours, plusieurs gouvernements ont toujours pensé à diversifier l’économie nationale pour ne pas être à la merci de la demande internationale voire des cours de nos matières premières exportées mais sans effet concret. La conséquence est que la diversification de l’économie et l’industrialisation en RDC restent des vœux pieux pour les gouvernements successifs.
En cas de persistance du coronavirus, la RDC risque même de connaitre la carence des produits de grande consommation qui sont importés. Ce qui va occasionner une crise sociale dans un pays qui regorge plus de 80 millions d’hectares de terres arables non sans compter les 40 millions de terres irrigables. Ce qui sera un scandale.
Depuis que le gouvernement Ilunkamba est là, on ne voit pas des actions susceptibles d’inverser le modèle économique de la RDC. Il n’y a pas d’investissements importants dans l’agriculture pour absorber ce chômage de masse qui frappe les Congolais. Il n’y a pas non plus une politique d’industrialisation du pays pour transformer localement ne serait-ce que les productions alimentaires.
2019 a été une année de gr$ace pour le cinquième président de la RDC. En 2020, le chef de l'Etat risque de ne pas avoir de sursis s'il ne parvient pas de poser les actions que lui-même apromises aux Congolais. On entend de moins en moins les dirigeants faire allusion au slogan "le peuple d'abord" par manque d'actions en faveur de ces populations.
Amédée Mwarabu