Prorogation de la suspension de cobalt et insertion de la mesure de quotas : quelle garantie à travers ces décisions ?

cobalt
PAR Deskeco - 22 sep 2025 11:03, Dans Mines

Jusqu’au 15 octobre prochain, l’Autorité de régulation et de contrôle des marchés des substances minérales stratégiques (ARECOMS) prolonge, pour la énième fois, la suspension temporaire des exportations de cobalt congolais, avec l’introduction d’un régime de quotas à partir du 16 octobre. Cette décision vise à encadrer l’offre du cobalt sur le marché mondial, afin de soutenir les prix et mieux contrôler les flux sortants.

Ce qu’il faut retenir est que cette mesure n’est pas à sa première fois. La suspension en est à sa troisième prorogation, après celles de février et de juin 2025. Elle explique en clair la persistance de la problématique liée à la régulation des prix du cobalt, mais pose tout de même la question de l’efficacité réelle de cette politique restrictive.

Pour l’expert minier Léonide Mupepele, interrogé dans une récente interview accordée à deskeco, les effets des suspensions précédentes, de février et juin, sur les prix ont été limités. La première décision avait provoqué une hausse notable, de 21 000 à 33 000 dollars la tonne, soit un gain de 13 000 dollars. Mais la seconde reconduction n’a presque rien changé, puisque le prix est resté autour de 34 000 à 34 500 dollars la tonne.

D’après lui, reconduire la suspension n’apporte plus de résultats significatifs. L’argument est simple : le marché a déjà intégré l’existence de cette restriction, et sa capacité à influencer durablement les cours est désormais faible.

L’expert rappelle aussi un élément crucial : la demande mondiale de cobalt est en mutation. L’industrie des batteries, qui représente la principale destination de ce minerai, a réduit ses besoins. Autrefois utilisé dans des proportions importantes (un kilo de cobalt pour un kilo de lithium et un kilo de manganèse), le cobalt ne représente plus aujourd’hui qu’une faible part des nouvelles compositions, dominées par le nickel.

Cela signifie que même si la RDC restreint son offre, l’effet sur les prix sera limité, car la demande structurelle est en baisse. En d’autres termes, le problème n’est pas seulement l’offre, mais l’évolution technologique des marchés consommateurs.

Un autre point soulevé par Mupepele concerne la gestion des stocks. Les entreprises minières conservent leurs volumes non exportés pendant la suspension. Lorsque les exportations reprendront, ces quantités risquent d’inonder le marché, entraînant une chute brutale des prix.

Sans une stratégie d’accompagnement à long terme, par exemple, un mécanisme de sortie progressive des stocks, la RDC risque de perdre l’avantage fragile obtenu par la suspension.

La question des quotas : une politique difficile à appliquer 

À partir du 16 octobre 2025, le système de quotas remplacera la suspension. L’ARECOMS prévoit un plafond de 18 125 tonnes exportables entre octobre et décembre 2025, et un quota annuel de 96 600 tonnes pour 2026 et 2027. Certaines entreprises seront exclues de ce dispositif selon des critères précis (quantité exportée, possession de raffinerie, etc.).

Toutefois, Mupepele reste sceptique sur l’efficacité d’un tel mécanisme. L’expérience de marchés contingentés montre que les entreprises respectent rarement les quotas, surtout lorsque les enjeux financiers sont considérables. Le risque de contournement ou de fraude demeure donc élevé.

Quelles garanties pour l’avenir ? On comprend alors à travers la prorogation de la suspension de l’exportation de cobalt, ainsi l’insertion de la politique de quotas, le gouvernement veut en tout prix maintenir le contrôle de cours de ce produit minier, mais la question demeure sur leur efficacité, qui reste tout de même incertaine tenant compte des enjeux soulevés ci-haut. Trois enjeux principaux se dégagent :

  • Sur le court terme, ces mesures peuvent maintenir une certaine pression sur le marché et donner un signal aux acheteurs internationaux.

  • Sur le moyen terme, l’efficacité reste compromise par la baisse structurelle de la demande mondiale de cobalt et le poids des stocks accumulés.

  • Sur le long terme, seule une stratégie de régulation durable, intégrant la gestion des stocks, la diversification des débouchés et une réflexion sur la valeur ajoutée locale (raffinage, transformation locale), pourra stabiliser réellement le marché.

En bref, la prorogation de la suspension des exportations de cobalt et l’introduction des quotas ne constituent pas en elles-mêmes une garantie de stabilité des prix. Comme le souligne Léonide Mupepele, la baisse de la demande mondiale et la difficulté à contrôler les quotas limitent l’efficacité de ces mesures. La RDC doit plutôt penser une régulation de long terme, alliant contrôle de l’offre, gestion intelligente des stocks et montée en gamme de sa chaîne de valeur minière, surtout penser à une politique de transformation locale, si elle veut peser durablement sur le marché mondial du cobalt.

Jean-Baptiste Leni

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