“Nous voulons un Fonds minier qui soit au service des générations futures” (Georges Mukuli) 

PAR Deskeco - 25 juil 2019 17:30, Dans Actualités

Ce jeudi 25 juillet 2019, DESKECO.COM s’est entretenu avec Maître Georges Mukuli, l’un des experts dans le secteur minier. Il a participé activement dans l’élaboration du code minier révisé et du règlement minier. Il est également le Directeur  des programmes de Southern Africa Resource Watch (SARW), une organisation de la société civile évoluant dans le secteur minier. Georges Mukuli explique ici les avantages des mesures déjà appliquées et le défi qui attend l’Etat congolais dans ce secteur clé de l’économie nationale. Interview.

DESKECO.COM : Bonjour Me George, quelles sont les dispositions du nouveau Code minier qui sont déjà appliquées et quel avantage le pays en a tiré ?

Georges Mukuli :Je peux vous dire qu’il y a beaucoup de dispositions qui sont déjà appliquées. Par exemple, la loi dit que toutes les sociétés minières doivent conformer leur objet social uniquement dans le secteur minier. Aujourd’hui toutes les compagnies minières ne travaillent que pour le secteur minier. La redevance minière a quitté pour les uns de 2.5 à 3.5 ou encore de 2 à 10%  pour les minerais stratégiques. Je n’ai pas encore vu une entreprise minière qui s’oppose à ça. La preuve est que beaucoup de territoires ou chefferies qui n’avaient rien se retrouvent aujourd’hui avec 1 ou 2 millions USD ou même 5 milles USD. Comme ils n’ont pas été préparés, ils gèrent mal cet argent. Donc, c’est le point positif du code minier mais qui n’est pas bénéfique à cause de la mauvaise gestion de ces revenus. La loi exige également  un cahier de charges. Et aujourd’hui toutes les compagnies ont élaboré leur cahier de charge sur lequel elles doivent discuter avec les communautés locales. Il est aussi demandé à toutes les entreprises de rapatrier 60% de leurs recettes au pays. Elles sont en train de le faire, etc. Les autres dispositions qui ne sont pas encore appliquées dépendent peut-être de difficultés des entreprises ou du gouvernement qui n’est pas encore mis en place ou encore d’autres facteurs.

Que pensez-vous de compagnies minières qui disent travailler à perte à cause de redevances et taxes exigés par le code minier révisé ?

Georges Mukuli : Lorsqu’on a déclaré coltan, cobalt et germanium comme minerais  stratégiques, il y a eu de grandes discussions surtout lors de l’élaboration du règlement minier. Ces discussions étaient pour savoir, est-ce qu’il fallait déclarer ces minerais stratégiques avec comme conséquence la hausse du taux de la redevance minière à cause du prix sur le marché international. Cet avis n’était pas du tout positif. On se demandait est-ce qu’il fallait les déclarer minerais stratégiques juste pour des raisons économiques (Prix) ? Aujourd’hui, on se rend compte que nous avions  raison de dire qu’il ne fallait pas le faire. Le cobalt qui se vendait à plus de 90.000 USD/Tonne est descendu jusqu’à moins de 30000 USD/Tonne. Les entreprises qui ont investi avec l’espoir qu’elles vont gagner aujourd’hui elle se retrouvent en difficultés. Mais il est aussi vrai que toutes ces entreprises n’ont pas construit leurs études de faisabilités sur base de 90.000 USD. C’est peut-être à 30.000 USD qu’ils l’ont fait. C’est la même chose pour le coltan. Son prix a également baissé sur le marché international. Donc ce n’est que normal si le prix n’est pas celui sur lequel la compagnie avait construit son étude de faisabilité.

Que doit faire l’Etat congolais pour résoudre cette situation ?

Georges Mukuli : Nous avons toujours demandé au gouvernement de faire des conciliations. Si l’Etat était aussi acteur dans le secteur minier, on aurait résolu déjà ce problème. Par exemple si la Gécamines était un grand producteur du cobalt ou du cuivre, nous lui auront demandé de nous donner la réalité du marché par rapport à ce que disent les autres grandes compagnies minières privées. Là, la Gécamines pouvait éclairer le Président de la République et le Gouvernement. Mais,  elle n’est pas capable de dire si les opérateurs miniers privés mentent ou pas. La Gécamines peut dire qu’elle l’expérience mais ça ne suffit pas puisque si tu n’as pas une grande production et que tu ne dépenses pas beaucoup d’argent dans le transport et l’exportation tu ne peux dire s’ils mentent ou pas. Donc, il est temps que notre Etat, pour contrôler ce que les autres déclarent comme pertes, devienne un acteur à travers ses compagnies.

Que doit-on faire pour le fonctionnement effectif du Fonds minier ?

Georges Mukuli : Nous attendons que l’Etat prenne le décret créant le Fonds dans le sens de son fonctionnement, son organisation  et peut-être désigner ses animateurs. Les missions de ce Fonds doivent être claires. Au niveau de notre Alternative Mining Indaba (AMI) qu’on a tenu du 9 au 11 juillet 2019 à Kinshasa, il y a beaucoup de discussions pour dire que nous ne voulons pas du modèle du Tchad ou de l’Angola puisqu’ils ont un Fonds souverain et tout le monde s’est enrichi avec. Nous voulons un Fonds qui doit être au service des générations futures. Nous, on nous a laissé les infrastructures par les Belges. Pourquoi nous ne pouvons pas le faire pour les générations futures ? Si on garde ce Fonds encaissé dans une banque, il y a plusieurs craintes. Il peut être utilisé dans un cas de force majeure, une catastrophe naturelle ou  une crise humanitaire. On sera obligé de le dépenser.

Propos recueillis par Auguy Mudiayi

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