Quid de la sécession Katangaise (Tribune du Prof Ambroise V. Bukassa)

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PAR Deskeco - 19 avr 2023 08:13, Dans Actualités

Ce dernier temps, certains politicailleurs et politiciens du Shaba parlent de séparer du reste du Congo, la province du Katanga, baptisée pour le besoin de la cause de « Grand Katanga ». A moins qu’elle soit évoquée comme spectre pour obtenir de leurs collègues plus d’espace sur l’échiquier politique ou une réclamation implicite de participer à la conduite des affaires du pays, ou une imitation aveugle des auteurs de la sécession katangaise de 1960, les tenants de cette initiative doivent avant tout faire l’historique des erreurs de calculs et des malentendus qui avaient abouti à la guerre de 1960, montrer comment le pays s’était étourdiment égaré dans un chemin dont il n’aurait jamais cru qu’il pouvait déboucher sur un conflit rapide et sanglant. 

Avant d’entrer dans le vif du sujet, demandons-nous d’abord quel intérêt réel ont-ils de nourrir une telle idée dans les circonstances actuelles. En 1960 les motivations belges étaient claires : s’opposer à l’indépendance du Congo. Parce qu’il a régné au Congo ce que les sociologues belges et les autochtones congolais appelaient la sainte trinité. Celle-ci comprenait l’église catholique, les grands trusts composés des entreprises à charte et enfin l’administration coloniale. Entre ces trois éléments l’osmose était totale. Ainsi on pouvait trouver la même famille dans l’administration coloniale, dans l’église et dans les multinationales, ou dans les sociétés à charte. Ce triumvirat ne voulait jamais entendre parler de l’indépendance du Congo, car pour lui l’indépendance signifiait la fin de ses privilèges.

Ne perdons pas de vue, que du passé de la traite des esclaves, la colonisation a hérité bon nombre de traits : elle permet de réaliser par des procédés qui relèvent de la spoliation pure et simple des bénéfices exceptionnels : camelote métropolitaine vendue à prix excessifs ; matières premières raflées à bas prix, placements avantageux grâce au bon marché de la main-d’œuvre et de la terre gratuite quand l’une et l’autre ne sont pas arrachées par force. L’occupation militaire et la tutelle politique permettent seules d’imposer à la population un tel régime d’exploitation, en même temps qu’elles en réservent le bénéfice aux monopoles de la nation colonisatrice. Là sont les motivations de la Belgique, 

La deuxième question que l’on peut se poser relève du positionnement géographique de cette province. Autrement dit : où commence le Grand Katanga et où finit-il ? La loi qui a morcelé le pays en 26 provinces n’a pas établi les bornes de chaque entité ou délimité d’une manière précise les contours de chaque aire topographique. Point par point, depuis le jour de son entrée en vigueur, les Chefs coutumiers de certaines localités frontalières se battent pour délimiter leurs villages. Avant de chercher à entrainer les populations dans cette aventure de séparation, les auteurs feraient mieux d’effectuer d’abord le lourd travail de délimiter l’air géographique du Grand Katanga pour connaître le nombre des localités qu’ils peuvent mobiliser.

La division administrative actuelle a voulu copié en partie la reforme coloniale de 1929. Celle-ci avait été faite à la sortie de la première guerre mondiale pour isoler certaines tribus congolaises soupçonnées de velléité de contestation de l’effort de guerre auquel elles étaient soumises. Dans le découpage colonial, la Province du Katanga comprenait les territoires des Mwene-Ditu, Kalenda, Luputa, Ngandajika, Kanyama ou l’ensemble de ce qu’on appelle aujourd’hui la Province de Lomami. 

Si on parle de la sécession du Grand Katanga cela suppose que toutes les provinces actuelles de l’ancien Katanga de 1929 se mettront ensemble pour former une future République du Katanga. Dans ce cas, le premier travail à faire est d’abord le démembrement d’au moins quatre provinces qu’il faut envisager. Il est possible que la réunification se fasse, mais elle sera longue, pénible et coûteuse à réaliser. Si elle ne voit pas le jour avant la déclaration de l’indépendance, certaines parties du Nord-Ouest de la Province de Lualaba, et de l’Ouest de la Province de Lomami ne suivront pas ce mouvement, parce que leur viabilité ne dépend pas de Lubumbashi.

Examinons ensemble les territoires qui poseront problème aux tenant de cette volonté. On peut mentionner les territoires de Mwene-Ditu, Luputa, Gandajika, Kanyama à l’Ouest et au Nord les localités des Mitwaba, Kongolo, et Moba. Ce refus d’adhésion n’est pas motivé par le fait que ces populations se sentent plus congolaises que Katangaises, loin de là ; mais tout simplement à cause du vécu quotidien et de l’emplacement géographique qui les rapprochent de provinces voisines avec lesquelles elles échangent. Il faudrait plus que la parole pour convaincre ces citoyens de la nécessité de faire sécession pour satisfaire les ambitions de certains politiciens qu’ils ne connaissent pas.

Même si cet obstacle est levé, dans cette atmosphère de froide réalité, il reste néanmoins celui de l’environnement géographique de la province toute entière. Comme une bonne partie du Congo, le Katanga est une région enclavée. Son espace est borné au Nord par le lac Tanganyika et le Maniema, à l’Est Nord par la Tanzanie, et la Zambie, au Sud par la Zambie et l’Angola et à l’Ouest par l’Angola et le Kasaï. Le Katanga n’a pas d’accès à la Mer, même par avion il faut survoler certaines parties du Congo ou demander les autorisations de survol de territoire à certains pays étrangers pour atterrir à Lubumbashi, à Kolwezi, à Kamina, à Kalemie, ou à Kongolo. Il va donc falloir pour les auteurs de ce rêve de négocier fort pour convaincre tous ces frontaliers d’accompagner la sécession. 

Si pour ceux qui se considèrent comme l’Elite politique du Katanga de telles évocations sont susceptibles de mobiliser la population, de concourir à mettre leur image en vedette ; il n’en est pas de même pour les masses paysannes et la classe moyenne. Cependant, reconnaissons qu’à ces avantages probables plusieurs handicapes se dressent sur le chemin du projet de sécession, si projet il y a.

En effet, la proclamation de la première sécession katangaise le 11 juillet 1960 est une œuvre de la Belgique accompagnée par trois pays européens. La France du Général de Brigade, Charles De Gaule fournissait des bombardiers qu’on appelait Fouga Magistère, les pilotes, les bombes et les mercenaires. Le Général français était devenu le porte flambeau de la cause katangaise allant jusqu’à affirmer que les Katangais n’avaient rien de commun avec les congolais. Venait ensuite le Premier Ministre britannique Harold Mac Millan qui voulait que le Katanga rejoigne son bercail naturel, c’est-à-dire annexé à la Rhodésie du Nord, ou au Tanganyika territory, deux colonies britanniques. A l’Ouest du Katanga se trouvait la province portugaise de l’Angola de Salazar qui prêtait main forte au Général De Gaule. Les mercenaires et militaires étrangers qui combattaient au Katanga avaient une base de repli en Angola et en Rhodésie du Nord. Le Général De Gaule n’ayant pas de colonies voisines du Katanga utilisait l’Abbé Fulbert Youlou, Président du Congo Brazza pour faire pression et acheminer les aides multiformes au Katanga. Lorsque le même Youlou sera chassé du pouvoir par la Révolution du MNR, il lui refusera l’accès au territoire français et le laissera passer la nuit à l’aéroport du Bourget pendant quatre jours. A l’intérieur même du Katanga, il y avait la toute puissante Union Minière qui possédait des milliards à mettre dans l’opération pour recruter, armer et rémunérer les mercenaires, la gendarmerie et les agents de l’Administration.

Aujourd’hui la situation a complètement changé. Les ex-colonies britanniques et angolaises sont devenues des Etats indépendants, membres de l’ONU et de l’Unité Africaine et entretiennent des relations diplomatiques avec la RDC. Les dirigeants de la Tanzanie, de la Zambie et de l’Angola n’ont pas l’esprit de clocher qu’ont les politiciens congolais. En outre, l’OUA prône l’attachement aux frontières issues de la colonisation et le respect de la souveraineté de chaque Etat.

L’Union Minière n’existant plus, le magot à affecter à la mobilisation de la population et à l’achat d’armes feront défaut, étant donné que les politiciens du Katanga qui ont eu accès à la manette du robinet de la Banque Centrale ou qui ont détourné des fonds publics ont souvent dilapidé l’argent pris au peuple. Tous leurs avoirs mis ensemble ne seront pas à la hauteur de permettre l’achat d’armes, d’avions et des minutions et faire face aux rémunérations des fonctionnaires et des militaires. Si par hasard ils s’obstinaient à le faire, le maximum qu’ils puissent tenir est de dix jours, s’ils arrivent à bénéficier du concours de pays limitrophes et de la participation de la population. Ce qui n’est pas acquis d’avance car le congolais d’aujourd’hui est différent de celui de 1960 en matière de comportement et d’exigence de biens matériels.

Même en appuyant l’hypothèse de faisabilité, force est de constater que les belges ont mis environ dix ans pour préparer le matraquage et le conditionnement de ceux qu’ils appelaient le peuple Katangais. Le lavage des cerveaux commençait à l’école. En classe, dans les années 1956 nos professeurs belges nous laissaient entendre que les katangais étaient plus intelligents et plus travailleurs donc plus proches de belges que le reste du Congo où il n’y avait que des fainéants et des paresseux, et qu’à leur arrivée au Katanga en 1881 le terrain était presque un désert et qu’ils ont dû importer des populations. Le discours du Ministre des colonies prononcé le 15 octobre 1954, lors de l’inauguration de l’Université Officielle d’Elisabethville, six ans avant la proclamation de la sécession, en dit long. 

Dans son propos le Ministre précisait : « Depuis des siècles et des siècles et jusque dans des temps très récents des groupes humains de race noire sont venus s'installer les uns après les autres dans le vaste domaine géré aujourd'hui par la Belgique, bousculant ceux qui les avaient précédés, les subjuguant ou se juxtaposant à eux. Qui conteste la légitimité de la présence de telle race fixée depuis moins de 200 ans ou de telles tribus immigrées à la fin du siècle, après notre arrivée ? D'autres européens se sont installés en d'autres points du globe sur d'autres continents entiers qui étaient le domaine d'hommes de couleur. Ces blancs, ces colons y demeurent sans contestation. Nos titres sont-ils inférieurs aux leurs ? Pour le Katanga ceci est simple pour l'Union Minière. Parce que, lorsque les belges du Katanga, en 1882 ont renversé l'Empire de Msiri, pour y édifier un ordre nouveau, il n'y avait là qu'une population mince, moins d'un habitant au kilomètre carré. Ces populations ont été entièrement submergées par les masses de travailleurs miniers et industriels amenés en écrasante majorité du fait de l'activité des Blancs. Les droits de Blancs au Katanga sont aussi forts que ceux des blancs en Amérique, si pas plus forts que ceux des congolais qui sont au Katanga ». 

En d'autres termes le Katanga appartiendrait d'abord aux Blancs de l'Union Minière avant d'appartenir aux noirs de cette province. Malgré toute cette longue préparation psychologique et toutes ces affirmations coloniales, la sécession katangaise de 1960 n’a conquis que 41 pourcent de la surface de l’ensemble de cette région. Le Nord, et le Centre de la province dominés par les balubakat de Jason Sendwe, ont vivement opposé leur refus catégorique au détachement du Katanga de la République.

Aujourd’hui, nous ne croyons pas que le travail de mobilisation tous azimuts soit déjà fait afin de créer un socle soutenant des actions politiques à entreprendre. Or si ce travail n’est pas réalisé avant tout déclanchement de belligérance, l’idée de sécession risque d’être combattue par ceux-là sur qui comptent les ténors de cet égarement. En outre, le chef du Parti politique de Lubumbashi étant entouré des gens qui ne se considèrent pas tous comme katangais, ceux-ci risquent de quitter le navire « Ensemble » pour d’autres destinations ou convaincre leur mentor de ne pas souscrire à une aventure aussi risquée de participer à la séparation du Katanga.

En somme, le Katanga n’a plus de poids économique et social que le colonisateur lui attribuait dans les années 1960, quand il était présenté au monde comme la province nourricière du Congo. Les choses ont beaucoup changé à partir de 1990 quand la production du cuire était tombée à 4000 tonnes par an. Le satellite de télédétection « Landsat III » en fournissant une carte détaillée de la Géologie de la République Démocratique du Congo a permis de bien répertorier les richesses naturelles du pays. Il a par la même occasion détrôné le Katanga de sa place de première province plus riche du Congo. Ce satellite a confirmé les résultats de travaux de géologues allemands, portugais, hollandais et belges « J. Cornet, Robert Feys, R. Almagia, F. de Andrade, Th. Arldt et Maurice Robert » qui ayant écumé le Congo avant et après l’indépendance, ont démontré que le territoire congolais tout entier est une multi mines à ciel ouvert et que ce pays est un scandale géologique, qui dirigé par les hommes intègres et bons pères de famille, sera parmi les 4 premières nations les plus riches du monde.

En réalité, nos compatriotes qui mijotent de déclencher une sécession au Katanga ignorent l’ampleur du travail à abattre ; sauf si cela est un canular monté dans l’intention de plaire au Président de leur mouvement politique, surtout quand on sait que certains parmi eux, très incompétents par ailleurs, en quittant le navire ne l’ont pas fait uniquement pour répondre au rappel de leur Parti, mais plutôt pour ne pas avoir à justifier certains manquements relevés à leur charge dans la direction des ministères leur attribués. 

Le public congolais qui n’est plus dupe, sait que les oppositions entre les politiciens congolais ou entre les partis congolais et en leur sein, naissent non pas en vertu des considérations idéologiques ou au sujet de doctrine, ou de différence de programmes, mais souvent à cause des ambitions personnelles démesurées et non freinées par une maturité politique, des haines violentes et explosives entre dirigeants, haines souvent suscitées par l'esprit de jouissance et la propension à la corruptibilité. 

                                                                                           Dr. Dr. Ambroise V Bukassa                                       Ingénieur2, Economiste, Géographe,

Patriote Congolais

                                                                                                                  

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