L'adoption par l'Assemblée nationale de la loi modificative relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit en RDC le 15 juin dernier marque un tournant décisif, mais non sans amertume, dans le débat autour de la gouvernance bancaire. Derrière les apparences d'une modernisation juridique, cette réforme sonne surtout comme un recul face à une ambition nationale longtemps attendue : celle d'un secteur bancaire inclusif, enraciné et souverain. Nous, acteurs économiques engagés pour une RDC forte et prospère, ne pouvons cacher notre profonde indignation. Car au-delà du vernis technique et des arguments d'alignement régional, ce qui s'est joué hier à l'hémicycle, c'est un désaveu du principe même de souveraineté économique.
Une opportunité historique sacrifiée
La réforme initiale, portée par l'instruction n°24 de la Banque centrale du Congo, ouvrait une brèche inédite : celle de diversifier le capital bancaire en y intégrant des actionnaires indépendants, potentiellement congolais, capables d'apporter une vision enracinée, une proximité réelle avec le marché et une nouvelle forme de gouvernance responsable. Or, en supprimant purement et simplement l'obligation des quatre actionnaires significatifs, le texte adopté vide cette réforme de sa substance. Pire, il envoie un signal décourageant aux nombreux entrepreneurs, coopératives, fonds familiaux et membres de la diaspora qui s'étaient préparés à répondre à cet appel historique.
Des arguments économiques détournés
Il est vrai que certaines contraintes réglementaires posaient problème et devaient être ajustées : capital social trop élevé, lourdeur d'agrément, rigidité du modèle à quatre. Mais au lieu de corriger avec discernement, la loi adoptée choisit le contournement total, au bénéfice d'intérêts qui échappent au contrôle public, et souvent même au territoire national. Nous reconnaissons le besoin d'un cadre attractif pour les investisseurs étrangers, mais cela ne saurait se faire au détriment des Congolais. La prospérité ne peut venir que d'un équilibre entre ouverture et enracinement. L'un sans l'autre conduit soit à l'asphyxie économique, soit à la perte de souveraineté.
Une réforme encore réversible
Tout n'est pas perdu. Le texte doit encore passer au Sénat, puis être promulgué. Nous appelons donc les sénateurs à faire preuve de responsabilité historique. Il est encore possible :
- d'introduire des garde-fous en maintenant un minimum de diversité actionnariale ;
- de prévoir des incitations spécifiques pour les investisseurs congolais ;
- de consolider les pouvoirs de contrôle de la Banque centrale, sans pour autant étouffer les dynamiques locales.
Cette réforme ne doit pas entériner la marginalisation des Congolais dans leur propre système bancaire. Elle doit, au contraire, organiser leur montée en puissance.
Une indignation lucide, un appel à l'action
Nous refusons de céder à la résignation. Nous continuerons à plaider pour une gouvernance bancaire inclusive, où les Congolais ne sont pas de simples clients, mais des décideurs, des investisseurs, des bâtisseurs de valeur.
Nous en appelons :
- à la conscience des décideurs politiques ;
- à la mobilisation des milieux d'affaires ;
- à l'éveil de l'opinion publique.
Car il ne s'agit pas d'une affaire de techniciens. Il s'agit de savoir qui détient les leviers de notre économie, qui décide de l'accès au crédit, de l'orientation des investissements, du financement de nos PME, de nos agriculteurs, de nos industries naissantes.
Il ne peut y avoir de développement sans souveraineté économique. Il ne peut y avoir de souveraineté sans une présence congolaise forte dans nos banques. Et il ne peut y avoir de présence forte sans une volonté politique courageuse, constante et tournée vers l'avenir.
Le débat ne fait que commencer. Nous restons debout. Pour une réforme bancaire réellement au service du peuple congolais.