RDC : Retour sur les dessous de table dans le projet du port en eaux profondes de Banana

Photo ACTUALITE.CD.
PAR Deskeco - 13 nov 2019 14:36, Dans Entreprises

Le premier Ministre, Silvestre Ilunga a présidé le mardi 12 novembre 2019 la réunion du comité de conjoncture économique. Parmi les dossiers examinés figurait le projet de construction du Port en eaux profondes de Banana. Cette réunion intervient quelques jours après l’annonce par le Chef de l’Etat Félix Tshisekedi de la signature du contrat pour la construction du Port en eaux profondes de Banana.

Par ailleurs, il faut rappeler que le protocole de collaboration pour le développement de ce projet a été signé en mars 2018 entre la République Démocratique du Congo et la société Émiratie DP WORLD AFRICA LOGISTICS NV (DPW). Ce projet consiste en la construction ainsi que la gestion d’un port et d’une zone de libre-échange à Banana, pour un coût supérieur à un milliard de dollars US. Suite à l’importance que représente ces infrastructures dans le développement économique de la RDC, Deskeco revient ici pour expliquer le contour de ce projet.

« Guang Ping International » pour la construction

Selon les documents du projet, la construction du port sera assurée par la société chinoise, Guang Ping International. Guang Ping aurait déjà conclu un contrat de logistique avec la société MW Afritec d’Alain Wan, afin d’utiliser le port privé de ce dernier situé sur sa carrière près de Boma pour faciliter la construction du nouveau port.

La première phase du projet sera consacré à l’aménagement d’un quai de 1 500 mètres sur la côte de l’océan Atlantique. Pour cette phase, le coût est établi à 396 millions de dollars US, renseigne l’étude de faisabilité, un document confidentiel du Ministère des transports et voies de communication que Deskeco a consulté.

Une société anonyme de droit congolais pour gérer le port de Banana

La compagnie gestionnaire serait donc une « subsidiary de DPW ». C’est la joint-venture « Port Autonome de Banana » qui va posséder la concession. Une société anonyme, de droit congolais, appartenant à 30% à l’Etat, ou à la nouvelle entité qui sera créée, et à 70% à DPW, indique le protocole d’accord signé entre la RDC et DPW en 2017. La compagnie étatique au sein de la joint-venture devrait être la propriété de l’Etat congolais à hauteur de 51% de participation. Mais cela pourrait être revu à la baisse au terme des négociations, suite à la résistance de DPW.Sur les 100% des revenus qui seront générés pendant l’exploitation, la compagnie gestionnaire pourrait toucher 15% brut. Ces 15% seront ensuite divisés entre DPW (60%) et une compagnie privée, qui participe à la gestion du projet. D’après les lanceurs d’alerte (Plateforme de protection des lanceurs d'alerte en Afrique), les 49% restants appartiendront à un prête-nom du Président Kabila ou à une société privée congolaise dans laquelle l’ex-président Joseph Kabila a directement ou indirectement des parts de 30%. Un tel montage permettrait au « privé RDC » de gagner plus de 45,3 millions de dollars en sept ans, selon le document présentant les hypothèses.

Opacité dans la passation de marché public

Depuis 2015, le Gouvernement de la RDC s’est mis à chercher un opérateur pour un projet de construction d’un quai flottant au niveau de la ville côtière de Banana. Plusieurs sociétés auraient alors été approchées, dont l’entreprise française NECOTRANS. Jean-Philippe Gouyet, directeur général de NECOTRANS, et Suhail Al Banna, directeur général de DPW pour l’Afrique et le Moyen-Orient, avaient même adressé en 2016 une lettre de manifestation d’intérêt à l’Organisation pour l'Équipement de Banana Kinshasa (OEBK).

A la suite de cette lettre, le Gouvernement de la RDC est entré en négociation avec DPW, sans NECOTRANS, pour le projet de construction du quai flottant. Côté congolais, les négociations ont été menées par Moïse Ekanga, ancien secrétaire exécutif du Bureau de Suivi du Programme Sino-Congolais, José Makila, vice-Premier ministre et ministre des Transports, puis l’homme d’affaires congolais Claude Makoso. Ces trois personnalités ont effectué plusieurs déplacements de Dubaï pour s’assurer de l’effectivité du projet.

Les documents constitutifs du projet, que Deskeco a obtenu une copie renseignent que la sélection de DPW a été effectuée en violation des règles régissant les marchés publics en RDC. « Depuis la procédure de recherche des opérateurs pour ce projet en 2015, à la signature du protocole de collaboration en 2018, aucun avis d’appel d’offre a été lancé, nous confie une source de l’autorité de régulation des marchés publics (ARMP). Nous avions pensé que le nouveau chef de l’Etat devrait revenir en arrière sur le projet, car cela viole le principe de transparence dans la sélection de soumissionnaire », a-t-il regretté.

A la place, une « autorisation spéciale » avait été émise, indique un courrier de la Direction Générale de Contrôle de marchés publics, consulté par Deskeco. Alors que ce projet ne répond pas au critère d’éligibilité, prescrit par le manuel de procédure des marchés publics de la RDC. Suite à cette autorisation spéciale, un premier protocole d’accord a été signé le 3 janvier 2017 par José Makila, alors vice-Premier ministre et ministre des Transports. Puis, le 9 février 2017, un second est signé officiellement par José Makila et Suhail Al Banna, Directeur Général de DPW pour l’Afrique et le Moyen-Orient. 

La société étatique dans la gestion du projet aurait dû être la Société commerciale des transports et des ports (SCTP), mais elles ont été écartées en dernières minutes au profit de la création d’une nouvelle entité.

VM Goffman

 

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