RDC : La réforme des finances publiques souffre de la faible implication du gouvernement (Société civile)

PAR Deskeco - 15 juin 2019 15:17, Dans Actualités

Au cours d’un atelier de trois jours organisé par l’ODEP, en partenariat avec le Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11), des experts des institutions publiques et de la société civile se sont penchés sur l’état d’avancement de la réforme des finances publiques en République démocratique du Congo. Le constat qui s’est dégagé de ces échanges est que certes beaucoup de choses ont été faites notamment sur le plan réglementaire mais le parachèvement de la réforme des finances publiques souffre de la faible appropriation des dirigeants.

L'Observatoire de la Dépense Publique (ODEP), avec l'appui de l'organisation belge 11.11.11, a organisé, du 12 au 14 juin au Centre Liloba à Kinshasa, un atelier d'échange et de réflexions sur "la consolidation des acquis du changement de la réforme de finances publiques et de la décentralisation financière".

Les participants à cet atelier sont venus des organisations de la Société civile spécialisées sur les questions des finances publiques, les experts des institutions publiques notamment des ministères des Finances et du Budget.

La décentralisation financière est loin d'être effective

Le premier jour, deux exposés ont été présentés. Le professeur Anselme Meya Ngemba, a exposé sur "la décentralisation financière". Dans son propos, il a indiqué, dès l'entame, que la décentralisation financière est consacrée dans la constitution de la RDC du 18 février 2006 en son article 3. Selon cet expert, la décentralisation financière en RDC concerne les 4 entités territoriales (villes, communes, chefferies, secteurs) et les entreprises publiques et les sociétés d'État.

Cependant, dans son analyse, l'orateur a fait le constat que cette décentralisation financière n'est pas effective. Elle souffre principalement de la faiblesse de la rétrocession de 40%. D'après lui, la rétrocession aux provinces et ETD n'a jamais dépassé 17%. Selon le constat de terrain, le peu de fonds rétrocédés aux provinces sont détournés par le gouverneur et le président de l'assemblée provinciale.

Pour autant, le professeur Anselme Meya soutient qu'il existe des mécanismes d'autofinancement de province mais qui ne sont pas exploités par ces entités. Il a proposé que les provinces exploitent ces mécanismes d'autofinancement pour créer des revenus supplémentaires en vue de leur développement.

Les enjeux de la décentralisation

Le deuxième intervenant, Alfred Kaningele Mugeni, expert de l'institut technique d'appui à la décentralisation, a exposé sur "la décentralisation politique et administrative".  Dans son analyse, il a présenté d'abord les enjeux de cette décentralisation politique et administrative. Selon lui, c'était pour instaurer la paix et sauvegarder l'unité nationale au lendemain des guerres de la décennie 1990.

D'après Alfred Kaningele, il y a 5 critères pour juger de l'effectivité de la décentralisation politique et administrative :Les entités décentralisées doivent avoir une personnalité juridique distincte de celle de l'Etat, il faut qu’il y ait des affaires distinctes entre les ETD et l'Etat,  les autorités qui doivent gérer les ETD doivent être élues, l'existence de l'autonomie financière et de libre administration, l'existence d'une telle.

De ce point de vue, l'expert a noté qu'il existe effectivement une décentralisation politique et administrative en RDC.

Tirant ses conclusions, l'orateur a constaté que malgré cette effectivité théorique, l'Etat devrait se désengager de la main mise sur les ETD, les congolais ne voient pas encore l'impact de la décentralisation, l'impact de la décentralisation reste faible sur le développement, la participation des Congolais à la décentralisation est faible.

Au deuxième jour, le professeur Florimond Muteba, a exposé sur la participation citoyenne aux finances publiques ". Son constat est que cette participation est faible. Si au niveau de Kinshasa, la société civile parvient à accéder aux informations sur les finances publiques, en province, en revanche, l'accès est quasi nul pour les citoyens.

Le professeur Florimond Muteba, concluant son analyse, a noté que le contexte est très difficile pour la participation citoyenne aux finances publiques. Pour autant, il a indiqué que l'exigence de gouvernance d'accepter que les citoyens soient impliqués dans l'élaboration, l'examen, l'adoption et le contrôle du budget reste un défi. D'où, il a souhaité la sincérité du pouvoir public dans l'impératif de la transparence dans la gestion des finances publiques.

La tribune a été également donnée au président de la Chambre des entreprises publiques à la Cour des comptes, Katenga Folo, et à l'avocat général près la cour des comptes, Natalis Mbumba, de parler du "contrôle juridictionnel des finances publiques".

Les 7 piliers du Plan de la réforme

C'est au troisième jour qu'un expert du Coref ( Comité d'orientation de la réforme des finances publiques), Jean Pierre Somolia, s'est entretenu avec les participants sur la "mise en œuvre du Plan stratégique de la réforme des finances publiques".

L'expert a circonscrit sa présentation en 4 points. Il a donné le contexte et la justification de la réforme des finances publiques, les acquis de la mise en œuvre, les perspectives ainsi que les contraintes.

A noter que c'est depuis 2000 que le gouvernement a amorcé le processus de réforme des finances publiques. A la suite de la reprise de la coopération structurelle avec la Banque mondiale et le FMI, le Coref a été créé en 2001. Cependant, le Plan stratégique de la réforme des finances publiques a été adopté en mars 2010.

Ainsi, pour opérationnaliser ce plan stratégique, le gouvernement l'a construit autour de 5 piliers avant d'ajouter deux autres plus tard. Les 7 piliers du Plan stratégique sont: Réforme budgétaire, Réforme fiscale, Amélioration de la gestion des dépenses publiques, Réforme de la comptabilité et gestion de la trésorerie, Renforcement du système de contrôle, Réforme de la décentralisation financière, Transparence dans la gestion des finances publiques.

L'expert du Coref a noté plusieurs acquis de cette réforme dans le cadre de l'amélioration du cadre budgétaire en l'occurrence l'implication de plusieurs acteurs dans la chaîne de la dépense, la création du Plan comptable de l'état, le Règlement d'administration applicable au comptable public, la loi sur le marché public.

D'autres acquis, selon lui, dans la réforme budgétaire c'est notamment le processus de mutation vers le budget programme prévu en 2023. Déjà, 12 ministères pilotes expérimentent le budget programme. Il y a aussi la révision de la nomenclature budgétaire et un projet de Décret, en cours, portant gouvernance budgétaire.

Deux contraintes aux finances publiques

Selon Jean Pierre Somolia, le renforcement de la chaîne de la dépense, l'informatisation de la paie des agents de l'Etat font partie également des avancées dans l'amélioration de la gestion de la Dépense Publique.

Au nombre des perspectives dans le cadre de la réforme des finances publiques, il y a un projet de consolider la réforme de la TVA, la réforme de la Cour des comptes et de l'inspection générale des finances.

Cependant, l'orateur a relevé deux contraintes majeures dans la mise en œuvre du Plan stratégique  à savoir le manque de coordination des efforts de la réforme et le manque de financement de la réforme par l'Etat congolais. Le Coref bénéficie principalement de l'appui financier de la Banque mondiale et du Royaume-Uni.

Dans les travaux en groupe, au troisième jour, les participants ont relevé sur chaque thématique les avancées, les acquis, les obstacles, les perspectives et les actions que la société civile doit mener pour consolider la réforme des finances publiques en RDC.

L’Observatoire de la Dépense Publique, ODEP en sigle,  a été créé le 1er juillet 2011 par un regroupement des Organisations de la Société Civile travaillant, chacune selon sa thématique, dans le suivi et le contrôle du processus budgétaire.

Le Centre national de coopération au développement (CNCD-11.11.11) est une organisation non gouvernementale belge de solidarité internationale active depuis 1966. Association fédérative francophone, le CNCD-11.11.11 regroupe quatre-vingts associations et ONG de développement ainsi que des organisations sociales qui ont pour objectif un monde où des états de droit, suffisamment financés, coopèrent entre eux pour garantir la paix et le respect des droits fondamentaux de chacun.

Amédée MK

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