RDC : Les 3 vérités sur l’origine des comptes bancaires « fictifs » identifiés dans le fichier de la paie des agents de l’Etat.

PAR Deskeco - 16 sep 2019 14:33, Dans Actualités

Selon le comité de suivi de la paie des agents de l’Etat ces rémunérations devraient être bloquées immédiatement. 4 516 agents devraient bénéficier d’un moratoire dont la durée devrait être déterminée au cas par cas, sans toutefois dépasser 3 mois. Cette situation fait disparaître d’important moyen à l’Etat. La rédaction de deskeco.com revient ici sur les origines de ces comptes déclarés « non-identifié » par le comité de suivi de la paie des agents de l’Etat.

Ce que dit le contrat signé entre le Gouvernement et l’ACB

Dans le but de rationaliser la paie des agents de l’Etat, assainir le fichier de la paie et maîtriser la masse salariale, le Protocole d’Accord sur la Paie des agents et fonctionnaires de l’Etat a été signé le 02 décembre 2012 entre, d’une part, le Gouvernement du Congo, représenté, à cette occasion, par:  Le Vice-Premier Ministre, Ministre du Budget, Daniel MUKOKO SAMBA ; -le Ministre de la Fonction Publique, Jean-Claude KIBALA N’KOLDE ; Le Ministre Délégué auprès du Premier Ministre, chargé des Finances, Patrice KITEBI KIBOL M’VUL. D’autre part, l’Association Congolaise des Banques "ACB" représentée par Yves CUYPERS, Président ad intérim. 

Le Gouvernement congolais avait pour responsabilité de : transmettre à l’ACB les listings de paie des agents et fonctionnaires de l’Etat en formats électronique et papier, préalablement visés par le Ministère de la Fonction Publique ; prendre en charge les frais de tenue de compte, ainsi que la rémunération des prestations des membres de l’Association, arrêtée à l’équivalent en francs congolais de USD 3,6 HT (trois dollars américains et soixante centimes hors taxe) par agent ou fonctionnaire payé, de commun accord avec cette dernière ; garantir, par le biais de la Banque Centrale du Congo, la liquidité des opérations de paie des fonctionnaires et agents de l’Etat afin d’éviter les problèmes de trésorerie afférents à la paie auprès des Banques commerciales intervenantes ; Inviter les fonctionnaires et agents de l’Etat à se présenter individuellement au guichet de la Banque commerciale qui leur sera désignée.

Les banques commerciales devraient : gérer la répartition des listings entre les banques commerciales intervenantes ; veiller au paiement du salaire de base et de la prime des agents et fonctionnaires d’un service public par une même banque commerciale ; obtenir auprès des différentes Banques commerciales intervenantes, l’ouverture de comptes individuels en francs congolais pour les fonctionnaires et agents de l’Etat ; adresser au Gouvernement, par le biais du Comité de Suivi de la Paie ; veiller à ce que chaque banque commerciale intervenante accomplisse ses obligations (Procéder à l’ouverture de comptes individuels pour  les agents et fonctionnaires de l’Etat désignés sur les listings, Rendre les salaires disponibles dans les comptes des bénéficiaires, …).

La discordance des listings entraîne la disparition de 100 millions USD en cinq an

Cinq ans après l’opération de bancarisation, un audit de la Cour des comptes de 2016 s’inquiète de la mauvaise application des clauses de contrat entre le Gouvernement congolais et l’association des banques commerciales. Cet organe de contrôle constate la persistance et accroissement des reliquats de la paie ; non actualisation des listings de paie ; destination incorrecte des listings de paie envoyés en provinces par la Direction de la Paie ; non-paiement des agents et fonctionnaires de l’Etat affectés dans les localités éloignées des succursales des banques commerciales intervenantes ; discordances entre les listings de paie et les avis des crédits ; Faible taux de bancarisation ; Non tenue des engagements par les parties prenantes au Protocole d’Accord.

Par ailleurs, la cour des comptes identifie des nombreuses discordances entre les montants de listings de paie et des avis de crédits. Pour l’exercice 2015 par exemple, les listings totalisent CDF 527 024 907 689,10 (315 772 862,60 USD) tandis que les avis de crédits donnent, quant à eux, un montant de CDF 689 942 066 323,63 (413 386 498,69 USD) soit un écart de 162 917 158 634,53 FC soit 100 millions USD des salaires des agents de l’Etat, fait remarquer la Cour des Compte. Pour effectuer la paie, les banques font recours à des guichets mobiles (Agents payeurs des banques ou sous-traitants).

Lors de la session ordinaire de septembre 2017, le rapport de la cour des comptes sur la bancarisation est déposé au bureau de l’assemblée nationale pour examen. Cependant, le Bureau de la chambre basse refuse de l’inscrire à l’ordre du jour de la session. Du coup, il était donc difficile de retracer les 100 millions USD des salaires des agents de l’Etat.

Faible couverture des banques à l’origine de l'accroissement des reliquats?

Le reliquat de la paie est une résultante du montant sur l’avis de crédit alimentant la liquidité des banques intervenantes et le listing de paie établissant l’exigibilité des rémunérations dues aux agents et fonctionnaires de l’Etat.  Par une correction à retards échelonnés, sur base des rapports sur la paie, les montants libellés sur les avis de crédit devraient concorder, au bout d’une période, avec ceux portés sur les listings de paie.

Les banques chargées de payer les agents de l’état ne couvrent pas entièrement toutes les localités de la RDC où sont affectés les agents et fonctionnaires de l’Etat. A titre illustratif, le cas de la province du Haut Lomami qui ne dispose que d’une seule banque, à savoir la TMB, laquelle n’est implantée que dans le chef- lieu ; la province du Kasaï central où certains agents sont payés par Airtel Money comme sous-traitant de RAWBANK, succursale de Kananga. Selon le syndicat des enseignants du Congo, le séjour sur place de ces guichets mobiles n’excède pas généralement trois jours. 

Par conséquent, les salaires non payés sont retournés à la Banque, qui les assimile aux reliquats à verser dans le sous-compte du compte général du Trésor. Le rapport de la Cour des comptes sur la bancarisation a découvert un reliquat de 15 318 810 388,59 FC soit 9,178 millions USD en 2016.

Pour pallier la déficience des banques commerciales intervenantes, la Cour des Comptes avait recommandé au Gouvernement d’impliquer les institutions financières publiques telles que la CADECO et la Société Commerciale des Postes et Télécommunications (SCPT), qui sont implantées à travers toutes la République et qui ont eu, dans le passé, à effectuer de manière satisfaisante ce genre d’opération; la Poste y a facilité la paie des salaires des agents et fonctionnaires par voie des mandats postaux. La même recommandation a toujours été formulée par les organisations de la société civile. Mais, les différents gouvernements ont toujours fait fi de la proposition.

Sept ans après l’application de la bancarisation, les reliquats persistent et s’amplifient davantage. La découverte de 5 823 agents non « identifiés » est une opportunité pour le nouveau gouvernement de faire la lumière sur cette affaire.

VM Goffman

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