RDC : l'éxécution du budget 2020 bat de l’aile

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PAR Deskeco - 06 mar 2020 10:57, Dans Finances

Le Plan de trésorerie réduit de 31% les recettes fiscales et non fiscales du Budget 2020. Le Plan d’engagement budgétaire plafonne à moins de 10% du Budget 2020 les dépenses du gouvernement au premier trimestre. La caisse nationale de péréquation n’a pas été activée en janvier 2020. Les transferts aux provinces n’ont été que de 52% en janvier 2020. Autant des faits qui prouvent que le Budget 2020 bat de l’aile.

Le gouvernement n’a pas les moyens de sa politique. Au point que le Budget 2020 estimé à 11 milliards USD a été « mis de côté » pour ne jurer que sur le « Plan de Trésorerie » et le « Plan d’engagement budgétaire » qui, tous les deux, réduisent sensiblement les moyens de l’Etat.

Les ministres des Finances et son collègue du Budget auront beau expliquer que « le Budget n’est pas réduit » mais dans le fait c’est ce qui s’observe et de manière criante. A quoi sert un budget qu’on n’applique pas ?

Un Plan de Trésorerie qui piège les régies financières

Le Plan de Trésorerie publié en février par le ministre des Finances réduit de 31% les recettes fiscales et non fiscales du Budget 2020. Et l’argentier national a dit mille fois que ce Plan de trésorerie est « réaliste »  parce qu’il tient compte de la situation conjoncturelle de janvier et février 2020. D’autres experts ont contredit pour dire qu’il était prématuré de tabler sur la situation conjoncturelle de deux mois de début d’année pour extrapoler sur l’ensemble de l’exercice 2020.

Est-il que le Plan de Trésorerie du secteur public a réduit les recettes fiscales et non fiscales du budget 2020 de 13 025 825 milliards CDF (7,735 milliards USD)  à 8 897 000 milliards CDF (5,283 milliards USD), soit une baisse de 31,70%, selon nos calculs. Bien sûr que ce Plan de trésorerie ne tient pas compte des ressources extérieures et des recettes des comptes spéciaux qui sont déjà préfinancées.

Pour le ministère des Finances, ce niveau des recettes de son Plan de trésorerie se réfère « aux déclarations actuelles des Régies financières après prise en compte notamment des ralentissements consécutifs  de la croissance mondiale et leurs répercussions sur la croissance intérieure ainsi que  des effets décalés résultant de l'effondrement au dernier trimestre 2018 du cours du Cobalt ».  Dont acte.

En janvier 2020, le compte général du Trésor a accusé un déficit de 99,9 milliards FC financé par les avances monétaires de la Banque centrale du Congo. Le FMI a tonné, sommant le gouvernement de ne plus recourir aux avances monétaires de la BCC et même de rembourser celles déjà perçues. C'est dans ce cadre que le ministère des Finances a promis de réaliser un excédent à fin mars de 33 milliards, tablant notamment sur l'apport des Bons du Trésor. Mais, cet excédent visé c'est par rapport au Plan de Trésorerie et non par rapport aux prévisions des recettes du Budget 2020. Avec son Plan de trésorerie, l'argentier national a, ipso facto, réduit aussi les assignations des recettes des régies financières.

Des dépenses publiques au minima

De son côté, le vice-premier ministre du Budget, son Plan d’engagement budgétaire, du moins pour le premier trimestre 2020, plafonne les dépenses du gouvernement à 1 518 145 768 160 FC (901,511 millions USD), soit moins de 10% des dépenses régulièrement prévues dans le Budget 2020, hormis les dépenses financées sur ressources extérieures et les dépenses propres aux provinces.

C’est avec les dépenses réalisées au courant du mois de janvier 2020 qu’on se rend vraiment compte de l’impact et du Plan de Trésorerie et celui du Plan d’engagement budgétaire dans la réalisation des actions du gouvernement sur le terrain.

En effet, au mois de janvier 2020, le gouvernement central a transféré aux 26 provinces de la RDC, via exclusivement le paiement des rémunérations, une somme équivalant à 158 895 149 133 FC (94 millions USD au taux budgétaire annuel moyen de 1684 FC le dollar américain) contre des prévisions linéaires de 304 019 973 560 FC (180,534 millions USD), soit un taux de réalisation de 52%, indique le rapport sur les états de suivi du Budget. Le Trésor n’a déboursé aucun rond pour les dépenses d’investissement en province en janvier 2020, selon les données de la Direction de la Préparation et du suivi du Budget.

Signalons aussi que les états de suivi du Budget du mois de janvier 2020 renseignent que le gouvernement Ilunkamba n’a pas actionné le Fonds de péréquation, selon la Direction de la Préparation et du suivi du Budget. En janvier 2020, selon les prévisions linéaires du Fonds de péréquation étaient estimées à  90 172 006 142 FC mais rien n’a été décaissé pour les bénéficiaires que sont les provinces.

Selon l’article 8 de la Loi des finances 2020, les ressources de la Caisse Nationale de Péréquation pour l’exercice 2020 sont estimées à 1.082.064.073.706 FC (642,555 millions USD). Ce Fonds est destiné au financement des projets et programmes d’investissement public, en vue d’assurer la solidarité nationale et de corriger le déséquilibre de développement entre les provinces et entre les entités territoriales décentralisées.

Parmi les coupes budgétaires qui sont effectuées dans les dépenses, il y a notamment la réduction du budget réservé aux  investissements sur ressources propres du gouvernement. Plafonné à 3 697 707 millions CDF (2,195 milliards USD) dans le Budget voté au Parlement, soit 1 177959 millions CDF (699,500 millions USD)  pour les investissements du gouvernement central et 2 519 748  millions CDF (1,496 milliard USD) pour les investissements  des provinces, les investissements sur ressources propres sont réduits à 922 222 millions CDF (547,637 millions USD) dans le Plan de Trésorerie du ministère des Finances, soit 374 799 millions CDF (222,564 millions USD)  pour les investissements du gouvernement central et 547 423 millions CDF (325,073 millions USD) pour les investissements des provinces.

Pour le FMI, il faut mobiliser plus des recettes

C’est dans ce contexte de faiblesse de mobilisation des recettes que le président de la République, Félix Tshisekedi, s’est rendu à Washington où il a rencontré notamment la directrice du Fonds monétaire international. La RDC exécute un Programme test (octobre 2019-mai 2020) du FMI, préalable à la conclusion d’un programme formel triennal dans le second semestre.

 "J'ai eu un excellent échange avec le président de #DRC Félix #Tshisekedi. Nous avons discuté de l'importance pour le gouvernement de prendre des mesures audacieuses pour augmenter les recettes, améliorer la gouvernance et protéger les dépenses sociales, tout en limitant les dépenses aux ressources disponibles», a tweeté Kristalina Georgieva après la rencontre avec Félix Tshisekedi.

En clair, le FMI a dit au chef de l’Etat que  la mobilisation des recettes reste le seul moyen pour mettre en œuvre son projet de société dit « le peuple d’abord ». Et c’est le tendon d’Achille du gouvernement Ilunkamba en exercice depuis le 6 septembre 2019.

A la suite de ce message du FMI, deux jours après, le Premier ministre a effectué une descente à la DGDA pour y prêcher la maximisation des recettes. Alors maximisation par rapport aux assignations du Plan de trésorerie ou par rapport au Budget voté et promulgué ? Le chef du gouvernement a même promis de se rendre en province pour inspecter le travail des régies financières aux postes frontaliers. Le chef de l’Etat a fait le même exercice l’année passée. Sous Matata, les ministres de l’ECOFIN ont sillonné quasiment toutes les provinces pour le même objectif d’accroitre des recettes.

L’exercice 2020 est encore au début. Le gouvernement doit se raviser et se mettre au boulot. Le seul challenge de l’Exécutif national reste l’accroissement des recettes publiques afin de financer l’économie. Pour cela, il faut juste mettre en œuvre les mesures déjà arrêtées (les 28 mesures d’urgences du gouvernement Matata notamment) pour stopper le coulage des recettes, lutter contre la fraude fiscale et douanière ainsi que la corruption.

Au-delà, le Chef de l'Etat doit prendre le courage de réduire le train de vie des institutions politiques.

Amédée Mwarabu

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