Le Frans Congolais a perdu 3,04% et 6,76% de sa valeur respectivement à l’interbancaire et au parallèle sur les quatre derniers mois de l’année. Cette dépréciation est consécutive à une expansion monétaire sur le marché change à la suite de financement des déficits du trésor public par les avances monétaires de la banque centrale du Congo au gouvernement de la république.
Selon la Banque centrale, il s’est observé une hausse mensuelle de la base monétaire de 278,5 milliards CDF en avril. Un accroissement essentiellement expliqué par celui du crédit net à l’Etat.
En effet, juste au mois d’avril 2020, le compte du trésor a accusé un déficit mensuel de 200,4 milliards de CDF contre un excédent programmé de 1,4 milliard CDF. Et en cumul annuel, l’Etat est déficitaire de 620,3 milliards CDF contre un excédent programmé de 34,7 milliards au quatre premiers mois de l’année 2020.
Ce déficit cumulé de quatre mois, soit 620,4 milliards CDF, est plus important que celui enregistré par le Trésor public durant toute l’année 2019, soit 564,8 milliards CDF.
Le problème c’est que ce déficit a été financé par des avances monétaires de la BCC au gouvernement. En clair, c’est par la planche à billet que l’Exécutif national faisait financer ses déficits budgétaires causant ainsi une expansion monétaire sur le marché de change et qui est à la base de la dépréciation de la monnaie nationale face aux devises étrangères.
Certes, il y a d’autres causes qui ont influé sur la dépréciation du franc congolais notamment le fait que par anticipation, des particuliers se sont rués dans les banques pour faire des provisions suite à l’incertitude de pandémie du coronavirus déclarée le 10 mars en RDC.
Tout aussi, il s’observe une baisse de 31% des importations et de 27% des exportations depuis le début de cette année. La baisse des exportations induit celle de devises dans le pays. Or, l’économie congolaise étant extravertie, le gros de la consommation intérieure dépend des importations qui nécessitent des devises à mettre à la disposition des opérateurs économiques.
Dès lors, la Banque centrale du Congo, en concertation avec le gouvernement, préconise trois mesures pour stabiliser le franc congolais sur le marché de change eu égard aux causes.
1. Ajustement budgétaire
« La première mesure arrêtée est l’ajustement budgétaire », a dit le gouverneur la Banque centrale, Déogratias Mutombo, lors de la conférence de presse tenue le jeudi 30 avril à l’issue de la 4ème réunion du Comité de politique monétaire.
Expliquant cette première mesure, le patron de la BCC a déclaré : « Nous sommes en train de travailler au niveau du ministère des Finances et de la primature pour élaborer un Plan de Trésorerie qui intègre cet appui budgétaire du FMI et les besoins de financement des mesures qui ont été prises dans le plan de soutien à l’économie suite au covid-19. Ce Plan de trésorerie donne la situation, mois par mois, jusqu’au 31 décembre 2020. Il doit être équilibré. Ce que nous avons demandé au ministère du Budget, c’est que ce Plan de Trésorerie soit présenté comme Collectif budgétaire. Si nous respectons ce Plan de trésorerie, nous n’aurons pas de déficit budgétaire. Si on respecte ce Plan de Trésorerie, on n’aura pas de déficit. On n’aura pas d’expansion monétaire. On n’aura pas non plus de la volatilité qui va déprécier le pouvoir d’achat de la population. C’est ce que nous cherchons et c’est ce que le FMI cherche aussi. Même si nous avons cet appui budgétaire ne suffit pas, compte tenu de la fréquence de paiement que nous avons eu à partir du 20 avril. Il faut qu’on fasse un peu un stock pendant une semaine. Si on peut faire une semaine sans paiement, cela va aider à réduire le déficit antérieur, et améliorer la trésorerie. Ça c’est une première mesure. En tout cas, si nous faisons ça, l’angoisse de misère amplifiée ne va pas s’ajouter sur l’angoisse du virus ».
Et au patron de la Banque centrale d’insister : « Il faut faire en sorte qu’il n’y ait plus de déficit. C’est l’engagement premier que nous avons pris devant le FMI. Le fait de nous donner cet appui budgétaire rapide, nous a remis en force dans le programme de référence avec le FMI. Nous étions déjà en train de patauger ».
2. Emissions des Bons du Trésor à valeur élevée
Evoquant la deuxième mesure, le gouverneur de la BCC a indiqué qu’elle consiste à émettre des Bons du Trésor de valeur élevée pour ponctionner la surliquidité sur le marché de change et permettre au gouvernement de financer ses dépenses.
« La deuxième mesure que nous prenons est l'émission des Bons du Trésor à plus forte valeur. Etant donné qu’on a créé une surliquidité qui a fait que la circulation fiduciaire a quintuplé. Mais, il y a un autre indicateur qu’on appelle réserve excédentaire des banques. Ces réserves libres ont culminé à 339 milliards FC, rien qu’au mois d’avril. C’est le niveau le plus élevé alors que la moyenne c’est autour de 200 milliards ou, au plus, 250 milliards FC. Tout ça a créé de la surliquidité. Nous avons demandé au Trésor d’émettre plus des Bons du Trésor élevés pour avoir plus de ressources afin de couvrir ce besoin de trésorerie. Ça a un effet stabilisation parce que ça ponctionne de la liquidité créée sur le marché. Ça diminue l’expansion monétaire. Quelqu’un m’a demandé, vous parlez de l’expansion alors que vous avez reçu l’argent du FMI. Ça n’a rien avoir. L’argent est là mais l’expansion est toujours là. Cela ne veut pas dire qu’on reçoit les 363 millions USD et l’expansion se termine. Non, il faut prendre ces 363 millions USD, par exemple, les vendre sur le marché et ponctionner. Mais, pour le moment, on a seulement donné au Trésor cet argent et la surliquidité reste », a expliqué Déogratias Mutombo.
3. Vente de dollar aux banques commerciales
Quant à la troisième mesure, elle est d’ordre de politique monétaire et de change. La Banque centrale va vendre de devise aux banques afin de servir les opérateurs économiques qui en ont besoin pour les importations.
« Nous avons brut 1,3 milliards USD comme réserves de change. Nous allons faire acte de présence sur le marché de change. Le lundi, nous allons vendre une enveloppe. On est en train de voir quel montant on va allouer. Ça sera une intervention indirecte. Nous n’excluons pas demain de faire d’autres interventions indirectes ou implicites. Ça c’est une mesure au niveau de la politique monétaire et de change. La situation des billets de monnaie étrangère est en train de s’arranger. Il y a quelques banques qui ont réussi quand même à importer. Mais ça, ce n’est pas important. Le plus important ce sont les mesures de stabilisation », a dit le gouverneur de la BCC.
Amédée Mwarabu