Sanctions américaines contre le commerce illicite des minerais critiques en RDC : décryptage d’Al Kitenge sur les répercussions économiques et géostratégiques

Al Kitenge
Al Kitenge
PAR Deskeco - 19 aoû 2025 15:41, Dans Actualités

 

Le Bureau du contrôle des avoirs étrangers du département du Trésor américain a sanctionné, le 12 août dernier,  un groupe armé, une coopérative congolaise et deux sociétés chinoises opérant dans la zone minière de Rubaya, au Nord-Kivu. Washington justifie cette décision par la volonté de freiner le commerce illégal de minerais critiques, considéré comme une source de financement de la violence armée et de la corruption en République démocratique du Congo.

Invité de l’émission Afrique Midi sur RFI, l’économiste et entrepreneur congolais A.L. Kitenge a livré son analyse.

Selon lui, ces sanctions s’inscrivent dans une logique de « guerre économique » visant à assécher le « carburant » qui alimente les conflits dans l’Est du pays.

« C’est ce qu’on appelle en anglais kill the killer, tuer le tueur. Aujourd’hui, le minerai est le carburant de tout ce qui se passe à l’Est. Il faut donc assécher cette ressource pour fragiliser l’économie de guerre », a-t-il expliqué.

Ces mesures consistent notamment au blocage des comptes des entités ciblées et à la restriction de l’usage du dollar. À court terme, A.L. Kitenge estime que les acteurs concernés disposent encore de marges de manœuvre financières, mais il prédit des difficultés sur le moyen et long terme.

« Ils devront réfléchir deux fois avant de dépenser le moindre dollar, car leurs sources vont se tarir. Leur réputation et leurs entreprises seront fragilisées », a-t-il ajouté.

Sur l’impact global, l’économiste prévient que ces sanctions affecteront les circuits d’approvisionnement mondial, notamment en coltan. Il plaide pour la mise en place rapide d’un « canevas éthique » afin d’assurer une offre légale et responsable au marché international. Pour rappel, la région de Rubaya est une réserve importante en coltan. 

En février 2025, le ministre congolais des Mines sortant Kizito Pakabomba avait classé tous les sites miniers de secteurs de Rubaya et Nyabibwe, en zones rouges, afin de contrer l'exploitation et le commerce illicites des minerais organisés par les rebelles du M23.

Interrogé sur une éventuelle rivalité entre les États-Unis et la Chine, A.L. Kitenge nuance :

« Les minerais de l’Est transitent plus vers les entreprises américaines que chinoises. La présence chinoise en RDC concerne surtout le cobalt et le cuivre. Mais la guerre économique entre Washington et Pékin existe bel et bien, et la RDC ne doit pas en être le grand perdant. Elle doit proposer des solutions équilibrées qui servent l’un et l’autre. »

Concernant la Chine, il estime que Pékin pourrait préserver ses intérêts en RDC en reformulant son offre, en la rendant « plus généreuse et diversifiée », et surtout en investissant dans la transformation locale.

« Le grand défi de la RDC, c’est la transformation des matières premières. La Chine doit s’investir dans l’énergie et la transformation locale pour s’assurer un avenir durable dans le secteur minier congolais. »

Pour A.L. Kitenge, les sanctions américaines sont un signal fort : elles visent à responsabiliser les acteurs économiques et à couper les financements des groupes armés. Mais elles révèlent également l’intensification d’une compétition mondiale pour le contrôle des minerais stratégiques, où la RDC, riche en ressources, doit trouver une voie qui serve ses propres intérêts.

Jean-Baptiste Leni

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