Interdiction de la mission de contrôle
Le 21 août 2019, la Fédération des entreprises du Congo a saisi le Directeur de Cabinet du Chef de lEtat pour lannulation dune mission de contrôle effectuée auprès de ses membres, BRALIMA, BRACONGO, COMEXAS, CENTRAL MOTORS et SOCIR.
« Nous avons lhonneur de venir, une fois de plus, auprès de votre autorité dénoncer les missions diligentées par linspection générales des finances et ce, en violation de lesprit de la loi du 13 juillet relative aux finances publiques. Ses articles 121 et 122 limitent le contrôle de lIGF aux entreprises ayant bénéficié du concours de lEtat. Ce qui nest pas le cas de ces sociétés. Sagissant des impôts, larticle 25 de la loi portant réformes des procédures fiscales reconnaît lexclusivité de lexercice du contrôle à ladministration fiscale ».
Le 02 septembre 2019, dans un courrier adressé à la Fédération des Entreprises du Congo, le Directeur de Cabinet du Chef de lEtat, Vital Kamerhe, interdit à lInspection générale des finances deffectuer cette mission de contrôle. Alors quelle devrait vérifier la régularité des déclarations dimpôts, taxes, redevances de ces entreprises auprès des administrations fiscales.
« Les missions de lInspections générales des finances devraient requérir linstruction de la Présidence de la République dont elle en dépend, ou tout au moins, en être informé, conformément à lordonnance du 8 décembre 2009 modifiant et complétant celle du 15 septembre 1987 portant création de linspection générale des finances », indique le courrier.
Au niveau de linspection générale des finances, on a indiqué avoir été alerté par une dénonciation. Laquelle renseigne la minoration des bases taxables par ces sociétés membres de la FEC. Et le Président de la République en était au courant.
Interprétation sélective des lois sur les finances publiques
Le contrôle exercé par les administrations fiscales, évoqué par larticle 25 de la loi portant réforme des procédures fiscales est un contrôle du premier degré. Celle des institutions supérieures de contrôle est effectué en second degré, tel que prévu par le Législateur. Cest une mission de vérification et de contre-vérification des déclarations des assujettis envers les administrations fiscales.
Ainsi, larticle 4 de lordonnance-loi du 8 décembre 2009 modifiant et complétant celle du 15 septembre 1987 portant création de linspection générale des finances, citée dans le courrier de Vital Kamerhe, place lIGF sous lautorité directe du Président de la République et non de la Présidence de la République.
« LInspection Générale des Finances (IGF) en tant que service daudit supérieur du Gouvernement, peut procéder à toute mission de contre-vérification, au second degré de toutes les situations douanières, fiscales ou parafiscales des contribuables ou redevable dimpôts, droits, taxes ou redevances, soit en cas de découverte dune fraude lors de lexécution dune mission de contrôle ou de contre-vérification, soit sur une réquisition des autorités politiques et administratives, soit sur une réquisition des autorités judiciaires, soit par une dénonciation de tiers », renseigne larticle 2 bis de lordonnance-loi du 8 décembre 2009 modifiant et complétant celle du 15 septembre 1987 portant création de linspection générale des finances.
En plus, les articles 121 et 122 de la loi relative aux finances du 13 Juillet 2011 donnent à linspection générale des finances la compétence générale en matière de contrôle des finances et des biens publics. Elle peut accomplir toute enquête ou mission de contrôle, de vérification, de contre-vérification et de surveillance de toutes les opérations financières, en recette et en dépenses, du pouvoir central ainsi que des organismes ou une mission de contre-vérification, de vérification de toutes les opérations financières de lEtat .
Larticle 11 de lordonnance-loi du 8 décembre 2009 modifiant et complétant celle du 15 septembre 1987 portant création de linspection générale des finances donne cette compétence à la brigade de lIGF en charge de la contre-vérification de la douane, de la fiscalité, parafiscalité et la comptabilité ; vérifie au second degré, toutes les situations douanières, fiscales, parafiscales.
Laudit de lIGF risque d'éventrer le boa?
La FEC nest pas à son premier forfait, sinquiète les Organisations de la société civile. Dans un mémorandum adressé le 10 septembre 2019 au chef de lEtat, elles dénoncent la léthargie des autorités qui reculent devant les intransigeances de la FEC. Son opposition à la mission de contrôle de lIGF effectuée à la BRALIMA, BRACONGO, COMEXAS, CENTRAL MOTORS et SOCIR ne nous surprend pas. Car, les entités soumises au contrôle de lIGF refusent toujours la collaboration. Ces entreprises utilisent plusieurs astuces pour échapper au paiement de certains impôts et taxes, a-t-elle ajouté.
Selon certaines sources contactées par DESKECO.COM à la Direction Générale des Impôts (DGI), de fois, ces entreprises membres de la FEC minorent les bases taxables, notamment par la fausse déclaration des chiffres daffaires, de nombre des agents pour le paiement de limpôt sur les revenues (IPR), non publication des états financiers, etc.
Au Niveau des experts de la Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA) et du Ministère des Postes, téléphones et télécommunications-Nouvelles technologie de lInformation et de la Communication, on indique cependant que le secteur des télécommunications, des mines et des hydrocarbures connaît aussi le même problème. Le Gouvernement a tenté depuis 2014 de diligenter des missions daudit des sociétés de télécommunications (Vodacom, Airtel, Orange, Tigo, Africell, etc.) dans le but de maîtriser le secteur et améliorer ses recettes. Malheureusement, il a fait face à une opposition catégorique de la Fédération des Entreprises du Congo, FEC.
Risques dune faible mobilisation de lEtat
Le secteur de télécommunication est classé troisième pour sa contribution au budget de lEtat. Suite à lopposition de la FEC aux différentes missions de contrôle, il est caractérisé par : le non-paiement des dettes de lEtat (taxe de régulation, taxe sur le chiffre daffaires) ; la minoration de la base taxable (le Chiffre daffaires), étant donné que lEtat ne dispose pas de moyens de contrôle adéquats, Switch ou Gateway, par exemple. En 2018, la vente de licence 4G aux sociétés de télécommunications à linstar de Orange, VODACOM et AFRICELL a rapporté 41 millions USD. Alors que le Congo Brazzaville a encaissé 100 millions USD pour la même opération la même année. Du coût on assiste à la diminution des recettes du secteur, qui sont chiffrés à ces jours à moins de 200 millions USD.
En plus, il y a la question de la maîtrise des exonérations accordées aux entreprises publiques comme privées, que les institutions supérieures de contrôle doivent vérifier la régularité, pour améliorer les recettes publiques. Car, depuis 2012, les audits de la cour de comptes ont renseigné des exonérations accordées de manière illégales par lEtat aux entreprises, telles que BANRO, PERENCO, SIDI, MIDEMA, Magasins chinois, etc. Ces dépenses fiscales inéligibles font perdre à lEtat environs 4 milliards USD, selon les régies finances de la RDC.
Par ailleurs, à ces jours, les recettes de lEtat ont sensiblement diminué dans tous les secteurs. Les recettes domestiques ne représentent que 4,9 milliards USD, mettant la RDC en situation de fragilité aiguë. Même le Fonds Monétaire Internationale en a fait allusion dans son communiqué du 3 septembre 2019. En 3016, l'on se souvient encore lorsque le Premier Ministre, Matata Mponyo, avait pris la même décision, suspendant le contrôle des entreprises. La conséquence était désastreuse pour les finances publiques. Les administrations fiscales navaient mobilisé que 4 milliards USD en 2016.
Labsence de contrôle serait une mauvaise affaire pour le Président de la République, Félix Tshisekedi qui a placé la lutte contre la pauvreté, la gratuité de léducation de base; laccès universel au soin de santé primaire, à leau et à lélectricité; la sécurisation de lEst de la RDC, ... au premier plan de son quinquennat. La réussite de ces priorité nécessitera une mobilisation accrue des recettes de lEtat.
VM Goffman