Transfèrement des eaux de l'Ubangi: La société civile appelle à un cadre de concertation unique

PAR Deskeco - 18 avr 2019 13:10, Dans Actualités

Lors de son récent séjour à Kigali, au Rwanda, où se tenait la 7ème édition d'Africa CEO FORUM, Félix Tshisekedi a ouvert une brèche en lâchant "au niveau de l’embouchure juste un tout petit peu avant la rencontre avec les eaux de l’océan, il y a moyen de capter cette eau du fleuve et de l’envoyer via des pipelines à des pays qui en ont besoin".

Plus justement, les propos du chef de l’Etat sont les suivants :" Au sujet de l’eau, qui est aussi une des batailles à venir. On peut réfléchir à des solutions, au niveau de l’embouchure juste un tout petit peu avant la rencontre avec les eaux de l’océan, il y a moyen de capter cette eau du fleuve et de l’envoyer via des pipelines à des pays qui en ont besoin plutôt que d’aller dans ce qu’on a proposé à un moment donné au Tchad, c’est-à-dire le fait de dévier le fleuve Ubangi ce qui peut avoir des conséquences y compris sur l’énergie, notamment les tourbières qui servent au monde entier de poumon pour absorber les carbones. Nous pensons qu’il y a d’autres solutions et la RDC est prête à les proposer à ses partenaires pour réussir cette intégration qui nous tient tant à cœur ».

Cette déclaration du Chef de l'Etat a suffit pour sortir du bois scientifiques et défenseurs de l'environnement. Au point qu'il y a aujourd'hui plusieurs thèses qui s'affrontent par médias interposés.

Selon les pro-transfèrement des eaux, notamment le professeur Dieudonné  Musibono, le transfèrement ou la vente par pipeline vers le Tchad peut rapporter jusqu'à 30 milliards USD à la RDC.

"Depuis plus de 10 ans, je soutiens qu'il EST "possible" après "Études environnementales, techniques et économiques" de transférer l'eau vers le Tchad. Le Lesotho vit du transfèrement de son eau vers la RSA. Seules les études montreront la décision finale à prendre. Il n 'y a donc pas de contradictions. On devra apprendre à confronter les arguments sur la base des données scientifiques solides. Les émotions bloquent les initiatives.  Je soutiens que l'on devrait bien exporter de l'eau brute vers le Tchad après EIES et physiques pour déterminer les quantités à prélever et le lieu de prélèvement sans impacts négatifs significatifs. Exclus: oubangi et amont du barrage d'Inga. Zone idéale: aval de Boma". Telle est la thèse du professeur Dieudonné Musibono, répondant à Joseph Bobia qui a contesté sa thèse défendue sur les antennes de la télévision publique, la RTNC.

De son côté, le professeur Albert Kabasele, Directeur de l'observatoire spatial des ressources naturelles et du climat (OSRNaC) réfute tout projet de capter l'eau de l'Ubangi ni du du fleuve Congo parce qu'il aurait des conséquences incommensurables sur l'écosystème congolais.

Dans une lettre ouverte adressée à Félix Tshisekedi en mars 2018, le professeur Albert Kabasele, expert physicien, propose plutôt de transférer, pour raison humanitaire, les eaux de la rivière Shiloango.

"les soi disant milliards gagnes avec ce projet non écologique de transfèrement des eaux d’Ubangi ne sauront sauves la RDC de dégâts environnementaux provoques.je propose que l’on explore la possibilité de transfèrement non sans risque des eaux de notre deuxième fleuve Shiloango pour aider de façon humanitaire le tchad et le sahel, y compris la SADC au sud, tous demandeurs des eaux du Congo, afin d'atténuer tant soi peu le risque de guerre inévitable de l’eau contre la RDC", note Albert Kabasele dans sa lettre ouverte adressée au chef de l'Etat en mars 2019.

Tout aussi, ce scientifique soutient que l'Ubangi lui même perd de sa superficie depuis 1960.

“La Qualité de nos Exposés Scientifiques Appuyés par un Système d’Informations Géographiques Numériques SIG, par des Cartes Hydro Climatiques, par des Données Satellitaires et In Situ, et, par des Équations des Modèles Mathématiques Prévisionnels du Système d’Alerte Précoce, étaient sans Concession Politique pour Refuser le Projet de Transfèrement de la Rivière UBANGI et/ou des Eaux du Bassin de Congo vers Nulle Part Ailleurs. Car, d’après nos Résultats Scientifiquement Établis dans les Revues Scientifiques, Nous Disons Sans la Peur d’être contredit, que La Rivière UBANGI a perdu la Moitié de son Débit en Soixante années, soit de 1960 à nos Jours. Depuis lors, son Débit ne Cesse de Régresser de 6000 mètre cube par seconde autre fois en 1960, pour atteindre aujourd’hui 3000 mètre cube par seconde voire 1000 Mètre-Cube en étiage aiguë par moment, Provoquant ainsi la baisse de la pluviométrie dans le Bassin versant, avec un effet domino sur la chute de son indice forestier NDVI vu par Satellite, entraînant de facto l’Ensablement récurrent du lit navigable de la rivière, qui rend UBANGI, la seule Autoroute Fluviale du Nord, NON NAVIGABLE PENDANT NEUF MOIS SUR DOUZE par des Petits Bateaux et Baleinières de fortune!”, renchérit le professeur Albert Kabasele dans cette même lettre ouverte.

Pour la société civile, tant qu'il n'y aura pas une étude d'impact environnemental et social, la RDC ne saurait décider en connaissance des causes sur cette question.


"Notre souci est de parvenir à un cadre de concertation pour rapprocher tout le monde au lieu de s'éloigner entre scientifiques et acteurs qui développent thèses éparpillées. Le transfèrement des eaux est d'abord fonction d'une étude d'impact social et environnemental impartiale qui n'existe pas encore. Cette étude est différente de toutes les études de faisabilité menées par ceux qui tiennent mordicus à cette ressource. Il y a aussi trop de thèses qui se développent autour de ce transfèrement. Il faudra un cadre de concertation pour mettre ensemble toutes ces thèses, les idées  et les débattre. Ces thèses n'enlèvent en rien l'importance de l'étude d'impact social et environnemental impartiale qui est la base qui renseignera la population congolaise, souverain primaire, à qui revient la décision de dire oui ou non au transfèrement d'eau", soutient Joseph Bobia, Secrétaire général du Bureau de Veille et de Gouvernance des Ressources Naturelles (BVGRN), contacté par DESKECO.COM.

"Tout ce que ces autres pays brandissent comme études de faisabilité sont fausses /tendancieuses et ont été menées sans les congolais qui sont les premiers concernés. Nous ne laisserons jamais passer un projet suicidaire même si le Tchad a dit qu'il prendrait l'eau de force que la RDC veuille ou non. Le même Tchad vend l'eau du lac Tchad, dont une partie est enfouie dans le sable, à la Libye et au Nigeria (les dividendes ne bénéficient pas aux populations). Le Tchad déjà affaibli devra s'occuper d'abord de ses problèmes internes  à lui pour son propre développement avant d'attaquer la RDC (peut être avec les moyens d'autres puissances comme le cas dernièrement dans sa partie Nord). Cette éventuelle attaque ne contribuerait guère à son développement. La RDC résistera avec la dernière énergie", renchérit cet activiste défenseur de la nature se confiant à DESKECO.COM.

Et de préciser :"Mais attention, il y a d'autres langues qui nous disent que le fait d'accepter de mener l'étude d'impact égale que l'on accepte le transfert des eaux. Nous disons NON" .

La société civile estime qu'il existe un complot international contre la RDC sur cette question de transfert des eaux du bassin du Congo.  A la Cop 23 à Bonn, en décembre 2017, des documentaires avaient été projetés alléguant que "le fleuve Congo est un bien propre au Congo Brazzaville".

Le lac Tchad a perdu 90% de sa superficie en 40 ans. Quatre pays bordent ce lac dont le Tchad, le Cameroun, le Nigéria et le Niger. Plusieurs projets sont initiés par le Tchad et le Sahel pour tenter de régénérer les eaux de ce lac par la captation des eaux de la rivière Ubangi que la RDC partage avec la République centrafricaine. Les dirigeants Tchadiens ont juré plus d'une fois de prendre “de gré ou de force” l'eau du Bassin du fleuve Congo pour sauver le lac Tchad. L'ancien président Joseph Kabila, janvier 2001 à janvier 2019, s'y est toujours opposé. Les observateurs attendent voir comment le nouveau président de la RDC, Félix Tshisekedi, va gérer cette question.

Amédée Mwarabu

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