La Coalition des organisations de la société civile "Le Congo n'est pas à vendre" (CNPAV) annonce la mise en place d'un cadre de collaboration avec la justice pour une impunité zéro des cas de faute de gestion dans les secteurs des finances publiques et des industries extractives en République démocratique du Congo. C'est ce qui ressort de la table ronde organisée les 7 et 8 août 2025 à l'hôtel Pullman à Kinshasa.
"Il y a des institutions de contrôle telles que l'APLC, qui ont mis en place un comité de pilotage existant, ce qui est une bonne chose. Nous allons porter notre regard là-bas pour savoir comment nous, en tant que société civile, nous organiser et leur apporter nos différentes conclusions pour voir comment cette organisation est structurée. D'autre part, nous allons élaborer des démarches directes avec les institutions après avoir étudié ces rapports et nous approcherons les institutions individuellement. Nous allons ainsi créer un portail d'entrée vers le Conseil supérieur de la magistrature, le Parquet général, la Cour constitutionnelle, la Cenaref, et tous les autres organes pour établir des canaux directs de communication. En même temps, nous nous organiserons comme société civile pour créer une connexion sur le travail effectué et savoir comment mutualiser nos efforts pour une communication courageuse", a déclaré le coordonnateur du CNPAV, Dirk Shaka, à l'issue des travaux.
Lors de son intervention à la deuxième journée de ce forum, le secrétaire exécutif de la Ligue congolaise contre la corruption (Licoco), Ernest Mpararo, est revenu sur les rôles joués par la société civile dans la lutte contre la corruption :
"plaider pour la transparence et la redevabilité de la Cellule nationale de renseignements financiers (Cenaref) ; faire pression sur le gouvernement pour que les dossiers de blanchiment d'argent soient transmis aux parquets ; faire pression sur la Cour des comptes pour qu'elle effectue des contrôles opérationnels ; demander à la Banque centrale de sanctionner les opérateurs économiques qui encouragent ces pratiques de corruption".
Revoir le système d'immunité dont jouissent les politiques
À son tour, Me Georges Tshiunza, intervenant au nom du secrétaire exécutif du Comité d'orientation de la réforme des finances publiques (COREF), a évoqué l'apport de la société civile dans la gouvernance des finances publiques en RDC. Il a souligné des résultats obtenus à travers trois indicateurs. Concernant la participation citoyenne (premier indicateur), il a cité le rapport IPP 2024 qui a classé la RDC premier pays en Afrique et 7e au monde depuis 2017 ; quant à la transparence des finances publiques (2e indicateur), il a rappelé que la RDC a amélioré sa position et figure parmi les 3 premiers pays en Afrique en matière de publication d'informations ; concernant la redevabilité (3e indicateur), cet expert a indiqué que grâce aux institutions de contrôle qui publient les informations dans ce domaine, la RDC est parmi les 5 premiers pays en Afrique.
De son côté, le président du Conseil supérieur du portefeuille, Me Nkubu Eluna, a souligné la nécessité, entre autres, de "réguler le secteur des participations indirectes de l'État : donner un statut clair à leur ancrage ; préciser le rôle des organes statutaires ; développer des compétences pour jouer ce rôle à l'avenir ; définir les règles de gestion des revenus pour impliquer le pouvoir central dans leur répartition".
Quant à lui, le procureur de la République est intervenu lors de cette journée au nom du syndicat autonome des magistrats. En tant que syndicaliste, il a souligné les points qui entravent la lutte contre la corruption, présentant plusieurs défis :
"L'indépendance du pouvoir judiciaire pose problème en RDC. Sur le plan fonctionnel, c'est la seule institution qui ne dispose pas des moyens de sa politique. Son budget n'est pas élaboré", a-t-il déploré.
Évoquant l'obstacle lié aux conditions socioprofessionnelles des magistrats, il s'interroge :
"Comment voudriez-vous que dans un secteur comme celui des minerais où l'argent circule, on puisse obtenir des informations sans moyens ?" Or, a-t-il précisé, "Ces moyens pourraient mettre les magistrats à l'abri des besoins élémentaires. Ils ne disposent ni d'infrastructures ni d'équipements".
Abordant le défi lié à la formation des magistrats, ce syndicaliste recommande :
"Il faut une école de la magistrature. L'absence de bibliothèques fait qu'ils soient en retard par rapport à leurs confrères d'autres pays".
Concernant la corruption, il souligne que cette infraction reste impunie en raison des nombreux obstacles légaux qui entravent la gestion de l'action publique.
"Tant que ces obstacles légaux ne seront pas levés, les magistrats seront dans l'incapacité de poursuivre les auteurs de corruption", a-t-il estimé, avant de recommander de "revoir le système d'immunité dont bénéficient les politiques". Comme conséquence, a-t-il déploré, "Les dossiers de corruption transmis au parquet ne sont traités qu'à hauteur de 2%".
Bienvenu Ipan