Prenant la parole au sommet extraordinaire du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine ce vendredi 14 février 2025, à Addis-Abeba, en Ethiopie, Judith Suminwa, première ministre de la RDC et cheffe du gouvernement, a interpellé les chefs d’États et de gouvernements sur les vraies raisons de l’invasion de l’armée rwandaise en appui au M23, dans l’Est du pays. Pour Judith Suminwa, la menace contre la sécurité du Rwanda par le FDLR ou encore la protection des communautés rwandophones présentes dans l’Est de la RDC, arguments souvent brandis par le Rwanda pour justifier l’occupation des terres congolaises, sont des subterfuges.
Selon la cheffe du gouvernement congolais, l’exploitation illicite des ressources naturelles de la RDC reste parmi les principales raisons de l'envahissement par le Rwanda du territoire congolais.
« En quoi le pillage systématique des ressources congolaises répond-il au problème des FDLR ou des minorités ? », s’est interrogée Judith Suminwa.
Avant d’enchaîner :
« Les faits sont là. Selon le Groupe d’experts des Nations Unies, le Rwanda exploite illégalement plus de 150 tonnes de coltan chaque mois à Rubaya, dans le territoire de Masisi, et les revend sur les marchés internationaux sous une fausse origine. Ce pillage n’a rien à voir avec la sécurité. Il ne s’agit pas d’un combat contre une menace, mais d’un modèle économique criminel qui alimente l’instabilité pour mieux dissimuler un système d’exploitation illégale. Nous ne sommes pas face à une guerre de défense. Nous sommes face à une guerre de prédation. »
Appel à l’action
Ainsi, Judith Suminwa a exigé un lot d’actions concrètes que doit poser l’Union africaine pour arrêter le Rwanda dans sa démarche de pillage des ressources minières de la RDC. L’UA doit notamment « condamner l’exploitation illégale des ressources congolaises par le Rwanda et exiger qu’elle cesse ; et condamner sans réserve l’invasion militaire rwandaise et exiger le retrait immédiat de ses troupes et supplétifs du M23, comme votre Conseil l’a fait en 2008 avec l’Érythrée », a indiqué Judith Suminwa.
La première ministre de la RDC s’est étonnée de l’incapacité de l’UA à trouver une solution à un conflit africain.
« L’histoire retiendra ce moment. Face à l’agression d’un État membre contre un autre, l’Union africaine a-t-elle été à la hauteur de ses principes, ou a-t-elle failli à sa mission ? », s’interroge-t-elle.
Et d’ajouter :
« Chaque État ici présent sait que l’agression contre un pays aujourd’hui peut devenir l’agression contre un autre demain. Tolérer cette guerre, c’est ouvrir la porte à d’autres ambitions déstabilisatrices ailleurs sur notre continent. »
L’UA doit emboîter le pas de l’UE, qui a envisagé des sanctions contre le Rwanda pour son implication dans le pillage des ressources naturelles de la RDC.
« Alors que le Parlement européen vient de voter à une écrasante majorité une résolution très ferme qui condamne le Rwanda pour sa violation de la souveraineté de la RDC ainsi que son implication dans le pillage et l’exploitation illégale des ressources naturelles de la RDC, assortie de sanctions, y compris la suspension des accords avec le Rwanda, l’Afrique ne peut pas se permettre d’être spectatrice de sa propre désintégration », a insisté la première ministre.
Bruno Nsaka